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Billet de blog 31 mai 2019

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Récréation incluse,

Je me suis appliquée à écrire –les profs disent ‘produire’ maintenant- ces quatre versions de la même demande, bien sûr totalement fictive, la demande, on respire ! avant de retourner illico à mes amours verbales,oui, amour est bien féminin au pluriel, et on en tire quelle conclusion ?... Voilà le travail :

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1) Message normal, peu pratiqué, en voie de disparition…

Chers collègues,

Comme moi, vous avez dû recevoir la convocation nous intimant l’obligation d’être présents à la journée de formation prévue par l’Inspection Générale, pour initier les enseignants à l’écriture inclusive et aux nouvelles règles de la grammaire française récemment promulguées.

Il me serait agréable de trouver une petite place dans un véhicule qui s’y rendrait. Le mien étant, malheureusement, en réparation.

Je vous remercie à l’avance pour vos gentilles propositions. Bien sûr, je participe aux frais.

Bien à vous,

 2) Message standard encore rédigé par les plus de 30 ans. Non dénué d’un brin d’humour- enseignant.

Cher(e)s collègues,

Je reçois, comme vous, une convocation pour la journée de formation à l’écriture inclusive, dorénavant obligatoire. J’ai un problème pour m’y rendre, ma voiture est au garage. Je ne doute pas qu’une âme généreuse* aura à cœur de me faire une petite place dans son véhicule. Je vous remercie de votre réponse.

Cordialement,

*comptez sur moi pour demander comment ‘âme généreuse’ pourrait ne pas afficher son appartenance exclusive au genre féminin !

 3) Message soumis aux injonctions idéologiques…. mais maniant (encore) la liberté de ton, seule individualité praticable, pour combien de temps ?

Cher-ère-s collègues,

Quelqu’un-e serait-il-elle assez sympa-e pour m’emmener à la Journée Pédago de Formation à l’écriture inclusive ? C’est obligatoire, même si les frais de déplacement et la bouffe n’est pas prise* en compte, comme d’hab. les professeur-e-s sont des vaches-bœufs** à lait.

*accord dorénavant selon la “proximité” dans la phrase. **là, j’ai un problème : l’expression ‘vache à lait’ ne pouvant représenter les collègues masculins, je la ‘virilise’ en la bovinisant, du coup, les bœufs donnent du lait ! mais non les collègues-hommes ne sont pas des bœufs !

 4) Message SMS, le plus pratiqué (l’usage des sms et autres raccourcis, étant encouragé par les nouveaux pédagogogues)

Salut !

Qqn pourrait me covoiturer pour la réunion pédago sur l’écriture inclusive ?

D’avance merci.

Cdt

Retour (fictif) de réunion (fictive). J’ai un problème, je n’ai pas tout compris. Voici l’entraînement pour être au niveau la prochaine fois (j’affiche ma mauvaise volonté en inclusivant des mots dorénavant interdits)  :

Ecrivez traduisez la phrase suivante en écriture inclusive. Cet exercice doit être sous peu soumis proposé aux élèves, filles et garçons-garçons et filles : les auteurs de romans policiers sont-ils des écrivains de théâtre qui s’ignorent ? certains personnages, leurs commissaires-vedettes, tenant leurs rôles comme de véritables acteurs. (comme d’habitude, on ne s’occupera  pas du sens de la phrase ; il n’y aura aucune sanction, note, évaluation).

Je propose : les auteur-e-s de romans policiers sont-il-elle-s des écrivain-e-s de théâtre…. Certain-e-s personnages, leur-e-s (seule solution pour inclure les filles !)commissaires vedettes’,  tenant leurs rôles comme de véritables act-eur-rice-s.

Ou,  faut-il écrire : les auteur-trice-s… ou, autrice-teur-s -pour que le masculin après nous avoir dominéEs ne se retrouve pas encore à la première place ! et pareil pour actrice-teur-s ? et le pluriel, faut-il le mettre à la fin, pour les deux ? ou à chaque proposition  pour ne pas, même au pluriel, mélanger les femmes et les hommes (j’ai bon là ?) ce qui fait, par exemple : actrice-s-teur-s ?

Après bien des sueurs froides -la peur des remontrances et des jugements moraux est aujourd'hui une réalité- voici mon résultat définitif jusqu’à la prochaine réunion de formation :

 Les auteur-e-s de romans policiers sont-il-s-elle-s des écrivains-e-s de théâtre ? Certain-e-s personnages, leur-e-s commissaires-vedettes, tenant leurs rôles comme de véritables acteur-trice-s.

accompagné de mon commentaire, un brin ironique, (refusé par les agent-e-s de formation) : ceci est encore loin de satisfaire aux exigences de la revanche féministe touzazimuts (qui rime avec Belzébuth), étant donné que les marques du féminin sont la plupart du temps indiquées en seconde option ! il va falloir exiger que tout mot féminin ou féminisé d’office, soit placé avant  tout mot masculin. Pour le neutre, circulez, y’a rien à voir….

Codicille.  Juste pour trouver une place à ce joli mot affreusement passé de mode, sauf chez mon notaire (qui refuse que je l’appelle Maîtresse) : je lisais, hier dans la presse et au hasard : Les Sud-Coréens sont partagés sur l’attitude de Trump etc…  Faudra-t-il écrire dorénavant et systématiquement : les Sud-Coréen-ne-s sont partagé-e-s etc…

Enfin, si l’accord suit la règle de proximité comme certain-e-s l’exigent, la phrase, Jean et Marie sont venue est-elle maintenant correcte [mais en affichant Marie après des siècles de domination, j’exclus Jean qui se la ferme pour le moment ; ou Jean et Marie sont venu-e-s? Ou demander à Marie et à Jean de ne plus venir ensemble ?

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