Bon, d'habitude, on les fait pour le premier de l'an, alors pourquoi le 8 mai?
C'est que c'est tombé tout seul, le matin, en ouvrant les yeux, les chiffres se sont alignés et cling! C'est sorti.
Peut-être que l'on peut penser en arrière, en arrière-plan, s'entend, derrière l'écran du quotidien ; la machine à ressortir ce qui est important tourne toujours, vroum-vroum, les synapses se connectent, les goûts ou les rejets se tamponnent pour former quelque chose de plus cohérent.
Alors, on saisit...
Le maëlstrom habituel se calme un instant et nous sort un point parfait, un bilan, utile pour celles et ceux qui en ont une claire envie.
Envie...
On a normalement envie d'un tas de choses, plus ou moins avouables, c'est une question de morale sociale, la morale personnelle devrait tout autoriser.
J'ai perdu l'envie lentement, en même temps que tout semblait s'effacer, du moins tout ce à quoi je croyais, ce à quoi je tenais.
Il a fallu commencer par le début pour survivre à l'opération.
Oh! Quelqu'un ou quelqu'une pourrait penser que l'emploi du mot survivre est fort, et pourtant, on parle bien de continuer à respirer, malgré l'agonie véritable qui se déroule, alors que l'on n'en n'est conscient vraiment qu'au moment de disparaître.
Les jours, puis les mois ont défilé, puis d'un seul coup, effaré, on réalise qu'il s'agit d'années.
Comment peut-on passer des années à tourner en rond, sans se trouver entre les quatre murs d'une prison?
C'est que les cellules ne sont pas forcément gardées par des matons sadiques ou bienveillants, on se fait soi-même le forgeron de chaînes plus solides que n'importe quelle camisole infligée par l'adversité.
Que s'est-il passé?
Je n'en sais rien, soyons honnêtes, une réinitialisation du logiciel d'une vie, peut-être, ou bien le passage de l'un de ces noeuds du bambou tel qu'aime à l'évoquer la Chine qui fascine... Le noeud était trop épais pour se trouver avalé sans un déglutissement qui manque d'étrangler.
Ceci dit, j'ai appris quand même des choses étranges et dérangeantes, du périphérique autour d'un siphon qui aspirait la futilité d'une existence insensée, les débris s'entrechoquaient... Il est bon de garder le sens de l'observation, on reconnaît ici un angle et là un rond, une bosse qui fait une silhouette que l'on pourra nommer, sinon identifier.
Bon, j'ai eu de la chance. C'est que j'étais formé à questionner, d'abord le monde, puis les gens, enfin l'individu que j'étais certain d'habiter. Mais les questions ne servent pas à grand chose de plus que remplir les trous d'une réalité que l'on prétend conformer à la vision qui plaît. On désapprend facilement l'interrogation quand l'envie se dissout dans la vanité des causes et des effets.
Alors viennent les réponses.
Je ne peux pas dire tout ici, bien que ce soit certainement intéressant à moment donné, pour quelques esprits qui aimeraient se retrouver, seulement le risque est sévère d'envoyer trop d'autres sur des voies qui ne leur feraient que très peu de bien, pour beaucoup de difficultés. On doit d'abord marcher avec ses jambes et sur ses pieds.
Cependant, j'aimerais vous donner une image, née d'une journée particulière, quand la conscience de remonter s'est précisée.
Chaque extrémité des branches d'un arbre est tirée vers la lumière et la croissance, par la naissance d'un bourgeon, ainsi apparaît une feuille, le bois croît et ailleurs un fruit apparaît, après une autre feuille. C'est ainsi de toutes les branches de la forêt de la vie, les feuilles arrivent les unes après les autres, naissent, vivent et se développent en donnant à l'ensemble la possibilité de grandir dans l'harmonie.
Un jour la feuille se déssèche, puis finit par tomber.
Selon les conditions de sa destinée, vent, pluie, sècheresse, ou bien la chenille vorace.
Regardez derrière vous, la longue lignée qui s'est dépassée, pour vous faire le dernier représentant d'une arborescence multimillénaire.
Soyez petit hérisson, grenouille au bord de la mare ou bien l'oie sauvage qui sent le givre sur ses ailles, tellement elle peut voler haut dans le ciel...
Un animal totem vous inspirera peut-être.
Soyez l'herbe fine des cîmes, l'iris charnu ou la jonquille solaire, soyez l'éphémère fleur du cerisier, ou l'une des flamboyances de l'amandier aux branches torturées de lourdes promesses.
Vous êtes l'extrémité, la fin et le début de trop qui vous dépasse
On est bien, sur un pont, à regarder l'eau s'écouler.
Rien ne vous force à vous baigner.
Vous avez tant de choses à faire.
8 mai 2014.