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Billet de blog 2 sept. 2017

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Contrat de publication : ça se négocie !

Le Dictionnaire des biens communs vient de paraître chez PUF. J'y ai contribué une unique entrée, ce qui fait moins de 3 pages sur les 1300 que comporte l'ouvrage. Cependant, le contrat de publication est loin d'être trivial, et il était même complètement inadmissible dans sa première version.

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Le 23 août dernier, est paru chez PUF le Dictionnaire des biens communs, un ouvrage collectif dirigé par Marie Cornu, Fabienne Orsi, et Judith Rochefeld. Je laisse cette dernière vous présenter le dictionnaire puisque ce n'est pas pour ça que j'écris ce billet :

Judith Rochfeld - Dictionnaire des biens communs © librairie mollat

J'ai contribué l'entrée "Publication en libre accès" à ce dictionnaire, qui comme l'indique son titre, résume les différentes voies de publication en libre accès. Avant la publication du livre, je me suis vu adresser un contrat par la maison d'édition, PUF. Le contrat ne faisait que quelques pages, mais comme j'ai l'habitude des escrocs des maisons d'édition scientifiques, j'ai fait particulièrement attention à sa lecture. Le contrat consistait essentiellement en la mise à l'écrit de clauses de bon sens, mais en contenait aussi quelques unes qui m'ont fait tiquer au point qu'il était absolument hors de question que je le signe. Voici les clauses en question, qui font donc partie du contrat standard de publication, au moins chez cet éditeur.

  • « Le Contributeur s'engage à ne publier à l'avenir, sous son nom ou anonymement, aucun ouvrage dont le titre, la matière, la teneur, les dimensions matérielles ou la présentation constitueraient une concurrence directe ou indirecte à celui qui fait l'objet des présentes. »
    Outre les aspects complètement loufoques (les dimensions matérielles ?!) il est totalement impensable de demander à un auteur, qui plus est s'il est universitaire, de ne plus jamais écrire sur le même sujet. D'ailleurs, si on m'a sollicité pour écrire sur le libre accès, c'est bien que j'ai publié sur le sujet auparavant. Si ça avait été sur mon sujet de recherche, cela voudrait dire que je n'aurais plus le droit d'exercer mon métier de chercheur ?
  • « Le manuscrit et les documents fournis par le Contributeur sont la propriété de l'Editeur. »
    Du très classique, mais abusif aussi. Que l'éditeur possède les droits sur l'ouvrage final, édité et mis en page par ses soins, d'accord. Mais mon manuscrit est purement le fruit de mon travail, et je dois avoir le droit de le mettre en ligne si je le souhaite, au moins sur ma page web personnelle.
  • « Le Contributeur s'engage à apporter, à la demande de l'Editeur, les modifications nécessaires à sa Contribution pour que celle-ci conserve son actualité ou la convenance à son objet et ce sans droit supplémentaire. »
    Ici j'ai même été étonné que ce soit légalement possible : il s'agit purement de me rendre esclave de l'éditeur puisque cela revient à me forcer à travailler sur quelque chose dont je suis totalement dépossédé (si on considère le point précédent).

Il faut reconnaître qu'en particulier pour un ouvrage qui parle des communs, ces conditions sont plutôt cocasses… Je n'ai d'ailleurs pas été le seul contributeur à me plaindre de ces conditions, mais je ne sais pas si des négociations ont eu lieu pour les quelques autres qui se sont plaint, encore moins comment elles se seraient passées.

J'ai donc écrit à l'éditeur avec ces remarques, en demandant la suppression de ces trois passages comme condition à ma signature du contrat. Après quelques échanges, il a été convenu que les premier et troisième passages que j'ai cité seraient supprimés. Le second ne peut semble-t-il pas l'être car il est "indispensable pour les cessions étrangères" ; en revanche, j'ai l'autorisation écrite de l'éditeur de mettre mon manuscrit en ligne sur ma page web. J'ai reçu un nouveau contrat prenant ces modifications en compte et c'est celui là que j'ai signé.
Ce n'est donc pas parce qu'on est un petit contributeur à un ouvrage collectif qu'on ne peut pas négocier les conditions de sa contribution, même face à un gros éditeur !

J'encourage vivement toutes les personnes contribuant à des publications (en tant qu'auteurs, illustrateurs, ou quoi que ce soit) à toujours négocier leur contrat de publication, jusqu'à ce que les contrats-types qu'on nous propose par défaut soient raisonnables ☺. Et si contrairement à PUF, l'éditeur n'est pas capable d'entendre vos demandes, alors changez-en (ou si ce n'est pas possible, ne respectez pas le contrat que vous êtes obligé de signer) !

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