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Billet de blog 26 mars 2010

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Jeu de la mort

L'expérience de Milgram revisitée pour le petit écran.par Delphine Bouchard

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L'expérience de Milgram revisitée pour le petit écran.

par Delphine Bouchard

Un plateau télé, une salle de torture factice, des comédiens hurlant à la mort et des cobayes qui luttent contre une autorité...

La mise en scène théâtrale du documentaire de Christophe Nick, diffusé sur France 2, affiche les effets pervers des travers qu'il entend démontrer.

« Le jeu de la mort » veut faire le procès de la télé-réalité et de son influence sur l'obéissance aux ordres donnés par un animateur. Le résultat de l'expérience est choquant : 81% des participants vont jusqu'à administrer une charge de 460 volts au candidat attaché. Cependant, les conclusions sont à tempérer. Selon les enseignements de Milgram, l'obéissance n'est pas liée à l'environnement, mais au rapport quotidien à une forme d'autorité, qu'elle soit scientifique, militaire ou administrative.

L'étude réalisée en 1960 par le psychologue démontrait déjà l'influence d'une instance légitime sur notre perception du bien ou du mal. D'ailleurs, cette expérience est aujourd'hui interdite aux États-Unis. Les professionnels estiment avoir fait le tour du sujet et se soucient des questions d'éthique et de respect de l'intégrité des participants.

Les résultats du documentaire de Christophe Nick laissent d'autant plus perplexe que les conditions de tournage, tout comme le montage, ajoutent une touche dramatique au programme. Le fond sonore est composé de la musique d'Orange mécanique, les arguments sont appuyés par des images de jeux absurdes, et l'illustration du pouvoir de la télévision se transmet au travers d'images de Tiananmen …

Les plans alternant bourreaux et victimes laissent croire que l'un et l'autre peuvent se voir. Comment cet être humain d'apparence « normale » peut-il rester de marbre face à la douleur qui crispe le visage de son interlocuteur? Simplement parce qu'en réalité il ne le voit pas. Les tests réalisés par Milgram ont du reste démontré que le taux d'obéissance dégringole lorsque les deux individus sont en contact visuel. Enfin, la mise en scène de l'expérience sous forme de jeu télévisé suppose des règles de conduite que les participants n'oublient pas.

Il semble effectivement impossible que des instances comme le CSA puissent accepter que l'on torture ou tue une personne sur un plateau télé. Les candidats s'en remettent alors au jugement du présentateur, persuadés de la légitimité de leurs actes. Dans ces conditions, le « jeu de la mort » de France 2 ne prouve donc qu'une seule chose : la télévision fait partie de ces sources d'autorités qui peuvent provoquer une soumission.

De là à dramatiser les conclusions pour produire un réquisitoire contre la télé-réalité, il n'y a qu'un pas.

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