MEDITATION SUR L’ASSOMPTION
Pascal ADJAMAGBO, Mathématicien, Théologien, Historien
15 août 2003
L’article de foi en l’Assomption de la Vierge Marie, le mystère de l’Assomption de la Vierge Marie comme dirait un mystique, le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie comme dirait un théologien, ou encore l’axiome de l’Assomption de la Vierge Marie comme dirait un mathématicien, nous invite à croire en « l’élévation intégrale, c’est-à-dire avec son corps et son âme, de la Vierge Marie en la plénitude et en la transcendance de bonheur de Dieu lui-même, c’est-à-dire de la vie éternelle, en anticipation de ce que Dieu a préparé de toute éternité pour chacun de ses enfants qu’Il chéri tous et tant », conformément à la déclaration d’amour qu’Il a chargé des anges de nous transmettre par la proclamation : «gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre, paix aux hommes en qui Il se complaît!»
Dieu qui se complaît dans l’homme, le Créateur épris de sa créature ! « incroyable et pourtant vrai » selon notre foi , comme nous le rappelle cette belle prière liturgique : « Tu nous aimes d’une grande tendresse et Tu nous prépares un bonheur que nous ne pouvons imaginer. Répands en nos cœurs la ferveur de ta charité, pour qu’en t’aimant en tout et par dessus tout, nous recevions de Toi l’héritage promis, qui surpasse tout désir ».
A la réflexion, puisque cette anticipation de l’héritage promis à Marie consiste en particulier à préserver son corps de la corruption, comment Celui dont le corps a été lui-même préservé de la corruption et qui jouit de la toute-puissance divine pouvait-Il laisser le corps de Celle qui l’a enfanté, le corps même duquel le sien a été tiré, le corps même dont les cellules et le sang ont formé et irrigué son propre corps, « connaître la corruption » ?
A la réflexion, cette anticipation n’est-elle pas le plus bel hommage que pouvait rendre à sa Mère l’auteur même du commandement « tu honoreras ton père et ta mère » ?
Le recueil des « Paroles des Pères du désert » rapportent : « un frère demanda à Abba Poemen : « des frères habitent avec moi, veux-tu que je leur commande ? » L’ancien répondit : « Non, mais agis d’abord, et s’ils veulent vivre, à eux de voir ! » Le frère lui dit : « eux-même, Abba, veulent que je leur commande » . L’ancien lui répondit : « pas du tout ! sois pour eux un modèle et non un législateur ! » ».
A la réflexion, « Le Pédagogue par excellence », Celui-la même qui se définit comme « le chemin, la vérité, la vie », comme l’Envoyé du Père « pour conduire et sauver les hommes », pour les conduire par « le chemin véritable de la vie éternelle » pouvait-il en matière de pédagogie faire moins que le conseille Abba Poemen ? Pouvait-il a propos du commandement « tu honoreras ton père et ta mère » se contenter d’être « un législateur et non un modèle » ? Même les détracteurs et les railleurs les plus endurcis du dogme de l’Assomption de la Vierge Marie n’oseraient soutenir une telle opinion, ce qui prouve qu’au fond ils sont bien d’accord sur le fond de ce dogme avec ceux qui y adhèrent, même s’ils éprouvent encore des réticences compréhensibles sur sa forme.
En effet, à la réflexion, cet article de foi en l’Assomption de la Vierge Marie n’est-elle pas une illustration parlante du « principe de déploiement de l’intelligence de la foi chrétienne dans le temps et l’espace », ce principe selon lequel « l’intelligence de la foi chrétienne est un univers en expansion et non statique » comme dirait un astro-physicien, conformément à la promesse du Christ : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le comprendre à présent . Mais quand Il viendra, l’Esprit de vérité, Il vous fera entrer dans la vérité toute entière, car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et vous dévoilera les choses à venir ! » (Jn, 16,13).
A la réflexion, ces réflexions comme d’autres n’ont-elles pas pour vocation de contribuer, avec l’assistance de Celui qui nous est promis, à nettoyer inlassablement la poussière de « l’incompris » sur la vitre de « l’intelligence de notre cœur », pour que cette dernière puisse se nourrir à volonté de la contemplation du vrai « incompréhensible », c’est-à-dire des « mystères de la foi », « la réalité du paysage » au-delà de la vitre plus ou moins transparente de notre intelligence, de peur que Le Christ ne nous reproche un jour à propos de sa Mère comme aux disciples d’Emmaüs nos « cœurs sans intelligence » ?
Un témoignage éloquent de la clairvoyance que permet la transparence de « l’intelligence du cœur » si chère au Christ est le récit suivant que rapporte le recueil des « Paroles des Pères du Désert » et qui confirme les interprétations précédentes de « l’Assomption de la Vierge Marie » que les chrétiens orientaux appellent « la Dormition de la Vierge Marie », en soulevant le coin du voile sur le point d’honneur du Christ à « honorer sa Mère » et en particulier à « honorer la fête en l’honneur de son Assomption », et surtout sur la source exceptionnelle de grâces que représente cette solennité :
« Une fois Abba Macaire fit ce récit, lorsque les frères l’eurent interrogé sur la pitié. L’ancien leur dit : « Il y avait un magistrat impitoyable dans une ville. Il y eu une année de famine en cette ville de sorte que les hommes se laissaient aller à la mort. Un homme alla trouver le magistrat et lui demanda du pain à cause de la faim qui le tourmentait. A cause de son importunité auprès de ce magistrat impitoyable (cf Lc 18,5), accompagnée de grandes fatigues, de toute sorte de reproches, celui-ci lui donna du pain, non cependant sans avoir versé du sang. Or c’était le jour de la Dormition de Celle qui a mis au monde pour nous Notre Seigneur Jésus-Christ, la Sainte Mère de Dieu Marie. En cette nuit là, le magistrat impitoyable était encore endormi, soudain son âme fut enlevé à son corps et elle fut entraînée pour être précipitée dans les tourments cruels et être châtiée. Pendant qu’on l’entraînait, une voix vint de Celui qui a de nombreux trésors de miséricordes, du Seul Compatissant, Notre Seigneur Jésus-Christ, Notre vrai Dieu, Celui qui efface les péchés et pardonne les iniquités, disant : « ramenez cette âme à son corps à cause du pain qu’elle a donné à celui qui était tourmenté par la faim, et surtout à cause de la Dormition de Celle qui m’a mis au monde, la Vierge Marie ». Il arriva que, s’étant réveillé de la mort, il se rappela de la voix qu’il avait entendue quand on l’entraînait aux supplices, et il se dit : « Puisque pour un seul pain que j’ai donné avec colère et même en versant du sang, mon Seigneur Jésus-Christ m’a fait retourner des tourments cruels, combien plus si j’avais distribué toutes mes richesses aurais-je tiré profit ? » Et ainsi il distribua avec abondance ses biens, jusqu’à son corps qu’il vendit en esclavage afin d’en donner le prix aux pauvres et aux infirmes. En cela, lorsque le patriarche vit sa résolution, il l’appela à l’ordre sacré de l’Eglise, de sorte qu’il devint digne de l’épiscopat et accomplit la liturgie en rendant gloire à Notre Seigneur Jésus-Christ » ».
Si Abba Macaire devait rapporter de nouveau ce récit de nos jours, pour éclairer la signification ultime de l’Assomption de la Vierge Marie et par suite de la « solennité de l’Assomption de la Vierge Marie » comme « l’hommage solennel de Dieu à la Mère de Dieu » et pour souligner l’importance pour la vie spirituelle de tous les chrétiens que représente à ses yeux les faveurs dont jouit La Vierge Marie auprès de Dieu, le pouvoir d’intercession auprès de Dieu que lui confèrent ces faveurs au nom de la « Communion des Saints » (comme le manifestent et le symbolisent les noces de Cana, Jn 2,1-11), et le trésor de grâces que représente « la solennité de l’Assomption de La Vierge Marie », il conclurait sans doute ses confidences par la formule « à bon entendeur salut !»
Pour que la parole de notre Père Macaire « ne soit pas tombée dans des oreilles de sourds », pour tirer le meilleur profit de notre « méditation sur l’Assomption de la Vierge Marie », en guise de conclusion, et au nom de cette « Communion des Saints » que nous proclamons dans le Credo et dont Elle est à la fois « l’incarnation et l’incandescence », tournons nous vers Celle qui a été avec un succès éclatant « l’éducatrice spirituelle de Dieu » et que Lui-même nous a léguée comme « notre propre éducatrice spirituelle » (comme elle l’a été pour les serviteurs des noces de Cana, et donc comme de nouveau le manifestent et le symbolisent les noces de Cana) en guise de « testament spirituel », selon la déposition formelle du témoin oculaire Saint Jean en ces termes : « Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple bien-aimé, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple : « voici ta mère ». Dès cette heure-la, le disciple l’accueillit chez lui » »(Jn 19,25-27). Tournons nous donc vers Elle pour lui dire avec tout l’épanchement de notre cœur :
O Marie,
Figure glorieuse de la communion des saints,
Nous nous unissons à Ta prière .
Fais-nous entrer
Dans la contemplation de Ton Fils,
De ses desseins d’amour
Sur chacun de nous
Et sur la création toute entière.
Apprends-nous à rechercher sans cesse
Le visage d’amitié et de tendresse du Christ,
Comme la fascination d’un premier amour,
A mourir sans relâche à nous-même,
Comme germe une semence,
A vivre dans l’attente du Seigneur,
A l’image du désert,
De la brûlure se son sable chaud,
De l’ardente soif de son aridité.
O Toi comblée de grâces,
Que ta féconde présence dans nos vies
Attire sur nous comme sur Elisabeth Ta cousine
L’effusion de l’Esprit Saint,
Pour faire de nous
Des êtres rayonnant d’amour et de bonté
Au cœur de nos combats et de nos joies
Comme au creux de la monotonie du quotidien.
O Marie, gardes-nous
Dans l’incandescence de Ta prière continuelle !