Le 13 octobre 2023
À nos camarades : voilà pourquoi nous n’étions pas là hier soir
Nous voulions participer au rassemblement de soutien à la Palestine. Terrifié·e·s par une offensive israélienne sans précédent à Gaza, nous tenons à exprimer notre solidarité avec le peuple palestinien. Nous avons écrit ce texte pour construire les bases qui nous permettraient de venir la prochaine fois.
Nous écrivons en tant que juif·ve·s, queer, Israélien·ne·s, Etasunien·ne·s et Français·e·s, vivant en France et opposé·es à la politique raciste d’Israël.
Depuis samedi dernier, nous sommes dévasté·e·s par les massacres de civil·e·s israélien·ne·s par le Hamas, par les massacres de civil·e·s palestinien·e·s causés par les bombardements israéliens et le siège à Gaza. Nous craignons l’escalade de la violence et l’absence désespérante de perspectives politiques viables et justes pour les deux peuples.
Nous sommes écoeuré·e·s par le soutien inconditionnel de la France, de l’Europe, des Etats-Unis, à une riposte israélienne, carte blanche aux crimes de guerre, et à une politique qui risque d’enflammer la région.
Mais nous sommes aussi déçu·e·s et tristes des réactions de nos camarades de gauche, antiracistes, queer, qui n’ont pas hésité, les 7 et 8 octobre, à diffuser sur les réseaux sociaux des visuels et des messages qui célébraient la lutte pour la libération palestinienne, sans référence aucune aux Israélien·ne·s massacré·e·s ou en considérant ces morts comme conséquence inévitable de l’apartheid. On ne peut s’empêcher de voir dans ces messages une justification du sang qui coule côté israélien.
Nous ne pouvons pas accepter la réjouissance face aux mort·e·s, d’aucun côté. Une empathie envers les victimes civiles de crimes de guerre nous semble être la seule base possible pour contrer la haine et la déshumanisation.
Célébrer, justifier ou légitimer le massacre de ces civils, c’est entériner encore l’amalgame entre politique israélienne et citoyen·ne·s d’Israël, mais aussi entre politique israélienne et judéité en général.
On est enragé·e·s de la position gouvernementale qui soutient aveuglément la politique criminelle israélienne et interdit toute mobilisation pro-palestinienne, mais cela ne nous empêche pas de nous inquiéter de l’aggravation de l’antisémitisme ici et ailleurs.
Les conséquences de ce qui s’est passé samedi sont terrifiantes et désastreuses. En Israël, à Gaza, en Cisjordanie, pour les Palestinien·ne·s citoyen·ne·s d’Israël, pour la région, avec les risques de flambée de la guerre. Elles le sont aussi pour les juif·ve·s et les arabes, ici et ailleurs, qui vont souffrir des amalgames, y compris dans nos propres communautés.
Nous voulons pouvoir participer aux rassemblements de soutien à la cause palestinienne qui auront lieu en France, tout en pouvant exprimer notre émotion quant aux morts et aux otages civil·es israélien·nes, parfois parmi nos proches. Nous voulons aussi communiquer notre indignation - en tant que juif·ves - face au soutien de l’Etat français au gouvernement de guerre israélien, un gouvernement qui n’hésite pas à couper l’eau et l’électricité à deux millions de Gazaoui·e·s.
Tel qu’était proposé le rassemblement et au vu de certains messages qui circulent sur les réseaux sociaux, nous avons eu peur que notre voix ne soit pas audible. Faisons attention à ce que nos propos produisent, d’abord dans nos propres communautés, qui sont d’ailleurs souvent les seules à lire nos posts. Nous voudrions pouvoir porter les voix anti-racistes et décoloniales juives au sein de nos luttes. Ne laissons pas les violences qui nous entourent s'immiscer dans nos communautés.
Le collectif Oy Gevalt !
Instagram : oygevaltoygevalt