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Billet de blog 20 septembre 2012

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"Dieu est mort"? Si seulement c'était vrai...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il arrive un moment où trop c'est trop.

Il y a cet archevêque français qui assimile mariage entre personnes du même sexe, polygamie et inceste, ces islamistes proclamant l'impérieuse nécessité de tuer ceux sur le champ ceux qui bafouent le prophète (sans parler des femmes adultères...), ce mormon qui prétend diriger les Etats-Unis en prônant l'interdiction de l'avortement et en déblatérant les dangereux adeptes de l'assistanat, les israéliens ultra-orthodoxes refusant de faire leur service militaire au prétexte que leur unique job c'est l'étude des écritures sacrées pendant que leurs épouses vont au turbin, les cathos intégristes qui molestent les acteurs coupables d'insulter Jésus dans une pièce de théâtre, et, d'une façon générale, les excités de la "vraie foi", la leur, bien entendu, pas celle des autres.

Au fur et à mesure que se délite le débat politique, que devient ringarde l'idée même selon laquelle le partage de la valeur ajoutée, ou, pour le dire autrement, celle affirmant que le partage des richesses crées par l'activité économique constitue l'enjeu majeur de la vie sociale, que s'estompe, pour résumer, ce qui a nourrit les affrontements idéologiques de la seconde moitié du 20ème siècle, c'est le fait religieux qui, de nouveau, occupe le haut du pavé, monopolise l'attention médiatique, déclenche les pires excès, attise les haines.

Alors, oui, le moment est venu de se mobiliser avec vigueur pour clamer haut et fort que la notion même de blasphème doit être résolument écartée de nos catégories délictuelles, que la religion ne saurait être rien d'autre qu'une pratique individuelle, que le prosélytisme est la pire des engeances et qu'il faut défendre notre Droit inaliénable à refuser de nous laisser embrigader par les bigots de tous bords, à affirmer que leurs Dieux n'ont rien à faire dans nos vies citoyennes, que nous leur dénions la moindre légitimité de s'arroger autre chose qu'une possibilité d'expression, à stricte égalité avec les autres courants de pensée, dans le débat public.

La religion n'est pas seulement "l'opium du peuple". Elle devient, avec une récurrence préoccupante, le rideau de fumée tiré pour masquer les véritables défis de l'époque. Pas par l'effet d'un complot, juste par l'affaiblissement des autres forces intellectuelles qui leur ouvre, non pas une brèche, mais un boulevard. Dieu ainsi remis au premier plan de la scène n'est plus qu'une sorte de béquille, d'anti-inflammatoire censé redonner dignité et identité à celles et ceux laissés pour compte par les politiques sociales, le naufrage de l'urbanisme contemporain, l'aveuglement économique, le dépérissement des valeurs républicaines.

Au point où nous en sommes, il faut, sur ce terrain de bataille là, proscrire la bienveillance, le relativisme, les pudeurs voltairiennes ("je ne suis pas d'accord avec vous mais je ferai tout pour que vous puissiez vous exprimer"). Il faut écarter leur violence à eux, celle qui fit des millions de morts au fil des siècles, mais il faut ne rien lâcher, se battre pied à pied, refuser les compromis, porter haut le drapeau de la seule laïcité qui vaille, celle qui cantonne les divinités dans les seuls lieux où elles doivent prospérer, c'est-à-dire les lieux dédiés au culte.

Et, pour le reste, surtout, que l'on nous foute la paix. Amen... 

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