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Billet de blog 16 septembre 2015

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Témoignage sur les réfugiés arrivant en Grèce

En croisière en mer Egée, comme chaque année depuis que je suis retraité, nous avons fait escale à Lakki sur l'île de Leros dont on a beaucoup parlé ces jours derniers dans différents journaux, dont Mediapart.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En croisière en mer Egée, comme chaque année depuis que je suis retraité, nous avons fait escale à Lakki sur l'île de Leros dont on a beaucoup parlé ces jours derniers dans différents journaux, dont Mediapart.

Voici une semaine que nous y sommes et que nous participons au sein de l'équipe de bénévoles à l'accueil des réfugiés qui arrivent quotidiennement au rythme de 150 à 350 personnes. Mediapart, dans son long article traduit du grec et intitulé " Naufrage meurtrier entre la Turquie et la Grèce", décrit très bien quelles sont les conditions de l'accueil de ces personnes, ici, à Lakki.

Je me contenterai donc de préciser quelques points quant à cet accueil :

- Le premier et le plus important à mes yeux est qu'il manque un médecin permanent qui serait à même d'examiner les nouvaux arrivants à leur descente du patrouilleur qui les a recueillis, soit en mer, soit sur des îlots voisins parfois déserts, la petite île de Farmakonisi qui ne compte qu'une base militaire pour toute occupation humaine étant la principale source de réfugiés pour Leros. Dimanche dernier, après le naufrage dont il est question dans cet article, les rescapés sont arrivés ici en subissant le même traitement que ceux plus chanceux des jours précédents qui, eux, étaient parvenus "à bon port" dans des conditions acceptables. C'est à dire qu'ils n'ont bénéficié d'aucun soin ni d'aucune aide psychologique particuliers et qu'ils ont été "maniés" par les garde côte et la police comme à l'habitude, c'est à dire plutôt rudement.

Heureusement, le groupe de bénévoles de différentes nationalités présent à Lakki compte pour le moment deux infirmières françaises : ma compagne et une dame, équipière d'un autre bateau lui aussi stoppé à Lakki pour cause d'aide aux réfugiés. Les blessés assez nombreux et surtout les personnes extrêmement traumatisées par la perte d'un ou de plusieurs proches (un Syrien avait par exemple perdu sa femme et ses trois enfants dans le naufrage) ont donc pu recevoir un peu d'aide "médicalisée" à leur débarquement. En revanche, d'autres cas plus graves relevaient manifestement d'une hospitalisation immédiate. Je pense en particulier à une fillette prostrée dans les bras de son père en larmes. Dans cette famille, c'est la mère et le petit frère de la fillette qui avaient disparu. Cette enfant vomissait régulièrement et refusait eau et nourriture. D'après la traduction de ce qu'a pu dire son père, elle avait bu beaucoup d'eau de mer avant d'être repêchée et elle s'était ensuite intoxiquée avec les gaz d'échappement du patrouilleur où les réfugiés sont parqués sur le pont, à l'arrière du bateau.

S'il avait été présent, un médecin ayant autorité l'aurait, je pense, envoyée directement aux urgences de l'hôpital de Lakki. N'ayant pas cette autorité, il m'a fallu près de 20 minutes pour convaincre le garde-côte - en anglais- que le cas de cette fillette était grave et qu'il fallait appeler une ambulance.

Depuis ce drame, une équipe de Médecins Sans Frontières (5 personnes) est arrivée à Lakki avec un peu de matériel, mais ils n'ont pas vocation à y rester plus de quelques jours. En effet, la même équipe doit couvrir toutes les îles proches de la Turquie où les réfugiés débarquent. Il me semble que d'un point de vue médical, cet exode est géré par les ONG comme elles gèrent les camps où les réfugiés ont vocation à demeurer un certain temps, parfois très, trop long. Dans ces cas là, une équipe médicale itinérante qui assure des visites périodiquse des différents camps de la région concernée peut être très efficace. Ici, à Leros, les réfugiés ne demeurent qu'un temps très bref, un ou deux jours, une semaine grand maximum. C'est heureux car les conditions de confort et d'hygiène règnant dans ce qu'il est difficile de nommer "centre d'accueil" sont épouvantables. Ensuite, ils s'en vont à Athènes par le ferry régulier ou avec le gros ferry Venizelos quand il passe par ici. Mais cela suppose aussi que nombre de malades sans diagnostic et sans soin sont dispersés dans la nature.

Pour ne pas parler que de leur sort propre sur les routes de l'exil, ils représentent un risque épidémiologique certain. Risque aggravé par l'entassement et l'absence d'hygiène du "centre d'accueil" de Leros (toilettes trop rares et débordantes, une douche de fortune pour 350 personnes, eaux croupies dans lesquelles les enfants pataugent, etc.)

Une solution à ce manque quasi-permanent de présence médicale apte à examiner tous les réfugiés à leur arrivée sur l'île pourrait, je pense, résider dans la mobilisation de quelques médecins militaires de l'Armée Grecque, laquelle Armée entretient des garnisons importantes dans toutes les îles proches de la Turquie. Le problème, c'est que je ne suis pas à même de suggérer cela à qui que ce soit et que je n'ai même pas idée du canal à utiliser pour ce faire.

Pour clore ce chapitre, une petite précision quant au naufrage de dimanche dernier : plusieurs des rescapés que ma compagne a interrogés lui ont dit qu'ils étaient 180 à bord. Si cela est vrai, ce drame aurait causé la mort de plus de 80 personnes et non de 34. Il est possible que la comptabilité des décès n'ait pas pris en compte les disparus. Vu le nombre de rescapés ayant perdu un ou plusieurs proches, j'ai malheureusement tendance à penser que ce chiffre de 80 morts est le plus probable. A quoi il faut ajouter le naufrage d'aujourd'hui, près de Kos, qui aurait fait "au moins" 22 victimes dont 4 enfants.

- Mon deuxième point sera un appel à l'aide. Comme il est bien décrit dans l'article de Mediapart, Leros est une île mineure du Dodécanèse assez peu peuplée et pas très riche. Les collectes de vêtements et autres biens indispensables y ont bien fonctionné, y compris auprès des rares touristes et des étrangers qui passent ou résident ici. Mais elles ont leurs limites et il est impossible qu'une dizaine de millier de personnes puisse assurer ce qui est nécessaire à environ 250 nouveaux réfugiés par jour, en moyenne, certains ayant tout perdu lors de leur traversée.

Je me permets donc d'en appeler à la générosité des lecteurs de Mediapart comme je l'ai déjà fait sur un forum consacré à la navigation de plaisance.

Nous manquons particulièrement de :

  • Vêtements pour hommes, de toutes natures;
  • Des vêtements pour enfants de tous âges, excepté les nourrissons (il y a ce qu'il faut pour les nourrissons);
  • Des chaussures pour tous, principalement des baskets ou équivalent et spécialement des chaussures pour enfants;
  • Des KWay de toutes tailles, veste et pantalon (ils vont tous remonter vers le Nord);
  • Des sacs à dos très simples ou même des sacs solides de supermarché (ceux qui ont tout perdu en route repartent d'ici avec leurs maigres biens personnels dans un sac poubelle, nous n'avons rien d'autre);
  • Du savon;
  • Des livres de coloriage (ou équivalent) et des crayons de couleur pour occuper les plus petits, des petits jouets pour les plus grands

Je me suis entendu avec un des cafés du port dont la propriétaire vient déjà en aide aux réfugiés en leur offrant sa terrasse à l'ombre et la possibilité de recharger leurs téléphones portable. Elle est d'accord pour recevoir d'éventuels colis et pour téléphoner aux bénévoles qui resteront sur place dès qu'elle les reçoit. L'adresse où envoyer vos dons que j'espère nombreux et durables :

MORANO CAFE

Deligiorgis Nikos

LAKKI-LEROS 85400


(Prière d'écrire sur le paquet : "FOR REFUGEES")

Pour les dons en espèces, c'est malheureusement impossible à organiser en raison de l'absence quasi-permanente des ONG sur l'île.

Je joins quelques photos prises par ma compagne montrant l'arrivée des réfugiés avec le patrouilleur (parfois plus de 24h après qu'ils aient touché terre à Farmakonisi !) ainsi que des enfants Syriens passant le temps comme ils le peuvent. Sur l'une d'elles on remarquera le manque criant de chaussures adaptées aux pieds de ces enfants. Sur une autre, on pourra voir les cartons qui servent alternativement de siège et de lits à ces hommes, femmes et enfants. Certains jours, nous manquons même de ces cartons pour asseoir et coucher tout le monde.

(Mis à part la photo du patrouilleur, toutes les autres ont été prises avec l'accord des parents pour publication)

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