Rencontre du premier type

En ce début de matinée du samedi 22 avril 2017, la veille donc du premier tour de l’élection présidentielle,  je posa la question que je posais à pratiquement tous ceux que je croisais dans ce commerce:
- Alors… Avez-vous choisi votre candidat?
Et alors que la plupart de ceux que je questionnais étaient indécis, il me répondit avec une moue légèrement résignée:
- Oui oui… Bien sûr… Même si je sais que 90% de mes revenus supérieurs seront taxés...
- Attendez, vous voulez dire que vous faite partie de ceux qui gagnent plus de 400 000 € par an, vous voulez dire que vous gagnez plus de 40 000 € par mois et que vous allez voter pour Jean-Luc Mélenchon?
- Oui, c’est ça. Me répondit ce dirigeant du groupe Accord d’un ton calme.
Je pensais à un trait d’humour noir:
- Vous allez voter pour ce candidat et allez quitter la France?
- Non pas du tout, dit-il le plus sérieusement qu’il pu. J’ai vécu plusieurs années au Etats-Unis et j’ai vu ce qu’était le néo-libéralisme pur, dur, libéré. J’ai pu voir qu’il générait des inégalités abyssales, des souffrances sociales terribles, des individualismes  extrêmement violents et égoïstes. Et ce n’est pas vraiment la société dans laquelle je veux vivre. Je préfère partager mes revenus et vivre dans une société plus apaisée. D’ailleurs je pense que si Macron ou Fillon passent, le front national sera probablement plus fort encore en 2022. Je pense que Trump, qui est une sorte de mélange entre Marine Le Pen et Bernard Tapie, est arrivé au pouvoir grâce à cette misère sociale et ce déficit d’accès à l’éducation.
Un préjugé sur les catégories sociales supérieurse venait de tomber.
- Vous savez, avec 40 000 €, on vit bien...
Je n'en doutais pas.
- Et puis, j’estime ne pas avoir tant de mérite, j’ai eu de la chance. Je suis né dans une famille équilibrée, dans une société permissive et avec d’assez bons neurones. Etre arrivé ou je suis n’a pas été bien difficile et je ne vois pas pourquoi je devrais gagner 20 fois plus qu’un boulanger qui travaille 10 heures par nuit et est né avec d'autre capacités.
Quelques heures après avoir conversé avec ce François d’Assises du Cac 40, je croisa un adepte d’un autre François nommé Fillon et lui raconta ce dialogue si exemplaire à mes yeux, pour entendre sa réaction fâchée:
- Ouais bon mais vous êtes tombé sur l’exception, le seul au monde!