Mardi dernier était convoqué une session extraordinaire du Congreso des Députés (Chambre basse du Parlement du Royaume d'Espagne) dont l'odre du jour ne mentionnait que la validation législative d'un Décret loi sur la réforme du système public de santé et des finances publiques.
L'intervention du Presidente del Gobierno (chef du gouvernement) commençait comme prévu affirmant la nécessité des mesures contenues dans le décret loi portnant notamment reféfinition du calcul de l'impot des sociétes et determinant des coupures dans la gestion des dépenses pharmaceutiques. Zapatero a ensuite fait état des attaques spéculatives estivales sur les primes de risque des Etats PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne, Acronyme vouland dire 'Cochons' en anglais) et autres, dont la France et a remercié l'intervention de la Banque centrale Européenne concernant les dettes espagnole et italienne ce qui a soulagé la pression des marchés . De même il a rappelé la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement de la Zone Euro datant du 21 juillet lors d'une réunion du Conseil Européen prevoyant notamment que les Etats membres 'feraient tout le nécessaire 'pour assurer la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et celle de ses États membres'. Finalement le Président a annoncé que l'Espagne réunissait les conditions pour ' transcrire la règle de la stabilité budgétaire dans la constitution espagnole (CE) tel que font ou envisagent de faire les autres grandes économies européennes'.
Cette annonce a été accompagné d'un grand brouhaha venant d'une bonne partie de l'hémicycle car beaucoup de députés (ceux n'intégrant pas les groupes parlementaires des deux grands partis) ont connu seulement à ce moment-là les intentions gouvernementales de révision constitutionnelle.
Au cours de la sesion le chef de l'opposition , avec qui le principe de la révision avait été accordé , a reproché personnellement au candidat socialiste aux élections législatives nationales du 20 novembre et présent dans l'hémicycle du fait de sa condition de député, Alfredo Pérez Rubalcaba, d'avoir méprisé une proposition semblable en 2010.
La Constitution Espagnole date du 6 décembre 1978, ayant éte l'objectif final de la période historique appelée 'la transición' visant à constituer un Etat démocratique après la mort de Franco. Un consensus très large avait été recueilli, ce au prix de cessions de la part de l'ensemble des tendences politiques intégrant le pouvoir constituant et au prix d'une rigidité constitutionnelle considérable. La rigidité des textes légaux, et notamment des constitutions est déterminée par la difficulté du processus que le pouvoir constituant originaire instaure pour engager une révision constitutionnelle.
Preuve de cette rigidité est le fait qu'il n'y a eu qu'une seule révision depuis 1978 et portant sur assurer le droit au suffrage passif des citoyens européens résidant en Espagne lors des élections municipales, tel qu'exigeait le Traité de Maastricht.
La révision constitutionnelle est prévue dans le titre X de la Constitution. On y trouve deux procédures de base différentes selon le contenu à modifier.
La peur d'un exécutif, voire législatif qui violerait les droits fondamentaux ou qui voudrait supprimer des droits constitutionnels, peur compréhensible apès 40 ans de dictature entraine une spéciale rigidité pour la révision du contenu des droits constitutionnels. Cette rigidité est partagée en ce qui concerne l'institution monarchique, beaucoup de sang ayant été versé sur la question du régime politique, on a cru que le consensus réussi en instaurant une monarchie parlementaire méritait une spéciale protection. La révision des droits constitutionnels et de l'institution monarchique entraînerait une procédure très lourde, que les plus péssimistes qualifient d'impossible. Une telle procédure est prévue aussi en cas de refonte complète de la norme fondamentale (Article 168 CE)
Il n'est pas question de tel ici, la règlementation constitutionnelle de l'économie et des finances ou 'constitution économique' ne concernant pas ce champ matériel. Pour les révisions partielles portant sur des sujets autres que la monarchie et les droits fondamentaux, une procédure allégée est prévue : faisant abstractionde petites variantes le vote des 3/5 des parlementaire de chaque chambre est nécessaire pour réviser le texte. De même si un dixième (35 députés ou 26 sénateurs) des membres d'une des chambres le demanderait dans les 15 jours après l'approbation parlementaire, un referendum sertait organisé. Du fait du fort bipartisme existant dans le système politique espagnol, un accord entre les deux grands partis permet de surmonter cette rigidité.
Si la forme de l'annonce n'avait pas été du goût de beaucoup de députés, ne figurant même pas dans l'ordre du jour, le fond de la révision a été critiqué par des représentant de tout bord, sauf ceux du Parti Populaire. La semaine dernière la prudence avait été le maître mot des réactions des dirigeants politiques espagnols juste après l'annonce, la plupart ne connaissant pas le fond concret de la révision . Suite à la présentation du texte définitif préparé magnis itineribus et en écoulant tous les délais constitutionnels par le PP et le PSOE le 30 août dernier, le mécontentement est presque générale parmi les groupes parlementaires minoritaires.
En effet les nationalistes catalans de Convergència i Unio, troisième force politique à la Chambre basse, tout en considérant positive une introduction de la règle de la stabilité financière, a refusé de participer à la votation à la chambre basse du fait que la négociation des termes de la révision a été faire exclusivement entre populaire et socialistes. De l'autre coté les autres groupes ont eux paricipé au vote, en votant contre presque les autres dont notamment le Parti Nationaliste Basque qui considèrent inutile de 'pétrifier' un tel principe et les comunistes de Izquierda Unida. Deux abstentions correspondent aux nationalistes canariens et n'ont soutenu les termes du texte présenté que le PSOE, le Parti Populaire et les deux députés du conservateur et régionaliste parti de la Navarre, l'Union del Pueblo Navarro.
Bien que certains partis soutiennent dans leurs fiefs des discours de rigueur, il faut savoir que très souvent en Espagne la position nationale des groupes minoritaires est souvent créancière de la conjoncture dans les organes politiques régionaux voire locaux. C'est le cas du PNV qui se trouve dans l'opposition en Euskadi face au PP et PSOE et craint qu'une telle règle pourrait nuir aux privilèges dont bénéficie le Pays Basque depuis très longtemps. De mème UPN veut s'assurer le soutien du PSOE dans le Parlement de la Navarre ce qui explique le vote pour.
Au début, des voix critiques s'étaient èlevées au sein du PSOE critiquant l'opportunité et la nécessité de la constitutionnalisation du principe de stabilité financière, notammnent celle de l'ancien tête d'affiche aux législatives et ex président du Parlement Européen Josep Borrell. Finalement on n'a compté le vote négatif que d'un seul député du groupe socialiste, l'ancien patron du syndicat d'extrème gauche Comisiones Obreras bien que non membre PSOE , Antonio Gutierrez
Zapatero, comme le kamikaze-exécute-réformes-économiques-coutequecoute qu'est devenu depuis son refus à briguer un troisième mandat et Mariano Rajoy voulant afficher une image de rigueur et d'homme d'Etat, sont déterminés à achever cette révision, donc les spéculations sur la possibilité ou convenance de la réforme sont périmées. Ils se soummettent ainsi aux exigences de rigueur de Merkel et donc de l'Union Européeenne et de la Banque Centrale Européenne en contrepartie - si l'on peut dire- au soutien à la dette espagnole.
L'intérêt porte donc sur la possibilité qu'un référendum soit organisé ou pas. Le mouvement 15 mai des 'indignés' s'est prononcé favorable à la consultation populaire, de même que beaucoup d'organisations syndicales et associatives. Néanmoins, la condition du vote de dix pourcent des parlementaires semble très improbable au Congrès des Députés ainsi qu'au sénat. Improbable mais pas impossibkle il se peut que la pression de la rue force les représentants les moins convaincus du PSOE à soutenir une telle initiative....
Dans des délais très serrés donc, la réforme serait en cas de réferendum approuée à la limite fin septembre, il reste que le texte de la révision stricto sensu, dont le contenu sera définitivement figé vendredi prochain en session extraordinaire, ne mentionne pas de chiffre. Il délègue au législateur la tâche de determiner un plafond de déficit à determiner par Loi Organique avant la fin de 2012 (Mais n'entrant en vigueur qu'en 2020) , respectant ainsi le délai imposé par le Conseil Européen du 21 Juillet. Par ailleurs le nouvel article 135 incorpore une clause suspensive en cas de catastrophe naturelle, récession économique ou d'autre situation d'extraordinaire qui exhappent au copntrôle de l'Etat et portent préjudice d'une façon considerable à la situation financière ou à la la soutenabilité économique et sociale de l'Etat constatées par la majorité absolue des membre su Congrès des Députés.
C'est donc une mesure aux allures souples et aux effets prévisiblement limités qui constitue pour certains une cession idéologique au néo-libéralisme ambiant et qui pourrait remettre en cause le caractère social du Royaume d'Espagne tel que dit l'article 2 du texte constitutionnel.
Nouvel article 135 (En Français)
1. Tous les pouvoirs publics adapteront leurs actions pour assurer le respect du principe de stabilité budgétaire.
2. L'Etat et les Communautés autonomes ne peuvent encourir en un déficit structurel qui dépasse les limites établies le cas échéant par les États membres de l'UE. Une loi organique détermine le maximum admissible de déficit structurel de l'Etat et les Communautés autonomes, par rapport à son produit intérieur brut. Les autorités locales doivent présenter un budget équilibré.
3. L'Etat et les Communautés autonomes doivent être autorisés par la loi à émettre de la dette publique ou pour demander du crédit. Les crétidts pour satisfaire les intérêts et le capital de la dette des pouvoirs publics seront presumés inscrits dans le chapitre des dépenses de leurs budgets et son paiment bénéficiera d'une priorité absolue. Ces crédits ne peuvent pas faire l'objet d'amendement ou de modification tant qu'ils sont conformes aux conditions de la Loi d'Emission (de dette). Le volume de la dette publique de l'ensemble des pouvoirs publics par rapport au produit intérieur brut de l'État ne doit pas dépasser la valeur de référence prévu par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
4. Les limites du déficit structurel et le volume de la dette publique seront suspendues en cas des catastrophes naturelles, de récession économique ou de situations d'urgence extraordinaires échappant au contrôle de l'Etat et altèrant de manière significative la soutenabilité financière, économique ou sociale de l'Etat, constatée par un vote de la majorité absolue des membres du Congrès des députés.
5. Une loi organique développera les principes visés au présent article, ainsi que la participation aux procédures respectives des organes de coordination institutionnelle compétents en matière de politique budgétaire et financiere. En tout cas, cette loi organique règlementera : a) La répartition des limites de déficit et de dette entre les différentes administrations publiques, les cas exceptionnels de suspension des limites et la façon et les délais pour corriger les écarts exceptionnelsuns b) La méthodologie et la procédure pour le calcul du déficit structurel. c) La responsabilité de chaque administration en cas de non respect des objectifs de stabilité budgétaire.
6. Les communautés autonomes, conformément à leurs législations respectives et dans les limites visées au présent article, adopteront les procédures appropriées pour la mise en œuvre effective du principe de stabilité dans ses règles et ses décisions budgétaires.
article 135 en vigueur depuis 1978 :
1. Le gouvernement doit être autorisé par une loi pour émettre un emprunt public ou pour contracter un crédit.
2. Les crédits permettant le paiement des intérêts ou du capital de la dette publique de l'État sont toujours considérés comme inclus dans l'état des dépenses du budget et ils ne peuvent faire l'objet d'un amendement ou d'une modification, tant qu'ils respectent les conditions de la loi d'émission.
Qu'en pensez vous? Une telle révision est-elle envisageable en France?