Les documents bruts parlent d’eux mêmes et se passent de commentaires. Après l’annonce par le président de la République de la réouverture des établissements scolaires à partir du 11 mai, relayée sans plus de précisions par plusieurs ministres, le Conseil scientifique créé par le gouvernement émet un avis rigoureusement négatif avant de « prendre acte » de la décision d’Emmanuel Macron et de formuler des préconisations en conséquence. « Le risque de contagiosité individuelle chez les jeunes enfants est incertain, mais paraît faible. A l’inverse, le risque de transmission est important dans les lieux de regroupement massif que sont les écoles et les universités, avec des mesures barrières particulièrement difficiles à mettre en œuvre chez les plus jeunes. En conséquence, la Conseil scientifique propose de maintenir les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu’au mois de septembre. » (Avis numéro 6 du conseil scientifique COVID-19: « Sortie progressive de confinement Prérequis et mesures phares », 20 avril, p. 16)
Dans la foulée, un groupe de travail constitué par le Sénat dès le 14 avril dénonce sans aucune réserve une décision « surprise » et précipitée, ignorant l’avis des scientifiques. Le rapport, assassin, pointe l’absence de concertation avec les collectivités locales et les divers représentants de la communauté éducative. Enfin, l’état actuel des équipements et des moyens alloués n’est pas de nature à permettre un retour dans les conditions nécessaires à la prévention de la propagation du virus – pour exemple, le nombre de points d’eau largement insuffisants dans les établissements.
La Chambre haute, à l’unisson avec le Conseil scientifique note l’absence d’études auprès des populations concernées. À ce jour en France et, semble-t-il, au niveau international, une seule une étude a été menée en milieu scolaire dans un lycée de Crépy-en-Valois, premier cluster français. Encadrée à l’Institut Pasteur par Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique COVID-19, elle conclut à une contagion importante – plus de la moitié des individus, ce ratio augmentant avec l’âge – et à la nécessité d’entreprendre d’autres études
« Une impression d’impréparation et d’improvisation plus de dix jours après l’annonce de cette réouverture » : difficile de ne pas souscrire au constat émis par la commission sénatorial en ouverture de son document à deux semaines, à peine, de l’ouverture prévue des établissements scolaires…
Avis numéro 6 du conseil scientifique COVID-19 avril 2020, « Sortie progressive de confinement : prérequis et mesures phares », (20 avril 2020)
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_20_avril_2020.pdf
Note du Conseil scientifique COVID-19 : « Enfants, écoles et environnement familial dans le contexte de la crise COVID-19 » (24 avril 2020)
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_20_avril_2020.pdf
Étude, Institut Pasteur (Arnaud Fontanet, épidémiologiste membre du Conseil scientifique), Lycée de Crépy-en-Valois (Oise) (23 avril 2020)
https://www.mediapart.fr/journal/france/240420/dans-un-lycee-de-loise-le-coronavirus-touche-409-des-eleves-et-des-professeurs-0
Sénat, Commission
de la culture,
de l’éducation et de la communication, Groupe de travail enseignement scolaire : « Préconisations du groupe de travail relatives aux modalités du retour des élèves en classe » (23 avril 2020)
http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/communication/Culture/GT_enseignement_scolaire_retour_des_eleves_en_classe_synthese-1.pdf