En posant un regard matinal sur la une en ligne de Libération, une image s’agite en surimpression, occulte ma vision ciblée, remplace ma lecture, s'impose dans ma pensée... Ce n'est pas une image subliminale, ni une hallucination, c'est une publicité en flash bien sûr, qui vante le nouveau téléphone portable multimédia du fabricant Samsung, le Player addict… Je repense alors à ce parfum,“Dior addict“, récemment sorti des nouvelles recherches en matière de plaisir olfactif et accessoirement de la pensée marketing et me dis que le marché a réussi à faire d’une pathologie une normalité.
Que pensent les gens qui achètent ces produits ?
Se sentent-ils confortés dans une (ou plusieurs) addiction existant chez eux et assumée, telle celle qui consiste à regarder systématiquement la télévision le soir en rentrant du travail, boire sa dose d’alcool quotidienne, dépendre de ses cigarettes ou d'autres drogues auto-destructrices ?
Se sentent-ils “au-dessus“ du mot en le prenant pour une provocation “chic“ ?
Comment se fait-il que des mots aussi importants s’intègrent dans notre quotidien consumériste sans faire de vagues ?
Gaston Bachelard disait que notre appartenance au monde des images est plus forte, plus constitutive de nos êtres que notre appartenance au monde des idées.
La publicité fusionne les images et les idées dans un environnement hyper esthétisant, hyper positif dans sa volonté même (son action de promotion), hyper valorisant. La pub est tellement “créatrice de nouveautés“ qu'elle permet le renouveau qui participe, pour un grand nombre d'individus, de leur propres évolutions/révolutions identitaires et d'un remplacement de leur dévalorisations existentielles.
Que penser alors de son influence sur nos identités ? Et qu'en est-il de l'éthique ?
Nous savons qu’existent des conduites addictives liées à la consommation. S’il s’agissait de dédramatiser des pratiques dont on ne parle déjà que trop peu, en y ajoutant un message particulier, l'éthique serait présente.
Mais ce marketing balaye toute valeur bienveillante. La main de l’intéressement monétaire n’est pas toujours soignante !
Ainsi, ces pubs positivent l’addiction.
Achetez braves gens, assumez ces achats qui vous valorisent, on vous le dit si bien, la consommation est le pansement à vos problèmes, plongez y donc jusqu'à la dépendance même et surtout ne vous en faites pas, c’est normal, c’est une très bonne chose, c’est même la tendance !
Les mots anglophones résonnent souvent, pour nous français, comme une touche de modernité empreinte du dynamisme et du volontarisme américain, jusqu'à rendre ici une provocation mal placée positive…
Les québécois doivent se demander, eux qui se méfient de l’influence de la langue du géant voisin jusque parfois dans une résistance farouche, si nous ne serions pas un peu douteux de nous-mêmes pour accepter d’intégrer cette pratique aveugle des mots anglais.
Cette déviance marketing est assez dangereuse finalement, car en légitimant voire en valorisant un symptôme pathologique, elle participe de son maintien et permet à certaines conduites à risques d'être pérennisées... Et souvent pour le pire...
Alors, marketing conscient ou inconscient ?