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La conquête est un mot qui porte à confusion, positif quand il est associé à la séduction, il prend un tout autre sens lorsqu'il s'agit de combat sanglants destiné à spolier les terres d'autrui. En projetant le film de Xavier Durringer "La Conquête", même hors compétition, la croisette illumine une fascination du pouvoir à la Française, pouvoir pétrit de combats et séductions toutes médiatiques.
Pour Robert Bresson, que chaque image cinématographique était une valorisation et se méfiait de celles faites de violences et de guerres, y trouvant une légitimation en soi qu'elle ne devraient recevoir.
Le coup de projecteur donné à l'accession au pouvoir de Nicolas Sarkosy, personnage déjà sur-médiatisé et omniprésent, ajouté au fait que le scénario n'apporte aucun aspect critique mais rajoute au storytelling continuel, permet de se demander si le film ne fait pas œuvre de propagande.
Le quotidien Nice-Matin ne s'y trompera pas, qui actait en gras et en une "la reconquête" évoquant la présence de ce "président-star" à Cannes...
La réussite stratégique de la domination, l'égocentrisme, l'acte de prédation y sont magnifiés par l'image fictionnelle faisant d'une réussite politique un rêve cinématographique de vie. Le culte du chef y est érigé en dogme épique.
La séduction frénétique, la valorisation de cette présence magnifiée sur des écrans géants donnent la possibilité de penser que les spectateurs sont ici utilisés à des fins électoralistes, d'autant que le portrait sert un probable candidat à la prochaine élection présidentielle
L'art cinématographique français, est donc fait aujourd'hui d'impositions stratégiques, d'intentions politiques électoralistes.
La force, force toute politique, celle qui force le jugement des citoyens avec pour corolaire la loi du plus fort, bien pesante inclinaison de l'homme sur l'homme, de l'homme sur la femme, est servie ici non plus du 4ème pouvoir mais maintenant du 7ème art.
Lorsque une personnalité politique en campagne ou au pouvoir impose aujourd'hui sa vie au cinéma avec la permission médiatique, ne s'agirait-il pas alors d'une imposition si grande de la pensée qu'elle pourrait être qualifiée d'abus d'influence, de viol de la pensée ? Un abus consenti par l'impossibilité d'objecter des spectateurs, mis à part dans leur infiniment peu influente famille. Les prismes télévisuels et cinématographique ont également avec eux cette "valeur" du grand nombre d'attentions, sortes de communions en cette nouvelle église médiatique.
Existe donc un nouveau et formidable outil de consentement.
Pierre Bourdieu soulignait toute la difficulté d'exprimer à la télévision une pensée développée, tant les contradicteurs choisis en toute conscience peuvent empêcher l'impact d'un propos, d'autant plus qu'ils sont habitués à la relation aux caméras de télévision. Aussi, ce sont plus d'habiles intelligences prédatrices servant le politiquement correct qui l'emporteront sur le sage et consciencieux scientifique.
Les rares critiques de ce film laissent toute la légitimité d'adoration obéissante au citoyens.
Convaincre, vaincre par la parole ou l'image, supplanter la pensée de l'autre, la conquérir voire violer une pensée consentante selon que le sujet est prompt à des formes de résistances ou de soumissions intellectuelles; nous sommes bien là dans une arène, dans un combat ou il s'agit plus de se servir, de conquérir, d'aliéner que d'évoluer dans le respect de l'autre, le goût de l'émulation, de la connaissance, de l'éthique…
La représentation de la société est encore à inventer tant l'égocentrisme et l'égoïsme, ces mauvais individualismes s'opposent au bien commun, ne sont que trop protégés comme le souligne les récentes affaires de corruptions et de mœurs gravement désorganisées.
Les contre-pouvoirs politiques ne suffisent plus à contrer ces déviances, les contre-pouvoirs médiatiques de masses manquent encore d'indépendance et nous en sommes toujours aujourd'hui réduits à nous complaire dans le sensationnalisme des combats des "plus forts", des combats de bêtes, des combats de coqs, puissent-ils user de tous types de stratagèmes, de démagogies, de séductions poussées à l'extrême, de manipulations médiatiques, jusqu'au cinéma...