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Billet de blog 28 août 2013

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Retraites: quand la Gauche "hollandaise" enterre le vieux mythe révolutionnaire de "Progrès"

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"Le Progrès"! Naturellement, la référence peut prêter à sourire comme elle a, depuis trois siècles, prêté à débats, polémiques, espoirs, frustrations, déceptions et utopies.

Pas question d'esquisser ici une "somme" sur le sujet. Je me contenterai de souligner que la notion, née du côté du Siècle des Lumières, avait au moins le mérite de proposer une vision dynamique de l'activité humaine. Bien entendu, soit par naïveté, soit par calcul, elle a largement véhiculé une part d'illusion et il y a belle lurette que, par exemple, l'équation progrès technique = bonheur et paix assurés a montré ses limites.

Soit.

Pourquoi dès lors l'évoquer à l'occasion de la nouvelle réforme des retraites? Parce que, en validant implicitement l'antienne "puisque l'espérance de vie augmente, nous devons travailler plus longtemps", le gouvernement de Jean-Marc Ayrault enterre un principe qui, des décennies durant, a porté tout le mouvement social. Là encore, pour aller vite, il s'agit de l'idée selon laquelle tout ce qui est gagné en termes de valeur ajoutée supplémentaire et de productivité accrue doit, d'abord, profiter à ceux qui ont permis ce résultat. Toujours synthétiquement: travailler moins et moins longtemps dans sa vie pour un niveau de vie en augmentation. S'il y avait bien une référence séparant, traditionnellement, la "gauche" de la "droite", c'était celle-ci.

Dans un dossier très argumenté, le numéro de juin du magazine "Alternatives économiques" s'interroge: "Retraites: faut-il encore une réforme?". Je renvoie à la lecture de ce pages pour n'en retenir qu'une donnée: si l'on raisonne en part du PIB consacrée aux dépenses de retraite, la France, en 2010, se situait au 2ème rang de la zone euro; au train où vont les choses, elle sera, en 2060, en 6ème position. Le constat est clair et l'orientation politique ne l'est pas moins. Surtout si l'on considère que notre pays dispose des perspectives démographiques les plus favorables.

Derrière les raisonnements purement comptables, derrière l'empressement à réduire un déficit de 20 milliards (prévision 2017) rapporté à une dépense globale de 280 milliards (ce n'est pas rien, ce n'est pas apocalyptique non plus), derrière l'alignement confirmé sur le libéralisme structurel des dirigeants de l'UE, c'est bien d'une abdication idéologique et philosophique majeure qu'il s'agit.

Je ne me lancerai pas dans une diatribe sur "l'argent qu'il faut prendre où il se trouve". Je ne rentrerai pas davantage dans une discussion technique sur le sens d'une construction fondée à partir d'hypothèses à près de dix ans quand on est incapable de formuler un pronostic fiable de croissance à un an. En revanche, considérant la problématique de la répartition de la richesse crée (au sens "valeur ajoutée" déjà mentionnée) comme l'enjeu central de l'organisation économique et sociale, je remarque simplement, sans surprise compte tenu de ce que l'on entend depuis un an, mais avec un vrai supplément d'amertume, que la capitulation en rase campagne de la gauche française sur ses fondamentaux gagne de nouveaux terrains. Et, toujours, ce qui est bien le pire, sans avoir même tenté de combattre.

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