Je suis un vieux lecteur de Médiapart et aussi un ancien « client » de « Rue 89 », le grand-père des réseaux sociaux de débat, dont Pierre Aski était co-fondateur (je dis ça pour les plus jeunes qui n’étaient pas encore nés). Je ne pratique plus les réseaux sociaux qui sont devenus bien trop clivants pour moi. Leur fonctionnement constitue au mieux un pauvre avatar de démocratie, rempli de punchline, de propos clivants utilisant souvent l’outrance et visant le clash « pour faire le buzz », ce qui à la longue, écœure ceux qui sont en attente d’un débat plus réfléchi et apaisé sur le fond.
Aujourd’hui, je prends la plume pour ce billet d’humeur. Au moment où l’urgence est à notre porte, où nous allons nous trouver dans l’isoloir pour décider de quel côté la France va basculer, alors que tout le peuple de gauche se dit prêt à suivre une union historique de quatre partis, je constate que Médiapart ne semble soutenir délibérément que LFI en lui faisant une large place, en ne citant que ses membres actifs, en omettant ou en minimisant les résultats des autres partis de gauche.
Médiapart n’a pas jugé utile (sauf erreur de ma part) de relayer et de commenter favorablement le très bon résultat de Glücksmann, que par ailleurs les militants de LFI avaient accablé d’insultes et d’injures pendant les Européennes. Une attitude qui ne correspond pas à mes valeurs. Ce n’est pas en « salissant son adversaire » qu’on se rend digne et moralement « propre ». Que l’insulte ou la critique soit fondée ou non ne change rien. Cette démarche est à proscrire. Les réseaux sociaux portent une lourde responsabilité en la matière car ils favorisent la surenchère choquante pour permettre à leurs auteurs d’« exister ».
Quelques récentes séances à l’assemblée nationale nous ont démontré que toutes les outrances verbales ou scéniques ne mènent nulle part et finissent par déclencher le rejet en bloc de la classe politique. Nous avons un urgent besoin de représentants du peuple de gauche qui se comportent avec respect et dignité et qui s’y engagent, même si leurs adversaires ne prendraient pas les mêmes engagements.
Je n’adhère à aucun parti, mais je soutiens la gauche, toutes les composantes de la gauche, qui émettent ou ont émis des idées intéressantes à développer. Je fais cela depuis que j’ai l’âge de voter, quelles que soient ces composantes. Mais je n’adhère pas aux propos ou à la manière de parler de certains personnages clivants, des autocrates qui croient détenir la vérité, en la présentant comme unique (là, vous n’aurez pas de mal à en trouver dans l’éventail politique). C’est pourtant le cas de certains membres de LFI qui détruisent en quelques mots et en quelques secondes l’espoir de tout le peuple de gauche de barrer la route au RN et à ses associés douteux.
Le peuple de gauche ne se résume pas à LFI. D’ailleurs, j’ai pu remarquer depuis les deux dernières présidentielles, que le peuple de gauche n’a pas pu s’exprimer autrement qu’en choisissant de voter contre quelque chose ou quelqu’un.e, sans jamais pouvoir voter pour une idée ou un.e candidat.e choisi.e, que ce soit au niveau national ou régional.
Dans vos articles, je constate des choix dans la pluralité des opinions de gauche : un exemple avec le nom choisi par François Ruffin — qui n’est pas clivant et que j’apprécie pour sa largeur d’esprit toujours positive et son enthousiasme —, pour l’élan donné à la campagne. François Ruffin a eu l’idée d’appeler à la constitution d’un « Front Populaire », en référence à la coalition que Thorez et Blum, pourtant très éloignés politiquement l’un de l’autre, avaient décidé de former pour stopper la montée de l’extrême droite et lui faire barrage. Non seulement ils avaient réussi, mais cette « union contre nature » avait perduré un peu, au moins le temps d’obtenir des avancées significatives pour le monde du travail, celui des ouvriers et des employés. Je m’en tiens volontairement, comme le fait François Ruffin, au côté positif et bienfaisant de cette « union ». Parfois, il faut savoir laisser de côté ce qui nous divise, ce que d’aucun.e.s devraient méditer.
Dans la présentation du choix « Front populaire », vous n’avez relayé que son aspect clivant, négatif, sans parler des auteurs d’aujourd’hui, sans mentionner à l’évidence qu’il ne s’agit ici que de rappeler le symbole puissant d’une victoire qui démontre la possibilité de résister à la montée du fascisme si l’on s’unit ! Le « Front populaire » n’est pas une marque déposée, mais il demeure le symbole d’une victoire possible, et ça, en tant que journal engagé, ardent défenseur des libertés, vous auriez dû le souligner.