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Billet de blog 22 novembre 2014

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Le mythe de la 6 ème république

Le bon peuple pense et imagine individuellement, dans le même temps où il rumine collectivement, le mortier des fondations de sa maison.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le bon peuple pense et imagine individuellement, dans le même temps où il rumine collectivement, le mortier des fondations de sa maison.

Cristallisant littéralement ses ambitions et ses rejets, il façonne brique après brique, la société. Elle s'organise pour abriter et retenir à l'intérieur d'une enceinte de lois, de coutumes et de routines éprouvées, le développement de chacune et chacun, avec ou contre, mais relié ou liés. Le monde se fait ensemble, quoi qu'il se passe, à l'arrivée de la destinée.

L'humain, on le sait, vit son histoire sans la penser, à l'instant où elle l'étreint. Le décalé obligé entre les évènements et les leçons que l'on en tirera prend du temps, il produit de toute façon une conclusion qui correspond moins à la réalité qu'à des aspirations, anciennes qui disparaissent avec leurs conditions, - nouvelles, elles dessinent déjà les lendemains.

L'image perçue, induit le jugement, elle conviendra simplement à donner aux actions le sens qui paraît nécessaire.

On l'appelle légitimité.

Si l'on considère froidement le capitalisme, le mythe qui le porte, aussi puissant que l'injonction du sacré qui courbe tant d'êtres devant les divinités, donne la réussite et le mérite individuel pour les moteurs du genre humain.

Le milliardaire fait exemple pour ses valets, qui ne rêvent que de l'imiter, retraites chapeaux mirifiques, luxe inouï, puissance indicible, les valets des grands participent à les soutenir, portés par le goût de leur ressembler.

L'enracinement de l'idée traverse toutes les couches de la société, comme une épine dorsale qui s'assouplit aux réussites exemplaires, se renforce de muscles à l'aune des gains inimaginables de quelques uns, qui doublent leurs voisins, grâce à ce qu'on croit de la chance dans la course vers les sommets économiques et financiers, mais c'est un ordre particulier prévu et prévisible.

Chacun peut réussir, voilà le mythe capitaliste, qui ignore soigneusement que d'autres n'ont plus depuis très longtemps ni l'envie, ni l'obligation de participer à la religion de la promotion par la lutte personnelle.

Tout est joué dès la naissance, à 99%, pour 99% des gens, on sait qui va gagner et qui restera derrière, voire disparaitra dans les caniveaux de l'exploitation. Le 1% restera toujours aux commandes.

Le socialisme est une idée qui soutient que la réussite s'établit collectivement, autour de l'égalité et de la solidarité.

Un autre mythe, aussi puissant que le premier, qui porte en avant les facettes particulièrement bien éclairées du meilleur de l'âme humaine, quand elle se tourne vers les victimes des systèmes de l'exploitation, que nous construisons obligatoirement.

La grandeur personnelle est présente autrement, au service du collectif, le mythe du héros fonctionne encore aussi bien qu'il fait marcher le capitalisme.

Il se tourne vers la stabilité et la prospérité du groupe, son action moralement légitimée par le progrès, la loi de la prépondérance du bien-être du grand nombre, au nom de la raison et de la morale de la défense des faibles. Il reste présent, au gré des ans et des changements de l'équilibre des forces, bien qu'à ce jour, ses valeurs soient en révolution.

Les leaders connaissent la force et l'efficacité des mythes.

Ils donnent une vision, une foi, ils font de chacun l'artisan du changement, une fois réunis autour d'un but élevé, qui dépasse l'individu et se sublime dans le groupe, si ce n'est tendu vers l'idéal mythique, au moins dirigé.

Une symbolique sommaire suffit à déclencher des leviers qui basculent le monde et les sociétés.

En France, le sentiment républicain a ouvert au monde une lumière qu'il attendait. Les valeurs de la Révolution ont mêlé et ordonné des idées et leurs morales, ensemençant partout l'imaginaire  qui a produit d'abord en Europe, puis ailleurs, la démocratie moderne. Dans le pays, elle a pris une forme à part, liée à la géographie et à l'histoire des populations, la république nationale, creuset de différences phénoménales, mais mythe unificateur survolant les derniers siècles.

Devant la situation des idéologies, aujourd'hui, et la domination totale du mythe capitaliste, pour le camp de celles et ceux qui veulent du changement, et promouvoir sinon l'anti-capitalisme, au moins la restriction des méfaits du néo-libéralisme, le mythe socialiste étant désormais bien moins partagé, on doit regarder ceux qui restent à disposition. Ils sont des armes dont la contestation ne peut ni ne doit se priver.

Le mythe révolutionnaire a fonctionné partout, appuyé sur la violence et l'élimination physique des adversaires, aujourd'hui il ne peut renverser l'ordre établi.

Par contre, la république, son imaginaire de lois égales pour tous, sa justice impartiale et son ordre parfait, peut effectivement faire beaucoup.

On peut y aspirer sans abandonner d'autres mythes aussi structurant et fondateurs des moteurs de l'âme individuelle et collective.

Elle ne se réalisera jamais, on le sait, au moment même de son installation, la vie et les hommes en feront autre chose que ce qu'ils disent ou ont pensé.

Mais on n'a pas d'autres moyens, aussi définitifs et efficaces que de s'y rallier.

L'avenir est toujours rêvé.

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