Si j’étais l’Etat je serai inquiet pourquoi ?
Parce qu’en Europe et tout particulièrement en France se développent des mouvements basés sur l’action civile non violente dont l’efficacité n’est plus à prouver. Quels sont ces mouvements ? quelles sont ces méthodes ? et quels sont les résultats ?
Gene Sharp, 85 ans, professeur émérite de l’université de Dartmouth à Boston, a passé sa vie à analyser les méthodes de résistance civile à une agression interne ou étrangère. Ce savoir est aujourd’hui entretenu par la fondation de sciences politiques Albert Einstein à laquelle on a prêté une aide –efficace – dans la révolution Orange survenue en Ukraine en 2004.
La révolution Orange est l’illustration encore chaude de l’histoire de la mise en œuvre des principes de la défense par l’action civile : la révolution Hongroise en 1956, le Printemps de Prague en 1968, le mouvement des travailleurs polonais de 1980 à 1989, les mouvements qui ont dissout le pouvoir en Allemagne de l’Est, en Tchécoslovaquie et en Bulgarie en 1989, l’anti-coup d’Etat exécuté en Lituanie en 1991, sont autant d’événements qui montrent la puissance de cette entreprise et le savoir-faire européen.
Quel est le principe ? « Le pouvoir dépend du bon vouloir de la population et des institutions. C’est le talon d’Achille de tout gouvernement ».
Gene Sharp identifie d’un coté les sources du pouvoir : l’autorité, l’adhésion, les émotions et les croyances partagées et de l’autre les carrefours du pouvoir : la famille, l’association, le groupe religieux, culturel ou ethnique, le parti. Les sources du pouvoir s’amenuisent dés lors qu’un mouvement de désobéissance les vise.
Mais il ne suffit pas d’une opposition importante voire générale pour faire une défense par l’action civile. Il faut une coordination et un plan. Il faut former, encadrer, communiquer, démultiplier l’effet de mise en garde et maintenir la mobilisation. Tout cela a été analysé et évalué par Gene Sharp.
Quelles sont les méthodes ?
L’action non violente est avant tout une action de masse qui vise à montrer au gouvernement que son lien avec les carrefours du pouvoir est cassé et ce faisant qu’il n’est plus le gouvernement de tous.
L’action symbolique vient ensuite perturber les comportements établis et bouleverser l’espace public. Happening à fort potentiel médiatique, grève de la faim, obstruction non violente.
Enfin, l’action de non-coopération vient directement entraver l’exercice du pouvoir. Boycotts, grèves, désobéissance délibérée à certaines lois.
La violence ne fait pas partie de l’arsenal. Même faible, elle a pour effet de diminuer la sympathie pour le mouvement, au risque de l’assécher. « La discipline non violente face à la répression n’est pas un acte de naïveté moralisatrice » nous dit Gene Sharp.
La Albert Einstein Institution a identifié et classé 198 méthodes non violentes pour renforcer la mobilisation d’une population, organiser la non coopération, fatiguer le pouvoir avec des actions symboliques : Pétitions (6), accès aux médias (11), drapeaux et couleurs symboliques (18), « chamailler » des officiels (32), défilés motorisés (42), retrait des dépôts en banque (86), grève limitée (114), refus de disperser une manifestation (137), prières de rue (167), refus de collaborer avec les administrations (197).
Ayant identifié ces méthodes, nous les reconnaissons en France. Le défi non violent opposé au gouvernement démontre à quel point son autorité est déjà mise en question. Si j’étais l’Etat, je m’interrogerais sur l’issue de ces mouvements. Au delà de la promulgation du mariage pour tous. Au delà de l’été.
Pierre-Alexis Goubault
http://www.aeinstein.org/organizations/org/198_methods.pdf