Bordeaux, le Mercredi 9 septembre 2020
Les Bassins des Lumières, centre d’art numérique, ont pris place dans l’ancienne base sous-marine construite par l’occupant nazi lors de la guerre mondiale.
Actuellement jusqu’en janvier 2021 les oeuvres de Klimt et Klee, peintres dégénérés aux yeux vides et aveuglés des nazis, illuminent les espaces, mis en scène par un travail « d’exposition immersive ». On espère que leur présence nettoiera peu à peu les traces mémorielles de ces engins de bruit et de fureur qui se ravitaillaient là, avant de partir semer la mort sur les océans.
Intermède entre les deux projections des peintures de Klimt et de Klee, une autre exposition numérique met en valeur des images d’archives, le thème de l’architecture et des dorures de la Vienne impériale dans la seconde moitié du 19°. Occasion de projeter des façades, des plans, des lignes, des courbes qui tracés sur les murs et le sol créent un étonnant espace quadrillé, coloré d’or, comme une grande carte au trésor avec sa somme de pistes possibles à emprunter, petits chemins qui se devinent, se coupent et se recoupent.
« C’est pas un musée, c’est un terrain de jeu ! » s’écrie un petit garçon enthousiaste en se lançant dans l’aventure du parcours qu’il s’invente avec gourmandise. Et une petite dizaine d’enfants prennent sa suite. Plume légère, une petite fille de deux ou trois ans virevolte. Ensemble ils improvisent un ballet, courant, sautant, roulant au sol, riant aux éclats. Une poignée de secondes de beauté pure et intense. Une ronde joyeuse, un émouvant spectacle improvisé dans le spectacle.
C’est alors que l’ordre est arrivé. Appelé par quelques visiteurs « dérangés » l’ogre vigile est intervenu pour croquer les petits qui se sont dispersés au plus vite rompant la magie de l’instant. Malgré la musique et les effets lumineux, le béton a ressurgi, froid et lugubre, et je crois bien avoir entendu les ricanements des fantôme de quelques sous-mariniers.
Tu vois, petit gars, tu t’es trompé. Une ex base militaire reste un mausolée pour les morts vivants qui viennent en visite.
Chut . Tais toi. Ne bouge pas. Regarde les lumières mon amour. Contente toi d’être sage et gentil.
Les musées sont devenus des lieux aseptisés, confinés avant l’heure, prévisibles et feutrés où doit régner semble-t-il une ambiance silencieuse, studieuse, contrite comme dans les églises, ces vestiges d’un passé disparu qui sentent si fort aujourd’hui le rance, la mort et le salpêtre.
Quand pourra t’on, spontanément et sans risque, parler haut, rire et chanter dans les musées ?