C'est étonnant de constater à quel point, semble-t-il, des tas de gens ont des avis très tranchés sur la question de l'intervention militaire éventuelle en Syrie. Du coup, ma propre hésitation à décider me mettrait presque mal à l'aise. Il faut dire qu'entre risquer de se voir traiter, au choix, de "va-t-en guerre", de "munichois", de "suppôt de l'impérialisme américain" ou d'indifférent chronique à l'horreur des armes chimiques, l'option pertinente est difficile à déterminer. Si l'on ajoute une idée communément admise, par les "pro" comme par les "anti" selon laquelle il ne faut, de toute façon, surtout pas envisager le renversement du régime d'Al-Assad au risque de favoriser pire (!?), on ne peut que voir s'accroître sa perplexité.
Bien sûr, la référence à l'Irak peut faire réfléchir. Mais, en ce cas, cela signifie que l'on suspecte l'authenticité sur les témoignages qui, depuis des mois, font état des méfaits de l'armée syrienne officielle. Ou que l'on se satisfait d'une espèce d'équilibre entre les atrocités des uns et les crimes des autres (et réciproquement). Il y a pourtant tant de sujets, de nos jours, sur lesquels le moindre bout de vidéo entrevu sur You Tube, tournée à la va-vite par on ne sait qui, conduit à des jugements définitifs, que l'on peut s'étonner d'une telle exigence dans ce cas particulier.
En fait, historiquement, les raisons qui poussent certains à souhaiter gaiement une guerre sont en général aussi suspectes que celles qui en incitent d'autres à rester tranquillement au coin du feu quoi qu'il arrive. Et c'est bien le problème. D'autant que j'appartiens à cette première génération d'homme, en France, épargnée par l'obligation de participer à un conflit armé. D'où, forcément, une réserve accrue à l'idée d'encourager d'autres à risquer leur vie ou, même, d'autoriser des frappes dont on sait que le caractère "chirurgical" demeure aléatoire.
Plutôt contre, alors?
En fait, quand je lis, ce soir, dans "Le Monde", sous la plume d'un (forcément) honorable universitaire d'Harvard que "la puissance américaine n'est crédible que quand elle sert à protéger les intérêt vitaux des Etats-unis" ou qu'il "est regrettable (!!) que Bachar Al-Assad ait recours à des armes chimiques", je trouve la prise de distance quand même un peu raide.
De même, l'aimable Bruno Le Maire, démangé par l'éventualité d'une candidature à la présidentielle un de ces jours, mettant en garde le gouvernement contre une intervention parce qu'elle mettrait en péril la sécurité me semble jouer "petit bras", au moins dans son raisonnement, pour un futur chef d'Etat.
Et puis, je crois bien avoir lu que beaucoup de dirigeants alliés dans les années quarante, informés de l'existence des camps de concentration, n'en ont pas moins retardé la phase finale des opérations militaires pour préparer Yalta (je résume). Et je ne parle même pas de ceux qui savaient avant 1939. Dans un esprit identique, la guerre froide... l'est restée, permettant à Staline, puis à une bonne partie de ses successeurs de déporter des millions de leurs concitoyens. De quoi réfléchir.
Il ne faut pas non plus boycotter les grandes compétitions sportives quand elles ont lieu dans un régime totalitaire (ça ne sert à rien, c'est contre-productif, et patati, et patata...).
Je sais, aussi, qu'il est délicat, voire extrêmement dangereux, de décider "tout seul" où sont les bons et les méchants. Par ailleurs, l'ONU a été crée pour réguler tout ceci, et il faut en respecter les règles, y compris quand elles permettent au très démocrate Poutine de préserver ses divers trafics avec la Syrie. Ok. C'est la sagesse.
Pourtant...
tout bien réfléchi...
... deux ou trois missiles bien placés (et on sait à peu près les placer quand on veut), dans ce cas précis, franchement, une certaine morale y trouverait son compte. Et préserver Bachar au motif qu'après ce serait le bordel (parce que ça ne l'est pas?), ou que ce serait un boulevard pour les fondamentalistes islamistes (plutôt les gaz que la burqa, ça se discute longuement) me semble, au total, manquer quelque peu de dignité.