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Billet de blog 29 août 2021

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SUR L'HUMANISME UNIVERSEL AFRICAIN ET L’HUMANISME ETHNIQUE OCCIDENTAL

Nous introduisons dans l'histoire de la philosophie les concepts de "humanisme universel" et de "humanisme ethnique", avant de démontrer que "l'humanisme universel" est "authentiquement africain", né en Egypte au début du second millénaire avant JC, et que l'humanisme occidental, hérité des "philosophes des Lumières" est un "humanisme ethnique" ayant cautionné la traite négrière occidentale.

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Pascal Kossivi Adjamagbo

28 août 2021

Une des leçons les plus importantes à retenir de la pandémie toujours actuelle du covid-19,  c'est la confirmation de l'unité biologique du genre humain qui rend dérisoire les différences de classes sociales, de groupes ethniques, de nationalité, de religion, etc. Les leaders d'opinion n'ont pas assez insisté sur cette leçon. 

Cette leçon sur l'unité biologique du genre humain, donc sur l'unité indissoluble de la famille humaine née en Afrique, et sur la communion universelle de la famille humaine, devrait faire résonner en tout homme les échos multimillénaires de « la formule de Terence » (190-159 avant JC) : « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger ».

L'un des commentaires les plus féconds de cette « formule de Terence » mettant l'accent sur « la communion universelle » est le témoignage suivant de Saint Augustin (354-430 après JC) rapporté dans « Lettres, 155.14 » : « Le Christ, qui est Vérité, nous dit que toute la Loi et les Prophètes sont contenus dans deux préceptes : « Aimons Dieu de tout note cœur, de tout notre âme et de tout notre esprit, et le prochain comme nous-même ». Il ne faut pas limiter le mot « prochain » aux personnes de notre parenté selon le sang, mais l’étendre à tous ceux qui sont liés à nous par une commune nature… C’est pourquoi, dans un dialogue entre deux vieillards, Térence fait dire à l’un d’eux : « Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». On raconte qu’à cette réplique, le théâtre tout entier, bien que rempli d’écervelés et d’ignorants, fut secoué par un tonnerre d’applaudissements. Le sentiment de cette communion entre les hommes s’empara à tel point des spectateurs, qu’il n’y eut personne qui ne se sentît le prochain de quelqu’un ».

Cette formule est sans aucune discussion « le principe fondamental de l'humanisme », qui est par essence « universel » et dont « humanisme occidental » issu des « philosophes des lumières » (comme Voltaire, actionnaire de la traite négrière ou comme Kant, auteur d'écrits racistes anti-noirs du niveau de caniveaux), qui sont en fait « les princes des ténèbres », n'est qu'une « dégénérescence  ethnique » corrompue par les intérêts égoïstes et immoraux des « occidentaux ». Ce n'est pas anodin que l'auteur du « principe fondamental de l'humanisme » soit d'origine de l'Afrique du Nord tout en étant de culture romaine.

Cette « formule de Terence » n'est en fait qu'un lointain écho de « la Parole de Dieu » selon « la sagesse égyptienne » dont était nanti Moïse d'après Saint Pierre (Actes 7,22 « Moïse était instruit dans toute la sagesse égyptienne, et il était puissant en paroles et en œuvres »), rapporté par le texte de sarcophage de la XIIe dynastie vers 1900 avant JC  où  il est écrit : «  j'ai créé les quatre vents pour que tout homme puisse respirer comme son  frère, les grandes eaux pour que le pauvre puisse en user comme le fait  son seigneur.  J'ai créé tout homme pareil à son frère. J'ai défendu que les hommes commettent l'iniquité. Mais leurs cœurs ont défait ce que ma parole avait prescrit ».

Six siècles plus tard, les échos de cette plus ancienne « proclamation magistrale de l’humanisme universel » ont résonné dans tout « l’hymne au Soleil » d’Akhénaton (1372-1354 avant JC), notamment dans son passage suivant : « Toi, Unique, Seul et Tout-Puissant, Toi qui as créé l’univers selon Ta Volonté, tout être qui marche ou qui vole, tu l’as mis à sa juste place et tu lui donnes tout ce qui lui fait besoin, tu pourvois à sa journée, à sa vie, à son langage, à la couleur de sa peau, à sa diversité des autres » (tiré des traductions-et en particulier de celles de P. Bigongiari et J.H. Breasted- des textes du tombeau d’Aï à Tell el-Amarna).

Plus de trois millénaires plus tard, les échos de cette plus ancienne « proclamation magistrale de l’humanisme universel » ont résonné dans toute « la charte du Mandén » inscrite depuis 2009 sur « la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité », et présentée par l’UNESCO en ces termes : « Au début du XIIIe siècle, à l’issue d’une grande victoire militaire, le fondateur de l’Empire mandingue et l’assemblée de ses « hommes de tête » ont proclamé à Kouroukan Fouga la « Charte du Mandén nouveau », du nom du territoire situé dans le haut bassin du fleuve Niger, entre la Guinée et le Mali actuels. La Charte, qui est l’une des plus anciennes constitutions au monde même si elle n’existe que sous forme orale, se compose d’un préambule et de sept chapitres prônant notamment la paix sociale dans la diversité, l’inviolabilité de la personne humaine, l’éducation, l’intégrité de la patrie, la sécurité alimentaire, l’abolition de l’esclavage par razzia, la liberté d’expression et d’entreprise » (décision 4.COM 13.59, https://ich.unesco.org/fr/RL/la-charte-du-mandn-proclame-kouroukan-fouga-00290).

En effet, les sept articles de la « Charte du Mandén » proclament de manière magistrale et universelle : « 1) Toute vie humaine est une vie. Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre vie, mais une vie n'est pas plus « ancienne », plus respectable qu'une autre vie, de même qu'une vie n'est pas supérieure à une autre vie. 2) Toute vie étant une vie, tout tort causé à une vie exige réparation. Par conséquent, que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause du tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable. 3) Que chacun veille sur son prochain, que chacun vénère ses géniteurs, que chacun éduque comme il se doit ses enfants, que chacun « entretienne », pourvoie aux besoins des membres de sa famille. 4) Que chacun veille sur le pays de ses pères. Par pays ou patrie, il faut entendre aussi et surtout les hommes; Car « tout pays », toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface Deviendrait aussitôt « nostalgique ». 5) La faim n'est pas une bonne chose, l'esclavage n'est pas non plus une bonne chose; Il n'y a pas pire calamité que ces choses-là, dans ce bas monde. Tant que nous détiendrons le carquois et l'arc, la faim ne tuera plus personne au Manden, Si d'aventure la famine venait à sévir, la guerre ne détruira plus jamais de village pour y prélever des esclaves; C'est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable pour allez le vendre; Personne ne sera non plus battu, à fortiori mis à mort, parce qu'il est fils d'esclave. 6) L'essence de l'esclavage est éteinte ce jour, « D'un mur à l'autre », d'une frontière à l'autre du Manden, la razzia est bannie à compter de ce jour au Manden. Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden. Quelle épreuve que le tourment ! Surtout lorsque l'opprimé ne dispose d'aucun recours. L'esclave ne jouit d'aucune considération, nulle part dans le monde. 7) « L'homme » en tant qu'individu fait d'os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau recouverte de poils et de cheveux, se nourrit d'aliments et de boissons. Mais son « âme », son esprit, vit de trois choses: voir qui il a envie de voir, dire ce qu'il a envie de dire et faire ce qu'il a envie de faire. Si une seule de ces choses venait à manquer à l'âme humaine, elle en souffrirait et s'étiolerait sûrement. En conséquence, les chasseurs déclarent : chacun dispose désormais de sa personne, chacun est libre de ses actes, chacun dispose désormais des fruits de son travail. Tel est le serment du Manden à l'adresse des oreilles du monde tout entier » (Youssouf Tata Cissé dans "Soundjata, la Gloire du Mali", éd. Karthala, ARSAN, 1991).

Le philosophe français Louis Sala-Molins a dénoncé le « silence assourdissant » des philosophes dits « des lumières » devant l'horreur « inhumaine » du texte officiel du « Code Noir » promulgué par « Sa Très Chrétienne Majesté Le Roi Soleil », dans ses livres décapants : « Le Code noir : ou le calvaire de Canaan », PUF, 1987, et « Les Misères des Lumières : sous la raison, l'outrage », Homnisphères, 2008.

De son côté, Odile Tobner, compagne de l’écrivain Mongo Beti et Présidente de l’Association « Survie », a révélé la profondeur des racines intellectuelles et politiques du racisme français contre les noirs dans son livre fort documenté et commenté « Du racisme français », publié par Les arènes en 2007, dont le résumé dit : « Depuis le Code noir (1724), rares sont les intellectuels ou les dirigeants français qui ont remis en question le socle raciste sur lequel repose notre regard sur les " noirs ", africains ou antillais. Les saillies négrophobes récentes d'Hélène Carrère d'Encaussse, Alain Finkielkraut ou Nicolas Sarkozy ne sont pas des " dérapages " malheureux, mais la continuité désolante de préjugés nourris depuis quatre siècles. Qui, en France, sait que Saint-Simon, Bossuet, Montesquieu ou Voltaire ont commis, sur ces questions, des pages monstrueuses ? Que Renan, Jules Ferry, Teilhard de Chardin, Albert Schweitzer ou encore le général De Gaulle leur ont emboîté le pas ? Le pays des Lumières et des droits de l'homme n'aime pas se voir en ce miroir-là. Odile Tobner révèle pourtant que la négrophobie fait partie de notre héritage. Il est temps de décoloniser les esprits. Enfin ».

En effet, pire qu’un « silence assourdissant », Voltaire (1694-1778), le « Prince des Ténèbres » qui se prétendait « philosophe des lumières », a cautionné « le péché grave contre l'humanisme » et le « crime contre l’humanité » que constituent le principe et les horreurs de la traite négrière en osant écrire : « les Blancs sont supérieurs à ces Nègres, comme le Nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres » (Traité de métaphysique), « il n'est permis qu'à un aveugle de douter que les Blancs, les Nègres, les Albinos, les Hottentots, les Chinois, les Américains ne soient des races entièrement différentes » (Essai sur les mœurs et l'esprit des nations), « Nous n'achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres. On nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l'acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité. Celui qui se donne un maître était né pour en avoir » (idem).

Pour joindre les actes aux paroles, Voltaire s'enrichit comme actionnaire de la « Compagnie des Indes », un des principaux acteurs de la traite négrière et de l'odieux « commerce triangulaire », a contribué à la hauteur de 10 000 livres à l'expédition du bateau  négrier « le Saint Georges » en 1751 et a personnellement écrit à un riche armateur négrier de Nantes, Jean-Gabriel Montaudouin de la Touche  pour le remercier d'avoir donné le nom de « Voltaire » à un de ses bateaux criminels (voir exemple l'article en ligne bien documenté "c'est qui Voltaire?", https://societe-voltaire.org/cqv/negrier.php).

De son côté, le philosophe allemand se revendiquant également des lumières, Emmanuel Kant (1724-1804), a publié des écrits orduriers sur les Noirs rapportés dans le passage suivant de son livre « Observations sur le sentiment du beau et du sublime », 1764 : « Les nègres d’Afrique n’ont reçu de la nature que le goût des sornettes. Monsieur Hume défie qui que ce soit de lui citer l’exemple d’un nègre qui ait montré des talents, et il affirme que, parmi les centaines de mille de Noirs transportés loin de leur pays, et dont un grand nombre cependant ont été mis en liberté, il ne s’en est jamais trouvé un seul pour produire quelque chose de grand dans les arts, les sciences ou dans quelque autre discipline, tandis qu’il n’est pas rare de voir des Blancs issus de la plèbe susciter l’admiration du monde par l’excellence de leurs dons. Ces deux races d’hommes paraissent aussi différentes de sensibilité que de couleur. Le culte des fétiches, fort en honneur parmi eux, est peut-être une sorte d’idolâtrie si misérable qu’elle paraît contredire à la nature humaine. Une plume d’oiseau, une corne de vache, une huître ou toute autre chose commune, sitôt qu’elle a été consacrée par quelques paroles, devient un objet de vénération invoqué dans les serments. Les Noirs sont extrêmement vaniteux, à la manière des Noirs, et si bavards qu’il faut les disperser à coups de bâton ».

Cette citation prouve d'une part qu'il était plutôt un « prince des ténèbres » tout comme Voltaire, d'autre part qu'il ne sait pas raisonner, et qu'en plus il est un fieffé menteur. En effet, en approuvant le préjugé raciste anti-noir du philosophe Hume, Kant est coupable de deux gros mensonges.

Le premier concerne le philosophe et médecin allemand noir Anton  Wilhelm Amo (1700-1753), d'origine ghanéenne, aîné et contemporain de Kant (1724-1804) de la même école philosophique allemande des lumières que Kant, considéré comme un des principaux philosophes des « Lumières » en Allemagne dans la même tradition philosophique de Leibnitz et Wolff que Kant. Ce dernier, qui s'inspira des travaux précurseurs d’Amo sans le citer, pour fonder la distinction entre les impressions sensorielles et la raison, fournissant deux sources d'information complémentaires et expliquant les célèbres jugement à priori de Kant, connaissait donc très bien son collègue philosophe contemporain Amo qui fut professeur dans les universités prusses de Halle, Iéna et Wittemberg, qui étaient beaucoup plus prestigieuses que l’université de Königsberg de Kant à la très lointaine frontière orientale de la Prusse, aux portes de l’empire russe (voir par exemple les articles de Wikipedia sur Anton Amo et Emmanuel Kant) .

Le second mensonge de Kant concerne l'ingénieur, le mathématicien et général russe Abraham Hannibal (1696-1781), d'origine du Cameroun, l'équivalent de Vauban pour l'empire russe, général en chef de l’empire russe en charge des toutes les fortifications de l’empire, gouverneur de Tallin dans les pays baltes de l’empire de 1742 à 1752, professeur de mathématiques et auteur du premier traité de mathématiques en langue russe, auquel l'historien Dieudonné Gnammakou consacra sa célèbre biographie « Abraham Hannibal, l’aïeul noir de Pouchkine », Paris 1996. Durant ses études militaires et d’ingénieur en France de 1717 à 1722, il se lie d’amitié avec les philosophes des Lumières Montesquieu et Voltaire, au point que ce dernier l’appela « l’étoile noire des Lumières ». Le philosophe des lumières Kant ne pouvait donc pas ne pas le connaître très bien, d’autant plus que Kant a passé tout sa vie à Königsberg, l’actuel Kalingrad, au sud des pays baltes à la porte de l’empire russe, et d’autant plus que dans les années 1750, au début de sa carrière universitaire à l’université de Königsberg, Kant enseignait à la fois les mathématiques, la physique et la théorie des fortifications (voir par exemple les articles de Wikipedia sur Abrahan Hannibal et Emmanuel Kant).

C'est au nom de "l'humanisme ethnique occidental" que, quelques années après la belle "déclaration des droits de l'homme et du citoyen" dès 1789 durant la "Révolution française" préparée et inspirée par les "philosophes des Lumières", tous les français noirs de toutes les Antilles françaises furent remis en 1802 en esclavage pour un demi-siècle, après l'abolition officielle de l'esclavage en France par la "Révolution française" en 1794 sous la pression de la "Révolution haïtienne" commencée en 1991dans la foulée de la "Révolution française" (voir par exemple l'article de Wikipedia "Abolition de l'esclavage").

C'est encore au nom de "l'humanisme ethnique occidental" que la France sous Napoléon déclencha en février contre la "Révolution haïtienne" une guerre "sans merci" qu'elle finit par perdre malgré sa supériorité militaire et technique et qui aboutit à l'indépendance proclamée le 1er janvier 1804 de la première république noire de l'histoire moderne, Haïti. C'est en représailles de la France contre la victoire d'une république noire contre une puissance militaire et économique blanche que tous les pays occidentaux imposèrent contre la première république noire nouvellement indépendante contre toute logique de guerre un "impôt de vaincus" durant plus de deux siècles qui empêcha son développement économique et social jusqu'à ce jour (voir par exemple l'article de Wikipedia "Révolution haïtienne").

C'est toujours au nom de "l'humanisme ethnique occidental" que la plupart des pays européens substituèrent au 19-ème à la traite négrière occidentale abolie par la force des choses la colonisation de l'Afrique et de l'Asie, puis à cette colonisation la néo-colonisation pour empêcher par machiavélisme et par tous les moyens jusqu'à ce jour le développement économique et social des anciens pays colonisés, et surtout l'Afrique Noire, comme ils ont réussi à le faire pour Haïti jusqu'à ce jour depuis plus de deux siècles (voir par exemple "Les raisons profondes du sous-développement de l'Afrique", https://www.youtube.com/watch?v=b6s7mVQFLJQ, et "La Chronique d'Alain Foka : comment récupérer nos richesses minières", https://www.youtube.com/watch?v=STKb9nYRKuE).

Le réquisitoire philosophique le plus éloquent et le plus décapant contre le colonialisme est incontestablement celui d’Aimé Césaire dans son célèbre « Discours sur le colonialisme », datant de 1955, mais jouissant encore d’une actualité brûlante et d’une pertinence étonnante malgré son accent marxiste d’outre tombe. Dans ce pamphlet, le concept innovant de « humanisme ethnique » n’est pas mentionné, mais sont explicitement mentionnés ceux de « pseudo-humanisme », « humanisme formel », « humanisme vrai » et « humanisme à la mesure du monde » , tandis que le paradigme de « l’humanisme ethnique occidental » est omniprésent, notamment dans les passages suivants qui permettent de prouver que le mot « humanisme » n’a que sept occurrences dans tout le « Discours sur le colonialisme » (Présence Africaine, 2004) : « Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique (p. 13-14). Et c’est là le grand reproche que j’adresse au pseudo-humanisme : d’avoir trop longtemps rapetissé les droits de l’homme, d’en avoir eu, d’en avoir encore une conception étroite et parcellaire, partielle et partiale et, tout compte fait, sordidement raciste (p. 14). Qu’on le veuille ou non : au bout du cul-de-sac Europe, je veux dire l’Europe d’Adenauer, de Schuman, Bidault et quelques autres, il y a Hitler. Au bout du capitalisme, désireux de se survivre, il y a Hitler. Au bout de l’humanisme formel et du renoncement philosophique, il y a Hitler (p. 14). Et, dès lors, une de ses phrases s’impose à moi : « Nous aspirons, non pas à l’égalité, mais à la domination. Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire une loi. » Cela sonne net, hautain, brutal, et nous installe en pleine sauvagerie hurlante. Mais descendons d’un degré. Qui parle ? J’ai honte à le dire : c’est l’humaniste occidental, le philosophe « idéaliste ». Qu’il s’appelle Renan, c’est un hasard. Que ce soit tiré d’un livre intitulé : La Réforme intellectuelle et morale, qu’il ait été écrit en France, au lendemain d’une guerre que la France avait voulu du droit contre la force, cela en dit long sur les mœurs bourgeoises (p. 15). La vérité est que j’ai dit toute autre chose : savoir que le grand drame historique de l’Afrique a moins été sa mise en contact trop tardive avec le reste du monde, que la manière dont ce contact a été opéré ; que c’est au moment où l’Europe est tombée entre les mains des financiers et des capitaines d’industrie les plus dénués de scrupules que l’Europe s’est « propagée » ; que notre malchance a voulu que ce soit cette Europe-là que nous ayons rencontrée sur notre route et que l’Europe est comptable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire (p. 26). Et puis de Frobénius ! Hein, vous savez qui c’est, Frobénius ? Et nous lisons ensemble : « Civilisés jusqu’à la moelle des os ! L’idée du nègre barbare est une invention européenne » (p. 37). Les psychologues, sociologues, etc., leurs vues sur le « primitivisme », leurs investigations dirigées, leurs généralisations intéressées, leurs spéculations tendancieuses, leur insistance sur le caractère en marge, le caractère « à part » des non-Blancs, leur reniement pour les besoins de la cause, dans le temps même où chacun de ces messieurs se réclame, pour accuser de plus haut l’infirmité de la pensée primitive, du rationalisme le plus ferme, leur reniement barbare de la phrase de Descartes, charte de l’universalisme : que « la raison... est tout entière en chacun » et « qu’il n’y a du plus ou du moins qu’entre les accidents et non point entre les formes ou natures des individus d’une même espèce » (p. 40-41). Je ne m’étendrai pas sur le cas des historiens, ni celui des historiens de la colonisation ni celui des égyptologues, le cas des premiers étant trop évident, dans le cas des seconds, le mécanisme de leur mystification ayant été définitivement démonté par Cheikh Anta Diop, dans son livre Nations nègres et Culture - le plus audacieux qu’un nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera, à n’en pas douter, dans le réveil de l’Afrique (p. 41). En somme, le métissage, voilà l’ennemi. Plus de crise sociale ! Plus de crise économique ! Il n’y a plus que des crises raciales ! Bien entendu, l’humanisme ne perd point ses droits (nous sommes en Occident), mais entendons-nous : « Ce n’est pas en se perdant dans l’univers humain avec son sang et son esprit, que la France sera universelle, c’est en demeurant elle-même. » Voilà où en est arrivée la bourgeoisie française, cinq ans après la défaite de Hitler ! Et c’est en cela précisément que réside son châtiment historique : d’être condamnée, y revenant comme par vice, à remâcher le vomi de Hitler (p. 53). Gobineau disait : « Il n’est d’histoire que blanche ». M. Caillois, à son tour, constate : « Il n’est d’ethnographie que blanche ». C’est l’Occident qui fait l’ethnographie des autres, non les autres qui font l’ethnographie de l’Occident (p. 65). De ceci que jamais l’Occident, dans le temps même où il se gargarise le plus du mot, n’a été plus éloigné de pouvoir assumer les exigences d’un humanisme vrai, de pouvoir vivre l’humanisme vrai - l’humanisme à la mesure du monde (p. 68). Des valeurs inventées jadis par la bourgeoisie et qu’elle lança à travers le monde, l’une est celle de l’homme et de l’humanisme - et nous avons vu ce qu’elle est devenue - l’autre est celle de la nation (p. 69). »

En conclusion, les graves erreurs de jugement et de raisonnement des deux plus grandes figures françaises et allemandes de la philosophie dite des lumières, ainsi que leur malhonnêteté intellectuelle, prouvent incontestablement que l'humanisme occidental issue des philosophes dits des « Lumières » est bien un « humanisme ethnique » conçu pour les Blancs, un humanisme coupé des racines spirituelles de l'humanité et revendiquant la mise à mort de Dieu, et qui est donc une dégénérescence de « l'humanisme universel » de l'Égypte Ancienne, de Terence et de la Charte de Mandén de l'empire du Mali datant des années 1200.

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