Beaucoup d'entre nous, vu la dictature qui s'impose dans notre pays, un jour avons pris la décision de quitter notre maison, famille, amis et amours, pour partir vers d'autres horizons et tout recommencer de zéro. Sans avantages, sans pistons, sans soutien, juste avec une valise avec des fringues qui ne servent à rien en hiver, un diplôme enroulé (toujours enroulé après autant d'années), une gosse sous le bras dans mon cas, et tout un arsenal de torontos, pirulines et cocosetes, pour tenir bon jusqu'à ce que le premier courageux se décide à enfin nous rendre visite. Quelques sous en poche collectés tan bien que mal et qui terminent par être pas grand chose après autant de dévaluations d'une monnaie qui ne vaut plus rien, et juste en cas ou, plein de gros mots bien appris dans toutes les langues, pour savoir quand on se fait insulter.... On ne sait jamais!
Beaucoup d'entre nous avons faillit craquer à maintes reprises, et envoyer là où je pense le prochain qui nous faisais une remarque de travers à cause de notre accent ou nos habitudes bizarres, et prendre le premier avion de retour lorsque personne n'était là pour nous faire un bon bouillon en cas de grippe, baisse de morale ou tout autre bobo qui se soigne par la simple présence de quelqu'un . Et beaucoup d'entre nous avons dépensé notre salaire qui n'était jamais immense, en cartes téléphoniques, factures insensées , cibercafés, timbre et tout autre moyen qui nous permettait de maintenir le contact avec ceux qui sont resté à la-bas, ou encore, ceux qui comme nous sont partis et se sont un peu éparpillés partout dans le monde.
Beaucoup d'entre nous , surtout les premiers temps d'exil, nous nous sommes auto-chanté joyeux anniversaire car il n'y avait personne pour faire la fête, dîner seuls à Noël ou bien travailler le jour de l'an pour tromper la solitude. Beaucoup d'entre nous avons ratés les moments importants dans la vie de ceux qu'on aime, et non seulement ces instants de tous les jours, mais aussi les mémorables. Et nous sommes donc les éternels absents aux mariages, naissances, graduations et mêmes aux funérailles.
Et nous avons appris et nous sommes convertis en experts Facebook-twiteurd-skypeeur-whatsappavien-FaceTimeAddicts, après avoir quand même débuté avec ICQ-messengerMSN et Yahoo, et surpris notre entourage avec notre dextérité sur le clavier et agacé avec notre obsession de communiquer et rester proches avec ceux qui sont restés chez nous. Même qu'on nous a souvent dit qu'il serait temps d'oublier un peu la-bas puisque maintenant nous sommes ici!
Et bien sur, nous avons fait de nouveaux amis, fondé des nouvelles familles ou avons été adoptés par celle des autres. Nous nous sommes habitués tan bien que mal aux quartes saison, et surtout au froid, aux transports en public car par ici personne t'emmène si ça l'écarte de sa route et lui fait faire des détours. Ici il faut apprendre à se débrouiller tout seul. À marcher dans la rue sans s'accrocher à son sac comme s'il en allait de nos propres vies, à fréquenter les hôpitaux publiques, a éteindre les lumières lorsqu'on sort d'une pièce, à ouvrir les fenêtres pour faire un petit courant d'air rafraîchissant, à réserver les fruits exotiques pour les grandes occasions et manger des pommes et des fraises comme si c'étaient des mangues ou des mamones.
Mais jamais nous avons oublié d'où ou vient et pourquoi nous sommes partis. Nous nous retrouvons souvent pour nous réconforter de l'angoisse de ce qu'il se passe au pays, des conditions de vie de ceux qu'on aime. Et beaucoup d'entre nous vivons en permanent décalage horaire tellement notre coeur est resté la-bas.
Et aujourd'hui que je vois que la dictature de mon pays se durcit, que l'espoir pour les jeunes de s'en sortir diminue de jour en jour, qu'il y a 25 mil morts violentes par an, pas de médicaments pour les malades de cancer, diabétique, et que la dernière lubie du dictateur est de réécrire les livres scolaires avec de la propagande à la gloire de son prédécesseur, et dans toutes les matières, je me dis que j'ai fais le bon choix. Que ma fille est libre de devenir la personne qu'elle veux, de penser ce qu'elle veux, de dire ce qu'elle veux. et maintenant que je suis grand-mère, savoir que ma petite fille n'aura pas, elle non plus à grandir dans une dictature, je me dis que j'ai bien fait de partir et de lui avoir donné à cette enfant la possibilité de grandir LIBRE!