Le débat sur la production et la consommation d'énergie, et plus spécifiquement sur l'avenir du nucléaire, s'est imposé dans les débats politiques depuis la catastrophe de Fukushima. Pour répondre aux enjeux économiques et sociaux de la politique énergétique de notre pays, ainsi qu'aux attentes et aux inquiétudes de nombreux citoyens qui veulent que leur sécurité soit préservée tout comme leur pouvoir d'achat, alors que les factures énergétiques des ménages ne cessent de s'alourdir, les candidats à l'élection présidentielle devront fixer un cap clair.
Certaines voix, à droite comme à gauche, s'élèvent d'ores et déjà pour poser ce débat en des termes qui me paraissent inappropriés. Ainsi, certains caricaturent une orientation pragmatique et responsable, à laquelle j'adhère, en la présentant comme un non choix, celui du "ni-ni", qui reviendrait à laisser la porte du nucléaire entrebaillée.
Or, dire qu'une politique énergétique responsable doit prendre en compte non seulement les risques du nucléaire, l'impact de sa domination sur le développement des autres énergies renouvelables, mais aussi ses avantages (en termes de compétitivité française, mais aussi de pouvoir d'achat des ménages), et les coûts sociaux et environnementaux associés à l'exploitation de toutes les autres sources d'énergie non renouvelables, qu'il s'agisse du pétrole comme du charbon, est-ce "biaiser", ou tenir un discours responsable? Assumer un engagement pour une vraie transition énergétique, reposant sur un investissement massif dans le développement des énergies renouvelables comme condition incontournable d'une réduction de l'ensemble des énergies non renouvelables, ce n'est pas une nouvelle façon de choisir la poursuite du nucléaire. Ce n'est pas céder aux lobbys et privilégier les intérêts économiques d'un secteur appelé à jouer un rôle de moins en moins important dans le mix énergétique français. C'est au contraire, considérer que si le nucléaire n'est pas une énergie d'avenir, il est économiquement et socialement juste de ne pas faire payer à notre économie et aux citoyens, surtout les plus pauvres, le prix des erreurs politiques passées, en engageant une transition trop brutale vers l'inconnu, sans avoir préalablement procédé à un dialogue impliquant l'ensemble des parties prenantes, et établi un diagnostic clair et partagé.
Si je suis de ceux qui appellent de leurs voeux des décisions claires et rapides, je ne crois pas que le contexte actuel, qui se prête trop aux manoeuvres et aux calculs à visée purement politicienne, et la précipitation de certains à faire inscrire dans les programmes des différents candidats des exigences qu'ils ont érigé comme des dogmes non-négociables, soient propices à des prises de décisions qui vont engager notre pays dans une transition énergétique qui aura des conséquences pour les décennies à venir.
Je crois donc qu'il est préférable de se fixer des objectifs clairs et fermes à moyen terme, qui nous permettent d'en considérer l'impact économique et social, quitte à les réévaluer à la hausse si des opportunités nouvelles apparaissent, et de se donner les moyens de les tenir, plutôt que basculer dans l'inconnu en faisant payer le prix d'une transition énergétique trop brutale à nos concitoyens.
Quels pourraient être, par exemple, ces objectifs? D'abord, un engagement ferme sur une réduction maîtrisée de la part du nucléaire dans le mix énergétique de notre pays, en anticipant ses effets afin d'être en mesure de garantir que cette réduction ne se traduise pas par une augmentation du coût de l'énergie. Ensuite, faire en sorte que 100% de l'énergie consommée par les ménages provenant d'énergie propres à un horizon de 10 ou 15 ans. Cela ne sera possible qu'en investissant massivement dans les énergies renouvelables et la recherche de modes de production d'énergie alternatives, et en instaurant des incitations suffisantes, pour les ménages, à réduire leur consommation énergétique. Mais de telles incitations ne doivent pas pénaliser les ménages les plus modestes.
Au delà des convictions, des engagements, voire des postures des uns et des autres, j'ai déjà proposé une méthode, des états généraux de l'énergie, qui me semble être la meilleure pour engager le débat nécessaire et attendu par tous sur l'avenir de l'énergie produite et consommée dans notre pays. Cette méthode se résume en trois mots: diagnostic, dialogue, et décision. C'est la voie incontournable pour engager une véritable transition énergétique, car des décisions précipitées pourraient être le pire remède au problème économique, social et environnemental auquel nous sommes confrontés.