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Billet de blog 23 août 2012

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Fillon 2017: au secours, Pompidou revient!

A la question "et le fillonisme?", l'ancien Premier ministre répond (dans Le Point de cette semaine): (...) "Je me reconnais dans l'approche de Pompidou: refus des idéologies mais aussi de la démagogie et des petites cuisines électorales."

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A la question "et le fillonisme?", l'ancien Premier ministre répond (dans Le Point de cette semaine): (...) "Je me reconnais dans l'approche de Pompidou: refus des idéologies mais aussi de la démagogie et des petites cuisines électorales." Et là, j'ai surtout envie de répondre: "Tu parles!". Ou de crier "Au secours!".

Le temps passant, il faut dire que Pompidou bénéficie d'une étrange aura. L'amateur éclairé d'art contemporain, passé à la postérité via le Centre qui porte son nom, lui confère un a priori d'esthétisme, sa citation d'Eluard à propos de Gabrielle Russier (pour ceux qui s'en souviennent) une pincée d'humanisme "moderne", l'affaire Markovitch (pour ceux qui n'ont pas oublié) un brin de compassion, et la maladie qui l'emporta pendant qu'il exerçait ses fonctions arrache un soupir attristé à ceux qui passent par pertes et profits le mensonge d'Etat y afférent (il est vrai qu'il y en a eu d'autres...). Ajoutons une femme discrète, calomniée et raffinée, la clope au coin de la bouche, des attaches dans le Cantal et nous obtenons un personnage qui s'en tire avec les honneurs. Un téléfilm l'an passé, très bien interprété par JF Balmer, contribua à cultiver cette image.

Pour ceux qui avaient déjà un minimum de conscience politique entre 1962 (il devient Premier ministre) et 1974 (il meurt), franchement, les choses sont bien différentes. On doit pouvoir se procurer encore "Le système Pompidou" de Gilles Martinet qui faisait un sort à la légende pas encore formée. Mais on a le droit aussi d'avoir de la mémoire.

Pompidou, c'est l'homme qui, avec méthode et persévérance, contribua à vider le gaullisme de sa substance héroïque et sociale. C'est lui, familier des milieux bancaires, qui réinventa et, si l'on peut dire, modernisa les liens infâmes entre la droite qui se réclamait encore du Général et l'affairisme le plus échevelé. C'est sous sa présidence qu'éclate le scandale de la Garantie Foncière, premier du genre sous la Vème République, autour de Sociétés Civiles de Placement Immobilier au statut élastique. C'était, comme le dit Michel Poniatowski, un connaisseur, "le temps des copains et des coquins".

Il nomma au ministère de l'Intérieur un certain Raymond Marcellin, obsédé par la liquidation de mai 68 (un des nombreux pères spirituels de Sarko, en quelque sorte), les gauchistes et les "agitateurs" (il aurait adoré Tarnac). Il distingua Druon comme ministre de la Culture, auquel on doit la formule du "cocktail Molotov et de la sébile" à travers laquelle il contestait la programmation "subversive" (forcément) des théâtres publics. C'est encore à cette même époque qu'est publié le manifeste dit des "343 salopes" pour protester contre le blocage autour du droit à l'avortement. Et l'immobilisme en matière d'innovation économique, à laquelle, déjà, était préférée la spéculation, ne prépara pas, c'est une litote,  la France aux crises des années 70.

Bref, Pompidou, c'est le retour, sous les dehors d'une bonhomie aux sourcils charbonneux, d'une droite louis-philipparde, cupide, frileuse, réactionnaire, gangrenée par les officines post-gaullistes et les relents de la frousse ressentie du fait de l'agitation de la fin des années 60.

Voici donc la référence ultime de Fillon. C'est toujours bon à savoir de la part d'un type qui trimballe encore une subtile nuance de gaullisme social pour avoir été le poulain de Seguin. D'ailleurs, à un autre endroit du même entretien, il nous sert la formule en vogue du côté de la Droite populaire: "la gauche aurait le droit de s'allier à l'extrême gauche alors que la droite se l'interdit" (comprendre "de s'allier à l'extrême droite"). Et d'expliquer les "horreurs" du programme du Front de Gauche (puisque c'est de lui qu'il s'agit): "fin de l'euro, baisse du prix du pétrole, augmentation immédiate de tous les salaires et retour de la retraite à 60 ans". C'est vrai, il y a de quoi frémir. En revanche, les propositions de Marine Le Pen sont juste, et, au fond, assez gentiment, qualifiées "d'absurdes".

Tout ceci devrait suffire. A tous ceux qui vont s'évertuer à nous décortiquer les différences "idéologiques" entre Fillon et Copé (nous traiterons des outsiders une autre fois), opposons la seule réponse pertinente: un bref ricanement. 

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