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Billet de blog 16 octobre 2013

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LUCIAN FREUD

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

E S S U Y E R    L ' I N C A R N A T

L U C I A N    F R E U D

         On rencontre, c'est un fait, la peinture de Lucian Freud comme on essuie une tempête ! La montée lointaine en haute mer de grands vents qu'alourdissent  les lames de fonds mugît sourdement dans cette peinture d'appartement sans horizon.

         Ce qui vient c'est la vague blanche plombée qui comme une crème indurée oxyde la stridence animale des corps et instaure la végétation dans une lumière déhiscente. Quel fracas !

         Tout est cependant dans l'espace du tableau où l'éclat sourd a comme décanté. Cela tient à l'effroi de la présence. On pense au cul monstrueux de l'effraction des baigneuses du Courbet du Musée de Montpellier… Pénétrante d'espace végétal. Bras tendus poussant des troncs torves sous des feuillages  trouant le ciel: une clairière, comme une secousse. La peinture n'est que cela !

         Rembrandt savait déjà que "la chair est de la boue dont la lumière fait de l'or " mais ce Freud là, monte la pâte, par touches à la gravidité de la couleur.

Saisissante vision matiérante des corps et des lieux !

La lumière est tactile, comme physique. Elle vient très doucement comme une lente incarnation, Merleau Ponty, dans "l'œil et l'esprit' notait cette involution qui fait qu'on ne sait plus qui voit et qui est vu. A un moment, comme pour Cézanne, tout est là. Il avait fallu oser couvrir d'un peu de matière une toile dont le grain ne sera jamais recouvert. Décidément il faut trop de temps ! Freud le passe à gâcher, à broyer l'incarnat. Quelle vie ? Quelle vie pourtant !...

Essuyer les plâtres, je disais essuyer la tempête. Pour commencer.

Il y a un blanc. Une haute touche de blancheur qui prend les corps. Tout se tient car tout revient à la stupeur d'être là: Peint. Seulement… peint.

Ne pas se heurter à la crudité narrative ou à l'enferment de l'atelier. Juste sentir que ça peint. On pensait que l'histoire de la peinture consistait à porter la matière corporelle à la lumière, nous savons maintenant, même dans l'aversion que c'est la carnation de pâte qui est la chair du monde.

Son origine, sa chair, l'effroi. Quelle Jubilation !

Pascal VERRIER

13 mars 2010.

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