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Billet de blog 20 avril 2012

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Bahreïn : le Grand Prix de Formule 1 maintenu, une victoire à la Pyrrhus pour le régime

Dimanche 22 avril devrait avoir lieu le Grand prix de Formule 1 du Bahreïn. Les autorités de ce pays le considèrent comme un élément de prestige pour elles-mêmes et la confirmation de leur pouvoir contesté dans la rue.

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Dimanche 22 avril devrait avoir lieu le Grand prix de Formule 1 du Bahreïn. Les autorités de ce pays le considèrent comme un élément de prestige pour elles-mêmes et la confirmation de leur pouvoir contesté dans la rue. L'an dernier, la course avait été annulée du fait des manifestations qui avaient eu lieu entre février et mars 2011 et dont la répression avait fait plusieurs dizaines de morts.

 Le coût de cette annulation avait été de 72 millions d'euros pour les responsables de la Formule 1. De nombreuses voix s'élèvent pour protester contre la tenue de ce Grand prix alors que la répression continue, que les droits humains ne sont toujours pas respectés, que les prisonniers politiques sont encore nombreux et qu'on signale des cas de torture.

Bernie Ecclestone, le patron de la Formule 1 qui, il est vrai, n'a pas le profil type d'un militant progressiste, a déclaré cette semaine que l'émirat était suffisamment sécuritaire et qu'il ne s’y passait rien : "Je connais les gens qui y vivent, c'est très calme et paisible." Cela peut conduire à s'interroger sur le type de fréquentations qu’il peut avoir dans l'émirat. Ce qui est certain c'est que la Fédération internationale automobile en attend une rentrée nette de 30 millions d'euros. La course devrait générer au total 500 millions de dollars. 

Depuis les funérailles du militant Ismaël Ahmed, tué en mars 2012 par des tirs lors d'une manifestation, les affrontements se sont multipliés à Manama, la capitale. La police anti-émeutes n'hésite pas à tirer sur les manifestants.

70 % de la population de l'émirat est chiite. Ceci explique pourquoi les régimes occidentaux ou du Golfe qui ont soutenu les insurgés en Libye soutiennent le pouvoir en place à Bahreïn. En mars 2011, 1.000 soldats saoudiens et 500 soldats des Émirats arabes unis y avaient été expédiés pour mettre fin à la contestation populaire. C'est la grande crainte de la mainmise des chiites. C'est une politique à courte vue, les revendications sont avant tout politiques et sociales, non religieuses, les chiites sont les plus pauvres du pays. Mais si les chiites du Bahreïn sont privés de tout espace d'expression politique, ils pourront d’autant plus se tourner vers l'Iran. Bref, le risque de la "self-fulfilling prophecy". 

Maintenir le Grand prix, malgré les protestations nationales et internationales, pourrait être vu comme un succès par le régime, par opposition à l'annulation de l'an dernier. Les autorités de l’émirat estiment que la tenue du Grand prix suscitera de l’intérêt autour du Bahreïn en montrant un "environnement amical et hospitalier".

 Mais cela risque d'être pour lui une victoire à la Pyrrhus. Pour réprimer tranquille, il faut réprimer caché. On a assez peu parlé du Bahreïn dans les médias occidentaux, l'espace étant occupé par la Tunisie et l'Égypte, la Libye et la Syrie.

 En organisant un Grand Prix, on attire les médias, mais du coup on attire également leur attention sur la répression. L'organisation d'événements sportifs médiatisés n'est pas forcément une rente de situation pour les pouvoirs en place. Pour les régimes répressifs, il peut même s'avérer contre-productif en aidant à mettre au grand jour leur forfait moins médiatisé auparavant.

 Jean Todt, président de la Fédération internationale de l’automobile, si fier de voir sa compagne Michelle Yeoh incarner à l’écran Aung San Suu Kyi, restera-t-il silencieux devant la répression ?

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