MEDITATION SUR L’ANNONCIATION, LA VISITATION
ET LA PROPHETIE DE MARIE DANS SON CANTIQUE
Pascal Adjamagbo
Assomption 2021
Les premiers mots de l’ange Gabriel à la Vierge Marie rapportées en Luc 1,28, « réjouis-toi, comblée de grâces, le Seigneur est avec toi », qui signifient littéralement « réjouis-toi, toi qui as été et demeure remplie de la faveur divine », sont clairement une invitation à la joie divine, plus précisément à vivre de la joie divine et dans la joie divine.
Cette invitation est incontestablement une application par l’ange Gabriel à la Vierge Marie des multiples « invitations prophétiques à la joie divine » adressées par Dieu lui-même au peuple d’Israël en les termes suivants rapportés d’abord par le prophète Isaïe en Is 12,6 : « pousse des cris de joie, des clameurs, habitante de Sion, car Il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël » , puis par le prophète Joël en Jo 2,21.23 : « Terre, ne crains plus, jubile et sois dans l’allégresse, car le Seigneur a fait grand. Fils de Sion, jubilez en le Seigneur votre Dieu », puis par le prophète Sophonie en So 3,14 : « pousse des cris de joie, fille de Sion, une clameur d’allégresse, Israël ! Réjouis-toi, triomphe de tout ton cœur, fille de Jérusalem », enfin par le prophète Zacharie en Za 2,14 et 9,9 : « chante, réjouis-toi, fille de Sion, car voici que je viens pour demeurer au milieu de toi, oracle du Seigneur. Exulte avec force, fille de Sion, crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi. Il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse ».
Cependant, cette invitation de l’ange Gabriel à la Vierge Marie est beaucoup plus qu’une telle application à elle des multiples « invitations prophétiques à la joie divine selon l’Ancienne Alliance » qui viennent d’être explicitement citées. Cette invitation « angélique » est surtout et par dessus tout une invitation à inaugurer « la joie christique », que l’on peut encore appeler avec raison « la joie évangélique », « la joie pascale », « la joie parfaite », ou « la joie divine selon la Nouvelle Alliance ». Il s’agit d’une joie dont le Christ lui-même a insisté sur la spécificité en répétant en guise de « testament spirituel » dans l’évangile Saint Jean, 15,11-16,22-16,24-17,13 : « Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite… Vous aussi, vous êtes à présent dans la peine, mais je vous reverrai, votre cœur se réjouira, et nul ne pourra vous ravir votre joie… Jusqu’à présent, vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite… Et maintenant je vais vers toi, et je dis ces choses dans le monde, afin qu’ils aient en eux ma joie parfaite ». Tout comme « la vérité toute entière » dont le Christ nous a révélé la clef dans Jean 16,13, « la joie parfaite » est un des « fruits de l’Esprit » selon Saint Paul dans Galates 5,22 : « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, patience, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi ». C’est l’invitation à cette « joie christique » qui est l’objet de l’exhortation suivante de Saint Paul dans la première lettre aux Thessaloniciens 5,16 : « soyez toujours dans la joie ».
Le texte de « la visitation » dans Luc 1,39 nous append qu’après « l’annonciation » à la Vierge Marie par l’ange Gabriel, « Marie partit en hâte pour se rendre dans le haut pays, dans un ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth » dont lui avait parlé l’ange Gabriel dans ses révélations qui avaient « troublé » la Vierge Marie selon Luc 1,29. On peut naturellement se demander si cette précipitation avec laquelle la Vierge Marie a rendu visite à sa cousine Elisabeth est due uniquement à son souci d’assistance familiale à sa cousine à trois mois prévisibles de son tout premier accouchement, avec des complications prévisibles à cause de son grand âge, ou si elle est également motivée par un désir secret de confirmation par sa cousine des révélations « troublantes » de l’ange Gabriel. Toujours est-il que le récit de « la visitation » dans Luc 1, 39-56 nous apprend que la Vierge Marie a attendu cette confirmation pour répondre dans les faits à l’invitation de l’ange Gabriel à « la joie divine », plus précisément à laisser éclater en elle « la joie divine » à travers son célèbre « cantique », qui est, plus que « l’hymne à la joie » de Ludwig van Beethoven, un véritable « hymne à la joie divine », plus précisément un véritable « hymne à la joie christique », « hymne à la joie parfaite ».
« L’invitation prophétique à la joie divine » adressée par Dieu lui-même au peuple d’Israël et rapportée par le prophète Sophonie comme citée précédemment est suivie de la révélation suivante dans So 3,17 : « Le Seigneur exulte de joie pour toi. Il te renouvelle par son amour. Il danse pour toi avec des cris de joie, comme au jours de fête ». D’autre part, le second livre de Samuel rapporte en les termes suivants dans 2 Sa 6,12-13 comment le roi David dansa devant l’Arche d’Alliance à Jérusalem : « Alors David parti et fit monter l’Arche de Dieu de la maison d’Obed-Edom à la Cité de David dans des réjouissances. Quand les porteurs de l’Arche de l’Eternel eurent fait six pas, il offrit un sacrifice de taureau et un veau gras. David dansait de toutes ses forces devant l’Eternel, et était ceint d‘un vêtement sacerdotal en lin. David et toute la maison d’Israël firent monter l’arche de l’Eternel avec des cris de joie et au son des trompettes ».
Conformément à cette tradition divine et biblique prestigieuse de manifestation de la joie par la danse, en présence de sa cousine Elisabeth, la Vierge Marie a dû accompagner son célèbre cantique de mouvements de danse, devant l’emporter dans un « tourbillon de joie » tant au sens religieux qu’au sens physique, comme ma très pieuse mère m’en a rapporté la vision en songe dont l’avait gratifiée la Vierge Marie envers laquelle elle avait une très grande dévotion. Ce « tourbillon de joie » accompagnant son cantique préfigurait déjà le « tourbillon de béatitude » dans laquelle elle fut élevée « corps et âme » dans la « transcendance de béatitude divine », conformément à la tradition originelle de « la Dormition de la Vierge Marie » et au dogme de « l’Assomption de la Vierge Marie ». Ce « tourbillon de joie » justifie le tout premier titre attribué à la Vierge Marie dans le célèbre « Hymne Acathiste » qui commence par la proclamation : « réjouis-toi, rayonnement de joie ».
Dans ce contexte mystique exceptionnel du Cantique de la Vierge Marie préfigurant la gloire de son Assomption, son verset « toutes les générations me proclameront bienheureuse », que l’on peut aussi traduire « toutes les générations rediront mon bonheur », par son temps au futur, apparaît clairement comme une prophétie, qui peut être appelée « la prophétie de la Vierge Marie dans son Cantique ».
« La prophétie de la Vierge Marie dans son Cantique » s’accomplit depuis son énonciation en particulier chaque fois que des fidèles chrétiens reprennent les paroles de l’ange Gabriel à la Vierge Marie ou les paroles de sa cousine Elisabeth pour la louer et pour solliciter son intercession puissante auprès de son Fils, auprès de Dieu le Père dont elle est comblée de la faveur, et auprès du Saint-Esprit avec qui elle a une relation privilégiée révélée à l’annonciation, non pas pour la prier comme nous prions Dieu, mais pour prier Dieu avec elle, pour nous unir à sa prière continuelle devant la Trinité, en faveur de tous fidèles chrétiens dont la Vierge Marie est la mère, conformément à la mission divine que lui confiée son Fils au pied de la croix en Jean 19, 25-27.
« La prophétie de la Vierge Marie dans son Cantique » s’accomplit depuis son énonciation en particulier chaque fois que, depuis le 3-ème siècle, sans doute depuis les persécutions de Dèce en 250 et de Valérien en 257, les premiers fidèles chrétiens reprennent sans relâche les paroles suivantes de la plus ancienne « prière mariale », attestée par un papyrus égyptien écrit en grec et inspirée de Exode 34,6 « Dieu de tendresse et de miséricorde » et de Ephésiens 4,32 « soyez les uns envers les autres miséricordieux », pour glorifier la Vierge Marie et implorer son intercession dans l’épreuve : « Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu. Ne méprise pas nos prières quand nous sommes dans l'épreuve, mais de tous les dangers, délivre-nous toujours, Vierge glorieuse et bénie ».
« La prophétie de la Vierge Marie dans son Cantique » s’accomplit depuis son énonciation en particulier chaque fois que des fidèles chrétiens catholiques reprennent sans cesse, soit dans une récitation individuelle, soit 50 fois dans le chapelet, soit 150 fois dans le rosaire, les paroles bibliques de la plus courante « prière catholique à la Vierge Marie », dont la première partie reprend les paroles évangéliques de l’ange Gabriel et d’Elisabeth et dont la seconde partie s’inspire de la plus ancienne « prière à marie », et dont la version la plus fidèle aux évangiles est la suivante : « Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes, et Jésus ton enfant est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nos pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Amen ».
« La prophétie de la Vierge Marie dans son Cantique » s’accomplit depuis son énonciation en particulier chaque fois que des fidèles chrétiens orthodoxes reprennent sans cesse 80 fois l’invitation angélique et évangélique « réjouis-toi » de « l’Hymne Acathiste », ou les paroles bibliques de la plus courante « prière orthodoxe à la Vierge Marie », dont la paroles suivantes sont pour l’essentiel les mêmes que les paroles de la première partie de la plus courante « prière catholique à la Vierge Marie » : « Réjouis-toi, Vierge Mère de Dieu, O Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni, car tu as enfanté le sauveur de nos âmes ».
Puisse notre prise de conscience de l’accomplissement de « la prophétie de la Vierge Marie dans son Cantique » nous aider à vivre avec beaucoup plus de ferveur, d’intensité et de fécondité notre « prière mariale », c’est-à-dire notre prière à Dieu avec la Vierge Marie, en union avec sa prière perpétuelle et incandescente devant le Père, le Fils et le Saint Esprit, au nom de la communion des saints que nous confessons dans notre profession de foi, et comme la « Figure glorieuse de la communion des saints » !