D'abord, pour être clair, je n'éprouve pas de satisfaction particulière à l'dée que quelqu'un puisse être expédié en prison. Mais, en l'occurrence, au-delà de cette réserve de principe, je trouve intéressant qu'enfin puisse être mis en évidence l'une des tares du système politique français, à savoit le clientélisme local, conforté, bien entendu, par ces deux autres inepties que sont le cumul des mandats et une certaine conception jusqu'au boutiste de la décentralisation.
Je ne me prononce pas sur la gestion proprement dite de la crise: c'est un sujet très délicat sur lequel il conviendrait de connaître dans le détail la chaîne des responsabilités et des défaillances éventuelles. En revanche, oui, depuis des décennies, nombre de petits (ou de grands, d'ailleurs) potentats locaux organisent sans états d'âme les conditions de catastrophes comme celle vécue en Vendée avec Xynthia, et comme d'autres (heureusement moins coûteuses en victimes humaines) qui focalisent l'attention ces dernières années.
La délivrance en toute connaissance de cause de permis de construire en zones inondables (ou, un jour, certainement, ce problème surgira également, dans des zones reconnues comme concernées par des risques industriels) constitue un sport national exercé jusqu'alors en toute impunité. Il faut satisfaire l'électeur et asseoir son pouvoir en facilitant le développement de sa commune sur le mode de la grenouille se faisant aussi grosse que le boeuf. Il y a bien des cas où ces stratégies de notables aveuglés par leur suffisance se doublent de corruptions, mais il sont finalement assez rares. En fait, ce sont les mentalités qui sont corrompues, ou l'esprit de responsabilité des élus, bien davantage que n'est mise en cause leur honnêteté au sens strict du terme.
Cela étant, le système ne fonctionne qu'avec des complices, et, à cet égard, je regrette le caractère partiel de la décision de justice évoquée ci-dessus.
En première ligne, figurent les administrations d'Etat chargées du contrôle de légalité. Il est vrai que la pression s'exerçant sur elles, et plus particulièrement sur les autorités préfectorales détentrices de l'autorité hiérarchique, est forte et souvent insidieuse. Ici trouve sa place une autre corruption des esprits: celle des petits arrangements entre représentants du pouvoir central et les détenteurs de mandats électifs se rengorgeant à tout bout de champ de l'onction du suffrage universel. Combien de hauts fonctionnaires savent résister à la tentation de ne pas déplaire? On ne saurait les dénombrer, car il y en a, bien sûr, mais ceux qui privilégient leur carrière en fermant les yeux contribuent activement aux dérives d'une urbanisation anarchique. On ne parle guère de ces colloques singuliers se déroulant à l'abri des oreilles ou des regards indiscrets.
Par ailleurs, dans clientélisme, il y a aussi "clients". Jusqu'à quel point les victimes d'aujourd'hui, criant vengeance et réparation, ont-elles participé à leur désarroi? Il n'est pas plus aisé de le déterminer que s'agissant des responsables administratifs déjà mentionnés. Il paraît toutefois évident que le phénomène est loin d'être résiduel. Et les élus, ils existent également, s'efforçant de résister aux demandes incongrues de leurs concitoyens savent raconter les insultes, les menaces ou, tout simplement, les représailles électorales dont ils sont l'objet.
Alors, bien entendu, il faudrait dévider encore davantage la pelote. Il faudrait parler pouvoir d'achat, flambée du foncier dans le centre des agglomérations qui repoussent les moins fortunées précisément vers ces zones à risques ou évoquer la mythologie savamment entretenue de "l'accession à la propriété" censée représenter le modèle gratifiant prouvant la réussite d'une vie entière.
Finalement, la complexité du problème, si elle n'exonère pas les responsables directs, constitue une sorte de symptôme virulent d'un pays étouffant non tant sous les normes comme veulent nous le faire croire quelques corporations bien organisées, que sous d'inextricables contradictions. Et, parmi celles-ci, bien placée, l'aspiration à "l'ordre", à la punition sans appel des "délinquants" s'accompagnant de comportements portés par un individualisme "décomplexé" décidant des règles dont il est permis de s'affranchir quand, pour d'autres, on considère leur transgression comme un crime impardonnable.
Pas de solution simple et évidente. Mais la disparition d'une parole publique forte et cohérente accompagnée de comportements exemplaires n'aide pas...