Les multiples explications données par les médias, étrangers ou français, sur les raisons de l'indignation des français face aux images, au traitement judiciaire et médiatique de l'affaire DSK me font bondir, qui jamais ne formulent la raison fort simple de notre indignation : Avant même d'être jugé, il est châtié avec une violence inouïe, disproportionnée par rapport au mal qu'il aurait fait à sa victime présumée !
Je suis femme, opposée bien sûr à toutes les violences faites aux femmes, mais comme les femmes et les hommes qui m'entourent, quelque que soit leur sensibilité politique, ceci ne m'interdit pas d'être scandalisée. Peut importe qu'il s'agisse d'un homme politique renommé, il s'agit avant tout de l'idée que nous nous faisons de la justice. Qu'elle soit bafouée, pire encore que l'on nous donne le système américain en exemple, voilà ce qui nous stupéfie !
Je suis lasse d'entendre dire des conneries sur les français qui auraient plus d'égard vis à vis des puissants - rares il est vrai sont les américains qui savent que nous avons coupé la tête de notre roi - des conneries sur la tolérance des français vis à vis du sexe, des conneries sur le système judiciaire américain qui serait plus égalitaire.
« Des délits et des peines » , Voltaire, « l’affaire Calas » , Hugo, « Les derniers jours d’un condamné » , « Les misérables ». Depuis l’école primaire on nous en parle. Voilà ce qui a forgé notre conscience collective. La justice américaine ? Mais c’est Javert ! Ce qui démarque les deux systèmes c’est bien une question de culture, mais pas au niveau où les commentateurs la situe, ce qui les démarque c’est que l’un a abolit la peine de mort et l’autre non.
Nous avons ici la preuve que le système judiciaire américain n'est ni égalitaire ni juste : Accusatoire, cela signifie que la machine judiciaire ne se met en route que pour écraser le présumé coupable, si vous n'avez pas les moyens de vous payer avocats et détectives aucun élément à décharge ne sera examiné. Et prétendre, comme je l'ai entendu, que la justice américaine ne condamne que sur des preuves irréfutables est une ânerie, voir "12 hommes en colère" avec Henri Fonda, c'est bien comme chez nous sur leur intime conviction que les jurés doivent décider ou non de la condamnation à mort d'un homme, faute de preuve. Grands ou petits sont tous traités de la même manière : faux, il n'y a pas 15.000 caméras pour faire tourner en boucle à travers le monde les images de la honte, de la déchéance pour les petits. Humiliés, broyés, brisés plus sûrement que ne le serait un petit, châtiés avant même que leur culpabilité ne soit prouvée, voilà le sort des puissants. Vous la voyez où l'égalité ? Pire, cette parade, - car c'est bien ainsi qu'appelle les américains la mise en scène qui consiste à menotter le présumé coupable (et pas innocent) et à l'encadrer de policier bien voyants - est une punition pour quiconque refuse de plaider coupable, au passage pour réduire les coûts. Vous la voyez où la justice ? Ça a une odeur du procès des sorcières de Salem.
Un de mes amis américain, avocat d'affaires à Washington, a du siéger pendant plusieurs semaines en tant que juré. Devoir citoyen. Sa conclusion à la sortie "95% des crimes et délits ne sont pas jugés aux Etats-Unis". Le fameux '"plaider coupable" que Sarko rêve de nous imposer... pour faire des économies. Il ne faut pas s'étonner que le cinéma américain, reflet de la société, regorge de films où les héros font justice eux-mêmes. Citez moi un film, un livre français à succès qui aurait ce thème, aucun ne me vient spontanément à l'esprit. Et le travail d'apaisement, de pédagogie, de réconciliation, de reconstruction de la victime comme du coupable, il est où ?
Ce qui nous choque, nous français, et pas seulement "l'establishment" comme ils disent aux Etats-Unis, et pas seulement le parti socialiste, c'est que ce traitement est digne de l'Ancien Régime et contraire aux valeurs de notre République. Certes, la présumée victime mérite le respect, mais oui, Jacques Lang a raison, ce n'est pas un crime de sang, elle est respectée, elle n'est pas livrée à la curée, elle est même cachée, protégée, la justice américaine ne retient que ses accusations, la défense n'a pas droit d'accès au dossier avant la comparution, en d'autres termes pas droit à la parole avant le dernier moment. Sans nier la profondeur de la blessure d'une tentative de viol, voir d'un viol, elle n'en mourra pas, tout est mis en oeuvre pour qu'elle s'en remette, mais pour ce qui est de DSK sa vie est anéantie et je redoute à chaque instant que le prochain coup de tonnerre ne soit son suicide. Si ce n'est pas dans les prochaines heures ou les prochains jours parce qu'il est surveillé, ce sera plus tard, oublié dans sa prison. Risquer 74 ans de prison pour cela, 47 ans seulement peut-être parce que le procureur n'en demande pas plus. Vous la voyez où la justice ?
Ce qui choque les français c'est la violence et l'inégalité de traitement. Le seul point positif qui peut sortir de cette affaire c'est que les français prennent conscience que le juge d'instruction est le pilier de la République et que nous devons nous battre pour que sa disparition programmée, et hélas déjà engagée, n'ait pas lieu.
Quant à notre tolérance vis à vis des affaires de moeurs, je suis fière d'appartenir à un pays qui ne s'est pas préoccupé des amours de Mitterrand mais qui se serait indigné s'il n'avait pas assumer ses responsabilités vis à vis de sa fille "adultérine".
Je ne souhaitais pas que DSK soit candidat. Il n'en reste pas moins qu'il représentait la France sur le plan international, et là aussi j'eusse aimé que la violence américaine ne se soit pas déchaînée avant même que l'on sache si cet homme est coupable. Par respect aussi pour nous.La question n'est même pas de savoir s'il est coupable ou non, c'est à la justice de faire son travail, qui ne peut se faire réellement que dans la sérénité. C'est le châtiment qui précède le jugement qui me fait horreur. Je n'en excuse pas pour autant le viol, ni ne respecte pas moins la victime présumée. Marre aussi des féministes qui en oublie que notre idée de la justice est ici bafouée.