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Billet de blog 14 juillet 2023

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Politique de Prévention ou Politique sécuritaire

Après le pic de violences liées à l'émotion née d'une bavure policière, on voit que l'accent mis sur la sécurité et le court terme financier plutôt que sur la prévention et l'action éducative, investissements à long terme, est un échec. La violence qui a de nouveau fait irruption n'est-elle pas la récolte de la fuite en avant dans le tout sécuritaire ? La sévérité doit s’accompagner de justice.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La violence qui a de nouveau fait irruption n'est-elle pas la récolte de ce que nos politiques ont semé depuis des années?

Un rapide survol de l’histoire montre comment, suite aux émeutes des Minguettes en 1981, est née une politique de la ville avec des volets urbain, économique et social.

A partir de 1990 se développent des polices municipales.

En 1991 Michel Rocard présente une loi pour « lutter contre la ségrégation sociale et l’exclusion ».

En 1996 Alain Juppé crée les « Zones Urbaines Sensibles ».

En 1998 Jean-Pierre Chevènement met en place la police proximité. Ces policiers, identifiés comme tels, mais chargés de créer du lien social, établissent une relation de confiance avec les jeunes. Ils ne sont plus simplement des « flics », ils sont appréciés, respectés et sont des modèles et des conseillers. Une autre relation police/population et un autre regard sur ceux qui sont chargés du maintien de l'ordre. Pour la police aussi un regard différent sur la banlieue et ses ressources.

En 1999 des « missions de prévention et de communication » sont créées en partenariat avec établissements scolaires, aide aux victimes, bailleurs sociaux, prévention routière.

En 2000 sous Lionel Jospin, la loi SRU « relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain » impose 20% de logements sociaux quand plus de 3500 habitants[1].

En 2003 Nicolas Sarkozy supprime la police de proximité[2]

En 2005 le plan Borloo vise à « rétablir la république dans les quartiers » avec des axes de travail sur l’éducation, l’emploi, la sécurité, la justice, la lutte contre les discriminations et l’accès aux transports. Il devait couter 50 milliards.  Il n’a pas été retenu. Trop Cher ! Pourtant, si le coût direct lié aux émeutes est élevé, l’impact sur l’économie,  la cohésion sociale, et les familles sera bien plus lourd.

En 2007 une loi [3]centrée sur la délinquance des mineurs associe sécurité et prévention. Ensuite des plans d’action se succèdent en 2014 et 2016, articulant logique sociale et logique de sécurité pour faire face au terrorisme et à la radicalisation.

En octobre 2017, Edouard Philippe présente un plan « qui s’inscrit en cohérence avec les autres chantiers gouvernementaux en cours sur les prisons, la politique de la ville et le dialogue avec les musulmans de France ». Soixante mesures pour réorienter la politique de prévention de la radicalisation[4].

Le volet sécuritaire prend plus de place dans les faits et les appels à projet. Les moyens ne suivent pas. La réforme du millefeuille administratif a fragilisé les services de l’Etat et les réductions des budgets alloués aux services publics et associations ont eu un effet délétère.

 A-t-on conscience que les  « économies sociales » d’hier et d’aujourd’hui sont les « coûts sociaux » d’aujourd’hui et de demain ?

Supprimer les services publics de proximité a accentué la relégation de certaines zones devenues ghettos, zones d’insécurité et de non droit. Fragiliser le maillage associatif, par des baisses de financement, a accentué les difficultés socio-économiques rencontrées dans les zones défavorisées. Le nécessaire accompagnement social global des familles et des jeunes n'a plus eu les moyens d’assurer ses missions.

Supprimer la plupart des éducateurs de rue a livré des jeunes à eux-mêmes. Finie la relation avec des adultes disponibles pour écouter et accompagner les difficultés de toutes sortes. On les a laissés aux mains de trafiquants et de grands frères sans emplois, discriminés, victimes comme eux d’accidents de la vie familiale ou entrés dans l'enfer de la drogue. Ils ont très jeunes étés utilisés comme « chouffeurs » et mêlés aux violences entre bandes.

Il est donc un peu facile, pour ceux qui ont voté ces lois, de crier qu'il faut punir ces jeunes en errance, « décrocheurs scolaires », sans qualification, « régulièrement contrôlés au faciès » s’ils sont d’origine étrangère. Sans distinction, ils sont traités de « sauvageons[5] ». de « racaille[6] » ou plus récemment de « nuisibles à combattre » et de « hordes sauvages ».[7]

Faire respecter les valeurs républicaines ? Oui, mais vis-à-vis de ces jeunes a-t-on vraiment respecté les valeurs d’égalité et de fraternité inscrite au fronton des mairies ?

Stopper les casses oui,!

Punir les casseurs, Brûleurs de voiture, pilleurs de commerces, destructeurs d’équipements publics et locaux associatifs, agresseurs d’élus de la république qui rivalisent de compétition sur les réseaux sociaux et se mettent en scène pour « faire le buzz » repris en boucle par la presse dans un but politique. Oui! Mais ne faut-il pas aussi punir les membres des forces de l’ordre qui répondent par une violence disproportionnée à la violence qu’ils subissent ? De même punir ceux qui, assermentés, ont établi des faux procès-verbaux conduisant à d’injustes condamnations.

 Il est évident qu’il faut réguler les hébergeurs des réseaux sociaux accélérateurs des violences de tous bords et ajuster le curseur entre liberté et sécurité. Mieux former aussi les forces de l’ordre sur l’usage des armes [8]et résoudre le problème des enquêtes confiées à l’IGPN, où la police, juge et partie, peut étouffer les bavures et l’usage excessif de la force. Il n’en faut pas plus pour décrédibiliser l’institution.

Rendre Justice aux victimes.  Oui!  Mais justice pour tous et toutes, y compris donc pour les victimes des discriminations à l’embauche, de l’inégalité des chances, des humiliations répétées et de la relégation dans les trappes à pauvreté.

Stop aux groupes religieux qui activent des sentiments de haine. Oui! Mais stop aussi aux politiques démagogues qui surfent sur la peur fantasmée d’une invasion migratoire et d’une destruction de l’Europe par des « hordes d’immigrés »venus d’Afrique et du Maghreb. Stop aux propos racistes, antisémites ou islamophobes.

Est-il acceptable qu’un polémiste d’extrême droite lance une cagnotte en soutien à la famille du policier mis en examen pour homicide volontaire ? « Cagnotte de la fierté nationale » pour certains. « Cagnotte de la honte » pour d’autres. Cela ne va pas dans le sens de l’apaisement.

Comment peut-on imaginer supprimer les allocations familiales indispensables à la survie de la famille pour un jeune qui a commis des actes répréhensibles ?  Quelle aberration ! Punir des familles déjà en difficulté c’est plonger encore plus dans la précarité les petits frères et sœurs et préparer ainsi les violences futures.

Poursuivre la rénovation du bâti et la création logements, Oui ! mais il faut aussi mettre l’accent et les moyens sur le soutien des familles, le vivre ensemble et les politiques de prévention éducative et sociale.

Et plutôt que décider d’en haut un nouveau plan, il faut associer les personnes concernées pour co-construire avec elles des actions durables.

La fuite en avant dans le tout sécuritaire est une voie sans issue. Le maintien de l’ordre est bien sûr nécessaire mais il doit être conduit avec une juste proportionnalité et non avec brutalité. La sévérité doit s’accompagner de justice. C’est la seule manière d’apaiser les violences.

Il est grand temps d’ouvrir les yeux et de traiter en même temps les causes et les conséquences.


 [1] Souvent elles préfèrent payer plutôt que réaliser la mixité sociale.

[2] Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur sous Raffarin : « La police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs, mais pour arrêter des délinquants, vous n’êtes pas des travailleurs sociaux ».

 En 2010 Brice Hortefeux crée les Brigades Spécialisées de Terrain limitées à Paris, la banlieue et les quartiers sensibles « pas des « policiers d’ambiance ou des éducateurs sociaux ni des grands frères inopérants en chemisette» mais « des policiers de terrain  »

En 2017, Emmanuel Macron annonce la création d’ « une police de sécurité du quotidien ».Il jure ne pas ressusciter la police de proximité de Chevènement, mais admet que l’inspiration est la même.

[3] La loi du 5 mars 2007 intégrait des mesures concernant les violences conjugales, les infractions sexuelles et la consommation de drogues Le maire devenait l’animateur essentiel de cette politique, avec l’obligation de constituer un « Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance » si plus de 10 000 hab

[4] Communiqué du 11 avril 2019 :« Au-delà de la prévention dite « primaire » à caractère éducatif et social et s’adressant à de larges publics, complétée ces dernières années par une préoccupation « situationnelle » liée à la tranquillité publique, elle s’appuie désormais sur des approches individualisées. Elle se traduit par des actions ciblées de prévention « secondaire », tournée vers des jeunes exposés à un premier passage à l’acte délinquant, et « tertiaire » de prévention de la récidive. »

[5] Jean-Pierre Chevènement 1999

[6]  Nicolas Sarkozy - 2005

[7] Syndicat Alliance et Unsa-Police

[8] La loi de 2017, après les attentats de Nice, a modifié le droit de la police de tirer en cas de refus d’obtempérer à bord de véhicules et précisé dans quelles conditions. Elles ne sont pas toujours respectées et le nombre de tirs a beaucoup augmenté.


Pour donner à mes propos une certaine légitimité,  je voudrais vous dire d’où je parle :

Retraité, j'ai été DRH pendant 30 ans dans un groupe d’électronique international, J’ai travaillé entre autres dans une usine employant plus de 800 travailleurs d’origine étrangère. J’ai ensuite exercé des responsabilités dans des organisations professionnelles économiques, puis dans des associations.: CHRS  (Centre d'Hébergement et  de Réinsertion Sociale) et CADA ( Centre d'Aide aux Demandeurs d'Asile), Banque Alimentaire.

Président de la  Fédération des Acteurs Sociaux et Région centre et Membre du Bureau National de la fédération j'ai été désigné Membre du CNIAE (Conseil National De l’Insertion par l’Activité Economique).  Pendant 10 ans j'ai pu y promouvoir les dispositifs permettant à des personnes éloignées de l’emploi de bénéficier d’un contrat de travail et d’un accompagnement renforcé. En 2012 j'ai avec une centaine d'acteurs, participé à la « Conférence nationale contre la pauvreté » mise en place par Jean Marc Ayrault qui a conduit à un plan pluriannuel qui impliquait 20 ministères..

Au titre de la lutte contre la pauvreté j'ai été désigné membre du CESER (Conseil Economique, Social et Environnemental Régional) en région Centre, organisme consultatif sur l'ensemble des politiques régionales. J'ai pu y défendre la prise en compte des plus démunis dans les politiques publiques et la lutte contre toutes les discriminations.  Si j’ai pu voir des plans ambitieux j’ai malheureusement pu aussi  repérer le manque de moyens pour les mettre en œuvre et mesurer leurs effets.

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