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Billet de blog 30 septembre 2010

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Rassemblement du Collectif vauclusien contre la xénophobie et le racisme d’Etat à Orange, le lundi 27 septembre 2010

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Répondant à l’appel du Collectif vauclusien contre la xénophobie et le racisme d’Etat, nous étions une quarantaine rassemblés devant la permanence du député Thierry Mariani, rapporteur du projet de loi Besson. Ce rassemblement avait une forte valeur symbolique.

Et c’est sans doute parce que nous étions conscients de la force de ce symbole que nous étions si sereins, conscients de la gravité de l’enjeu, et forts de nos convictions : nous étions sûrs de la justesse de notre action, sûrs d’être là, au bon endroit, au bon moment, devant la vitrine de Mariani, sur ses terres, sur celles de l’extrême-droite : le maire d’Orange, Jacques Bompard, est aujourd’hui à la tête de la Ligue du Sud, après avoir été membre du Front National, puis du mouvement de De Villiers. Ligue du Sud qu’il a créée en « clin d’œil » à la Ligue du Nord italienne… tout un programme… Programme dans lequel s’engouffre Thierry Mariani, à la pêche aux voix de l’extrême-droite. Oui, nous étions heureux de nous opposer au racisme et à la xénophobie là où ils prospèrent.

Nous étions là pour faire face au racisme d’Etat, faire face au rapporteur de cette haine/ième loi, au rapporteur de ce projet de loi déjà inacceptable, et pourtant encore amendé pour mettre en application le discours de Grenoble. Discours stigmatisant, au moment même où éclatait l’affaire Woerth-Bettencourt (E. Woerth, ministre du budget et trésorier de l’UMP ; L. Bettencourt, à la tête de L’Oréal, première fortune de France pour mémoire, affaire brassant des millions d’euros), discours stigmatisant donc, désignant ceux qui menaceraient notre société : qui donc ? Les « gens du voyage » bien sûr, et tous les gitans, tsiganes, roms, et autres métèques, tous ces étrangers trop basanés qui ne correspondent pas au prototype du « bon français » tel que voudrait le définir ce ministère délétère, normatif et excluant, situé à l’exact opposé des valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité dans lesquelles nous, citoyens français, nous nous reconnaissons : « Citoyens, citoyens, Tous ensemble ! Tous ensemble » Tous ensemble pour dire NON au racisme et à la xénophobie d’Etat qui gangrène notre société. NON à une politique qui désigne des boucs émissaires parmi les plus pauvres et les plus précaires d’entre nous tout en protégeant les plus nantis.

Un petit vent frais soufflait, quelques slogans lancés au mégaphone, repris en chœur, nous ont vite réchauffés. De l’autre côté de la rue, deux ou trois militants UMP nous observaient, un peu comme au spectacle (c’est vrai que ça n’arrive pas tous les jours, une manif de gauche à Orange !) L’un d’eux a lancé une remarque du style « qu’ils restent chez eux ». Quelques réponses ont fusé : « ils sont ici chez eux », « nous sommes chez nous »… et puis nous avons entonné notre refrain préféré : « Nous sommes tous des enfants d’immigrés ». Une dame hargneuse, tête basse et regard de biais est passée rapidement en marmonnant des insultes : « … racailles… »… elle s’est faite huée, et a poursuivi son chemin.

Plusieurs textes ont été lus :

- Un texte au nom du collectif

- Un pour le PCF

- Le recto du tract par moi-même, au nom de RESF/UCIJ

- Un autre d'une militante de la Cimade et d'Attac

Et ces paroles prononcées avec force et conviction ont résonné tout particulièrement dans les rues d’Orange, devant la permanence de Thierry Mariani dont le nom est encadré par le sigle de l’Assemblée Nationale. Assemblée où le lendemain nos députés, qui nous représentent (que nous avons élus pour nous représenter), débattront de ce projet de loi. Comment est-il possible qu’ils puissent accepter de voter un texte qui ne respecte pas l’égalité de tous les citoyens devant la loi ? Un texte qui permet d’expulser sans le contrôle du juge garant des libertés ? Un texte qui permet d’expulser des citoyens européens ? Un texte qui refuse de soigner les étrangers malades qui sont en France ? Et tant d’autres mesures absolument inacceptables... A quoi bon rallonger encore la durée d’enfermement ? Va-t-on construire encore de nouvelles prisons pour étrangers ?

Une lettre a été symboliquement déposée dans la boîte aux lettres du député. Par cette lettre, nous en appelons à sa conscience, et à sa responsabilité de parlementaire. Bien sûr nous n’avons aucune illusion : M. Mariani ne se sent pas du tout concerné, il a déclaré sur France Bleue que nous nous trompions d’adresse. Sans doute un trait d’humour.

En partant, nous avons aperçu un commerçant dans sa boutique, lui avons tendu un tract, il l’a pris, intéressé, alors nous lui en avons proposé d’autres, et il nous a fait un grand sourire : « je les mettrai à disposition des clients ». En signe d’au-revoir, il a levé la main formant le V de la Victoire J !

Sans doute devrions-nous venir plus souvent sur les terres de l’extrême-droite, pour dire haut et fort que nous ne sommes pas d’accord avec cette politique xénophobe.

Car même si nous ne sommes pas nombreux, nous exprimons ce que beaucoup ressentent sans oser le dire. Et les appels à la résistance doivent se multiplier. Partout.

Le texte lu au nom du Collectif :

Collectif vauclusien contre la xénophobie et le racisme d’Etat

Projet de loi Besson
« Immigration, Intégration et Nationalité »

Nous appelons les parlementaires à la responsabilité et à la conscience

Au moment où députés et bientôt sénateurs vont examiner le projet de loi « Immigration, Intégration et Nationalité », nous, organisations associatives, politiques et syndicales du collectif vauclusien contre la xénophobie et le racisme d’Etat, nous adressons à ces parlementaires un appel solennel à la réflexion.

Ce projet n’est pas, en effet, une réforme banale de la réglementation relative aux étrangers. Il s’agit d’un tournant à la faveur duquel la France instaure un régime d’exception qui relègue les étrangers - en situations régulière comme irrégulière -, ainsi que les Français d’origine étrangère dans une situation d’infériorité en matière d’égalité des êtres humains. Il s’agit, de ce fait, d’une rupture avec des principes et des valeurs, qu’on croyait intangibles, inscrits dans la Constitution et dans tous les textes internationaux qui, aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale, se sont efforcés d’interdire le racisme d’État.

Dans ces circonstances inquiétantes, nous appelons les parlementaires à une réflexion personnelle. Quelle que soit leur appartenance politique, veulent-ils vraiment d’une réforme qui ouvre la voie à de nombreuses discriminations fondées sur l’origine et remettent ainsi en cause certains des fondements de la démocratie et de la République ?

Nous attirons leur attention sur les points les plus intolérables du projet Besson :

  • Allongement de la durée de rétention accompagnée d’un affaiblissement considérable des pouvoirs de contrôle du juge judiciaire en vue de la multiplication des expulsions sommaires ;
  • Instauration d’un véritable « bannissement », sous forme d’« interdiction de retour » en Europe pendant deux à cinq ans, qui nie des droits fondamentaux comme le droit de vivre en famille ou le droit d’asile ;
  • Expulsion des Roms, citoyens européens stigmatisés selon une origine ethnique, pour lesquels la liberté de circulation devient une chimère ;
  • Refus d’accorder des titres de séjour aux étrangers malades présents en France, expulsés vers des pays où ils ne pourront être soignés.
  • Multiplication des possibilités de déchéance de la nationalité qui légitime l’idée qu’il existerait des Français de seconde zone, selon leur origine ;
  • Possibilité d’expulser des étrangers en situation régulière qui instaure un nouveau genre de « double peine » ;
  • Transformation de la totalité du territoire français en « zone d’attente » afin de pouvoir enfermer puis expulser tout groupe d’étrangers arrivant en France, y compris les demandeurs d’asile

Face à des dérapages d’une telle ampleur, nous exhortons les parlementaires à interroger leur conscience.

Fait à Orange, le 27 septembre 2010

Le collectif vauclusien contre la xénophobie et le racisme d’Etat.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.