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Billet de blog 18 mai 2020

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Indemnisation des victimes: lettre ouverte au Président de la République

La gravité de la pandémie de covid-19, l'ampleur de ses conséquences et les défaillances multiples de l'Etat appellent à des mesures exceptionnelles de solidarité nationale. Me Pascal Nakache interpelle le Président de la République et le Premier Ministre et exige la mise en place rapide d'un mécanisme simple et rapide d'indemnisation des victimes du coronavirus, par exemple via l’ONIAM.

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Pascal NAKACHE

Avocat

17 allée Forain-François Verdier

31 000 Toulouse

                                                                                     Monsieur le Président de la République

                                                                                     Palais de l'Élysée

                                                                                     55 rue du Faubourg-Saint-Honoré
                                                                                     75008 Paris

                                                                                     Monsieur le Premier Ministre,

                                                                                     Hôtel Matignon

                                                                                     57 rue de Varenne

                                                                                     75007 Paris       

                                                                                     Toulouse, le 18 mai 2020

              Monsieur le Président de la République,

              Monsieur le Premier Ministre,

            A l’heure où j’écris ces lignes, la pandémie du Covid-19 a déjà causé plus de 28 000 morts en France et le bilan s'alourdit encore. Combien de familles éplorées, d’époux, d'enfants, de parents, qui auront vu leur proche partir dans des conditions si douloureuses, ne pouvant pas le voir, justement, l'approcher, lui parler, lui tenir la main ? Et au-delà des morts, combien de nos concitoyens resteront marqués dans leur chair par l'épreuve, combien garderont des séquelles durables et douloureuses, combien verront leur capacité de reprendre une vie normale gravement affectée ?

            Le gouvernement a d'ores et déjà promis une reconnaissance « systématique et automatique » pour les soignants. Mais de nombreux autres professionnels sont touchés, qui auront œuvré avec courage au profit de la collectivité pendant cette période. Et nombres de victimes n'ont pas contracté la maladie dans le cadre professionnel, qui méritent tout autant votre attention. Certains, parce qu'ils n'auront pas pu profiter des mesures de précautions élémentaires en termes de prévention. Ainsi des assesseurs des bureaux de vote, au premier tour élections municipales, dont un grand nombre a contracté la maladie pour avoir simplement voulu accomplir cette noble mission citoyenne. D'autres, simplement, parce qu'ils auront continué de vivre normalement, à une heure où les gestes de précautions n'avaient pas encore été portés à la connaissance de tous. D'autres encore, parce que, malades ou hospitalisés, ils n’auront pas pu bénéficier de soins parfaits dans un hôpital public exsangue et démuni, en dépit des efforts admirables des soignants.

           Tous ceux-là doivent-ils connaître un sort différent ? La gravité de cette pandémie, l'ampleur de ses conséquences, les défaillances multiples qui auront conduit à ces drames, n’imposent-t-elle pas que tous bénéficient, de manière identique, de la solidarité nationale ? Fera-t-on un sort différent à ceux qui travaillaient et à ceux qui continuaient de vivre, simplement ? Les uns seront-ils mieux indemnisés que les autres ? A l’évidence, cela ne saurait être.

            Vous savez le désarroi de nos concitoyens, pour ne pas dire leur colère. Beaucoup d'entre eux s'apprêtent à demander des comptes. Et pour les plus touchés, dans ces comptes entreront le prix du deuil, de la douleur morale et physique, de l'atteinte à l'intégrité physique, des carrières brisées, etc. Il serait particulièrement inique, dans de telles circonstances, que tous ne bénéficient pas de la même manière de la solidarité nationale. Et, plus encore, que certains doivent s'engager dans des procédures longues et complexes où ils se verraient obligés de démontrer, conformément au droit commun, la faute qui serait directement à l'origine de leurs préjudices, quand les fautes sont multiples et les injustices affreuses.

             Il serait tout aussi impensable que les victimes de la pandémie se voient opposer des barèmes plus ou moins dérisoires et se trouvent au final moins bien indemnisées que les victimes d'accidents de la circulation ou d'agressions.

           C'est pourquoi, avocat, j'en appelle à votre gouvernement pour que soit mis en place rapidement un système d'indemnisation simple, rapide et garantissant la prise en charge de l'ensemble des préjudices subis conformément au droit commun.

             Et plutôt que d'inventer une nouvelle procédure complexe ayant pour objet de compter les deniers publics, assurez nos concitoyens que la réparation de leurs préjudices sera simple et intégrale. À cet égard, je me permets de vous suggérer de vous inspirer de la loi du 17 décembre 2008 qui, dans l'affaire du sang contaminé, avait chargé l’ONIAM d’indemniser les victimes des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang, avec la création de l'article L 1221-14 du code de la santé publique. Une telle habilitation de l'ONIAM pourrait à l'évidence procéder de dispositions rapides et simples, sans perdre encore de longs mois à instaurer de nouvelles procédures.

            Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, vous n'ignorez rien des innombrables drames que la pandémie aura causés, aux quatre coins de la France. Les victimes ne demandent pas de décoration, ni d’honneurs. Elles ne se satisferont pas de simples mots de compassion. Elles exigent simplement la justice. Et la justice comporte la réparation intégrale de leurs préjudices. Sans tarder.

             Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, à l'assurance de ma considération respectueuse.

                                                                                     Pascal NAKACHE

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