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Billet de blog 27 août 2012

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Quand Copé confirme l'échec démocratique de la décentralisation

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S'exprimant il y a peu sur une radio, et évoquant la prochaine étape importante pour la Droite, Copé  a précisé que, selon lui, "c'est le rendez-vous de 2014, ce sont les élections locales. Ce que je souhaite, c'est qu'on fasse une vague bleue qui réponde à la vague rose que vient de subir la France." Propos réitérés au JT de France 2 ce week-end.

Traduction: quand vous irez voter pour votre maire, votre conseiller général ou votre conseiller régional, faites-le en pensant à la politique gouvernementale et prenez votre décision en fonction de ce que vous en pensez. Soit, très exactement, l'inverse de la logique décentralisatrice à l'oeuvre dans ce pays depuis trente ans. La Gauche a fait de même chaque fois qu'elle était dans l'opposition? C'est vrai et ce n'est pas une consolation.

Revenons aux origines. Ce qui a fondé la décentralisation, c'était l'idée qu'il fallait rapprocher les centres de décision politiques et administratifs (déconcentration en ce dernier cas) du terrain, et donc des électeurs. On en attendait une connaissance plus fine des problèmes, et, par conséquent, des initiatives mieux adaptées aux réels besoins des territoires et de leurs populations. En parallèle, cette lisibilité, cette transparence, cette proximité étaient réputées faciliter le contrôle démocratique par les électeurs. Jadis, l'élu local se réfugiait volontiers derrière "ceux de Paris" qui décident sans (chercher à) connaître, sans (chercher à) comprendre les aspirations des habitants, notamment ceux dispersés dans les zones rurales, en méconnaissant, voire en méprisant, les particularismes. Donner davantage de compétences aux Départements et aux Régions (grands bénéficiaires de la décentralisation), c'était obtenir à la fois un meilleur service et une vie démocratique renforcée.

Les déclarations de Copé ne constituent qu'un énième avatar de l'échec de ce rêve. Qu'elles proviennent d'un champion du cumul des mandats leur confère une saveur supplémentaire particulière, mais, répétons-le, le Secrétaire général de l'UMP ne fait que perpétuer une tradition qui transcende les partis. Pour cet étrange résultat: il est finalement assez fréquent qu'en France on exprime un vote ne correspondant en rien à l'objet de la consultation à laquelle on est invité à participer. Drôle de constat pour un pays qui se pique volontiers d'avoir inventé la démocratie moderne.

François Hollande a annoncé un "Acte 3" de la décentralisation. Personne ne sait encore en quoi il consistera exactement. Compte tenu du poids considérable des notables locaux au sein du PS et, singulièrement, parmi ceux qui furent les premiers soutiens de l'actuel Président, il est probable que l'on s'achemine vers un renforcement des pouvoirs dévolus aux collectivités territoriales. Et donc à une accentuation de la confusion démocratique dont il est ici question. En notant au passage qu'au fond les principaux intéressés, tous bords confondus, semblent assez bien s'accommoder du flou régnant parmi leurs concitoyens. Ils sont élus sur les bases d'une représentativité douteuse, certes (si l'on considère les taux d'abstention très élevés aux scrutins régionaux et cantonaux), mais l'essentiel n'est-il pas d'être élu? sans compter, cerise sur le gâteau, qu'un certain nombre d'échelons décisionnels (communautés de communes, communautés d'agglomération, syndicats intercommunaux) ne s'appuient même pas sur le suffrage universel direct pour désigner leurs responsables.

C'est une dimension de notre vie politique peu abordée, je crois. Pourtant, en brouillant les responsabilités et la perception des détenteurs réels du pouvoir sur des sujets touchant au quotidien, elle contribue largement au désenchantement citoyen dont les conséquences, elles, sont commentées en abondance. J'ignore si la commission Jospin pourra contribuer à clarifier le paysage et à remettre les véritables enjeux en pleine lumière. Nous verrons et nous en reparlerons. Il serait en tout cas dommage de passer encore longtemps à côté d'un dépoussiérage qui ne creuserait pas les déficits publics tout en redonnant un tant soit peu de sens à nos "privilèges" d'électeurs.

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