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Billet de blog 23 juin 2020

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Mariage forcé sans lune de « Niel »

Le Groupe Paris-Turf est soumis à une procédure de prepack cession, dévastatrice pour les emplois, qui pourrait permettre au milliardaire, Xavier Niel, de s'en emparer pour une somme dérisoire. Alors que les salariés soutenaient le projet RPI, mieux-disant socialement, leurs voix n'ont jamais été entendues, administrateurs judiciaires et procureur étant déjà dévoués à la cause NJJ.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Largement bénéficiaire il y a trois ans (environ 9 millions d’euros d’Ebitda) et encore à l’équilibre en 2019, le Groupe Paris-Turf vit pourtant une véritable descente aux enfers. Leader historique, le journal, adossé depuis 2004 aux Editions en Direct (EDD) basées à Aix-en-Provence, a perdu progressivement de son lustre. Comme tous les autres journaux du Groupe (Week-End, Tiercé Magazine, Bilto, Stato, etc.). Des investissements et une gestion calamiteuse expliquent en grande partie cette situation. Mais une volonté de mettre l’entreprise en cessation de paiement pour effacer des dettes obligataires contractées par Jacques-Henri Eyraud, l'actuel président de l'Olympique de Marseille, de l’ordre de 145 millions d’euros, est suspectée. En effet, tout semble avoir été orchestré depuis des mois par des dirigeants anti-journalistes et bornés, dont la stratégie aventureuse a conduit le Groupe à la barre du tribunal de commerce de Bobigny. Le choix d'un « prépack cession » (lire ci-après), qui a été finalement légitimé par une crise du Covid-19, terrible et inattendue, a eu un effet d'aubaine inespéré. Des fuites (dans la Lettre A et la correspondance de la presse) ont permis de mettre à jour ces agissements. Dans une procédure aussi courte que violente, les délégués syndicaux et membres du CSE se sont battus pour sauvegarder le maximum d’emplois, qu'un effort financier soit fait pour les personnes licenciées et, enfin, conserver les deux sites de production (Aix-en-Provence et Châtillon). Cela a été leur unique ligne de conduite face à des procédés peu scrupuleux. Le caractère anonyme des salariés étaient effacés par l'utilisation de l’ordre alphabétique dans la liste contenue dans le premier projet de reprise alors qu'elle aurait due être présentée par catégories professionnelle. Un moyen de viser des salariés ciblés (délégués syndicaux, effectif à l’ancienneté coûteuse). Dans ces conditions, alors que deux repreneurs – pour une reprise globale du Groupe – se sont détachés avant la remise officielle des dossiers au tribunal, le dialogue social n’a été possible qu’avec l’un d’entre eux. Seul, l’imprimeur Riccobono, accompagné de Mayeul Caire, chef d’entreprise reconnu dans la presse hippique (Jour de Galop), a su écouter. A contrario, les représentants du projet défendu par Xavier Niel, piloté en sous-main par l’actuelle direction de Paris-Turf (Hugues Quilain et Cécile Rouveyran), sont restés muets aux sollicitations répétées des élus. De quoi laisser penser que les « dés étaient pipés. » C'est finalement lundi dernier que s’est tenue l’audience au tribunal de commerce, où les candidats repreneurs ont pu défendre leur projet. En grande discussion avec l’administratrice judiciaire (Carole Martinez - 2M&associés) tout au long de la matinée, les dirigeants de Paris-Turf ont vu d’un bon œil l’arrivée - en personne - de Xavier Niel, une première pour l'homme d'affaires dans un dossier d'une aussi modeste envergure. Dossier modeste, mais dont le poids au sein du système de la distribution des quotidiens nationaux (20%) est tout sauf négligeable.

La présence du fondateur de Free aura indéniablement fait son effet quand les autres candidats et la parole des salariés ont eu du mal à capter l'attention. Du procureur aux administrateurs judiciaires, en passant par les créanciers, tous ont convergé vers le projet Niel (NJJ Presse). L'assise financière de ce dernier primant sur les idées et la connaissance du cœur métier de la presse hippique.

 Sortis déçus, même abattus, alors que le jugement sera rendu mardi 30 juin, les salariés ont pu apprécier la complicité affichée entre leurs actuels dirigeants et les administrateurs. Les masques étaient définitivement tombés…

Le « prépack cession », vous connaissez ?

C’est une procédure judiciaire accélérée pour la reprise des entreprises en difficulté. Si l’intention était louable, six ans après sa mise en œuvre, elle se révèle souvent plus destructrice que salvatrice pour les salariés.

Retour aux origines. Le 12 mars 2014, une ordonnance, signée par François Hollande et ses ministres plus gauches que de gauche, a autorisé les patrons et dirigeants à céder leur entreprise en difficulté via le prépack cession. Le principe est simple : en amont, les dirigeants ou patrons désignent un conciliateur (qui devient souvent ensuite l’administrateur judiciaire, ce qui ne garantit pas sa neutralité...) et partent à la recherche de repreneurs potentiels, en toute confidentialité afin de ne pas dégrader les actifs. Sans donc en informer les représentants du personnel. En deux mois (le délai est court), des investisseurs peuvent ainsi reprendre les actifs sans le passif (les dettes, les congés, les RTT, le Compte Epargne Temps, etc.), tout en s’exonérant des indemnités de licenciement conventionnels, puisque les salariés non repris sont traités par les AGS (régime de garanties de salaires) comme les licenciements économiques.

Un milliardaire peut-il acheter une société en privant ses salariés de leurs droits conventionnels et avec l’aide de la collectivité (AGS) ? Oui. On ne devient pas aussi riche par hasard.

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