Sur ce coup là, c'est sûr, l'UMP ne va pas dire grand chose: ils n'ont rien promis, n'en ont même jamais beaucoup parlé (sauf Bruno Le Maire, peut-être, je crois), ils sont donc tranquilles. Le PRG, sans surprise, est franchement contre: on n'en attend pas moins des restes défraîchis d'une famille politique jadis glorieuse, aujourd'hui en soins palliatifs. En revanche, au PS, ça remue, ça tangue, ça louvoie.
Il y a ceux qui font dans le cocasse, limite ridicule, comme Jérôme Guedj, président du Conseil général de l'Essonne, jeune loup aux dents longues, député parce que suppléant de François Lamy devenu ministre de la Ville. Et justement, argumente-t-il finement, pas de bol, le cas des suppléants n'a pas été prévu. Alors... Là où c'est vraiment subtil (en dépit des apparences), c'est que Lamy est un très proche de Martine Aubry, ardente pourfendeuse du cumul. Or, une partie de la fronde (partie cachée) s'explique par la détestation de nombre de ténors vis-à-vis de la maire de Lille (d'ailleurs, expliquent-ils, facile d'être contre quand on a été battue aux législatives, en 2007, et que l'on n'a pas eu le cran de se représenter en 2012...).
il y a aussi le sémillant Rebsamen (cf Le Monde de ce soir) qui feint de penser que l'on accuse principalement les élus de cumuler... les indemnités, répond donc à côté, pour finir par dire qu'il y a "plus urgent" (le chômage, la croissance, et blablabla...).
Tout ceci est assez pitoyable.
De mon point de vue, la principale raison pour laquelle il faut strictement limiter à un mandat les principales fonctions électives est la suivante: ce sont tout simplement des jobs à plein temps.
C'est vrai d'abord pour les parlementaires. Sauf à se moquer du monde, comment prétendre que le travail législatif peut s'expédier en deux jours et demi par semaine. C'est complexe, de plus en plus complexe, ça nécessite de réfléchir, de consulter, de se documenter et pas seulement de pérorer cinq minutes à la tribune une fois de temps en temps. Ou alors, autant dire tout de suite que ce sont les assistants parlementaires et les personnels administratifs des Assemblées qui font le boulot. Inutile ensuite de gloser autour de l'inflation législative ou du caractère abscons de nombreux textes.
Quant à la présence "sur le terrain", deux choses: d'une part, la Constitution l'affirme, un parlementaire, notamment un député, n'est pas un élu local mais celui de la Nation toute entière. Mieux: la tendance naturelle à céder aux lobbies de sa circonscription est un déni démocratique s'exerçant au détriment de l'intérêt général (ce qui, soit dit en passant, plaide pour une forte dose de proportionnelle). D'autre part, rien n'interdit à un député de rester au contact des fameuses "réalités", de rencontrer "des gens", de visiter des entreprises, des hôpitaux, des maisons de retraite, des écoles, des magasins, y compris en étant élu au scrutin de liste. Quant aux sénateurs qui, représentant les collectivités locales, devraient automatiquement garder la tête d'une mairie ou d'un Département, notons au passage qu'ils votent toutes les lois, pas seulement celles relatives aux échelons locaux. Par ailleurs, la position extrême par rapport à cet argument, serait de postuler que les sénateurs soient obligés par la loi à cumuler...
Toujours à propos du "job à plein temps", rappelons que la décentralisation, depuis trente ans, a conféré des compétences très étendues au Conseils généraux et régionaux. Les présidents de ces assemblées ne manquent pas l'occasion de le rappeler lorsqu'ils s'efforcent de valoriser leur rôle devant les citoyens. Et le fait que ceux-ci le méconnaissent n'ôte rien à la réalité: collèges, lycées, formation professionnelle, RSA, action sociale, aménagement du territoire, routes, transports (je cite ici pèle mêle les attributions principales des deux niveaux), ce n'est pas rien pour notre vie quotidienne et le fonctionnement du pays. La remarque vaut pour les maires, y compris de communes de taille moyenne, même si les lois de décentralisation n'ont pas considérablement accru des domaines d'intervention très élargis.
Derrière les objections plus ou moins piteuses entendues ces derniers mois (volontairement, j'élude d'autres aspects pour ne pas allonger trop la sauce ici), se cache d'abord un fait: le PS est devenu massivement un parti de notables locaux, et ce constat n'est pas neutre lorsqu'on s'interroge sur la frilosité dont il fait preuve dans tant de domaines. Et, plus généralement, ces baronnies, leurs réseaux, leurs arrangements, leurs combinaisons, constituent le terreau de notre vie politique nationale. Je ne suis pas en train de développer un propos douteux "anti-élus" sur le thème "tous pourris". Je parle juste du pouvoir, des pouvoirs, et de la difficulté de l'âme humaine à s'en détacher quand elle y a goûté. Je pointe aussi, il n'y a pas de raison, la contradiction des électeurs qui, en fait, adorent avoir accès direct à "leur" élu, et, quitte à le vilipender autour d'un verre, le noient sous des demandes de faveurs petites ou grandes.
Le clientélisme est le sel de la vie politique française. Nous sommes si souvent "clients" qu'il ne faut pas non plus s'étonner si ceux auxquels nous accordons nos suffrages se comportent en boutiquiers.