Lettre à Elie,
Tout est lourd, massif, un vrai „cul de plomb“, il ne s´assoit pas, il écrase lentement son tabouret, il ne boit son café, il l´aspire. Dieudonné fait peur, la peur fait rire. Dieudonné sans Semoun c´est Hardy sans Laurel, un géant fragile.
Reviens Elie !
Tu te rappelles ce sketch du chef de chantier maltraitant les “travailleurs d´origine étrangère” tous y voyaient une critique sociale décapante, voire une saillie anti-libérale.
Elie, Pourquoi l´as-tu abandonné ?
Tu étais son souffre douleur en même temps que son ange gardien, sa caution. Tu vois bien depuis que tu es parti, il déconne. C´est pas qu´il en dit plus, tes blagues illarantes du “délinquant portugais et sa mère” où tu plantes un personnage de commissaire tout en finesse, sont là pour témoigner que, toi aussi, tu en connais un rayon en matière de provocation...
Mais sans toi il s´est trompé de cible.
Ensemble vous auriez pu écrire des sketchs sublimes sur les „minorités historiquement opprimées“ surpassant les Boujenah, Gad elmaleh ou Popeck. Avec toi c´est de l´auto dérision, sans toi il tombe dans le plus profond des anti-sémitismes.
Tu vois bien Elie, toi parti, on a tout de suite pris le bouffon au sérieux. Et, pauvre fou, lui aussi s´est pris au sérieux. Cette prétention mortifère du comique a vouloir se prendre pour un intellectuel, alors que la grande majorité de ceux-ci ne sont que des comiques de seconde zone, a quelque chose de pathétique. L´habit est manifestement trop petit pour le colosse.
Mais le point de dérive du bouffon vers la folie se situe au moment exact où celui-ci se prend pour le roi. Inviter Faurisson sur scène, fréquenter Lepen, même pour de rire, n´est pas drôle mais effrayant, ces comiques là font franchement et uniquement peur. Sur cette voie là Dieuabandonné s´est définitivement perdu.
Perdu, ton ami Dieudonné l´est, comme acculé dans une impasse. La seule sortie bloquée il ne reste plus qu´à montrer les dents. De braves gens habitant de l´impasse de l´extrême droite lui ouvrirait volontier la porte, et il suffira d un pas de Valls pour qu´il se mette à l´abri.
Elie, j´ai peur que la situation soit désespérée.
Le Miniministre de l´intérieur a bradé une liberté de la presse que l´auto censure avait déjà prostitué, la rendant, de fait, définitivement infréquentable. L´extrême droite va la ramasser dans le ruisseau, en guenille et pour une bouchée de pain.