Toute cette comédie à propos de dieudonné me donne envie d'écrire ce billet, en forme de nostalgie, d'abord, sur une vie qui s'est passée jusqu'ici à apprendre, plus ou moins bien, mais enfin, il reste quelque chose.
Ma rencontre personnelle avec les juifs ne s'est pas produite dans la réalité, j'ignorais alors, en dehors du catéchisme, ce que le mot juif pouvait bien signifier.
Non, c'est par la littérature que, tout gamin, je tombai sur un bouquin dont encore aujourd'hui je chéris le souvenir, un grand, un beau roman dont le titre parle assez bien à lui seul, Exodus.
Ensuite les cours d'histoire au collège, la découverte, dans la consternation - quand on est gosse, heureusement, on n'imagine pas encore ce que la réalité peut dépasser l'imagination- dans l'effarement et la stupéfaction, de l'existence des camps de la mort.
A l'époque, je m'en souviens comme si c'était hier, on accolait à l'horreur, une autre, celle d'Oradour.
Sans imaginer que le théâtre de la sauvagerie, qui avait pris pour scène un petit village français, n'avait été qu'une représentation sans importance, un détail , pour des forces nazies dont le massacre et l'extermination faisaient partie du quotidien, beaucoup plus loin à l'est, dans les steppes de Russie.
Je crois qu'on est alors vacciné, plus jamais ensuite, on ne peut regarder une croix gammée, sans sentir ses poings se serrer.
Je n'ai jamais confondu l'Etat d'Israël, par la suite, avec ce qui ferait ou non, le peuple juif.
Entendons-nous, lorsque l'on débarque de l'Exodus, ce qui se produit ensuite dans la vie de l'immigrant qui a tout perdu, comme tous ceux que la vie a jeté dans l'insécurité et le dénuement, sur les routes de l'exil, fait un destin. Il doit survivre.
Et l'idée d'avoir un pays à soi, est plus qu'acceptable.
Surtout si l'on a, tatoué dans le coeur comme d'autres l'avaient sur le bras, cette judéité dont il fallait effacer à la fois l'humiliation et la souffrance, nées d'une catastrophe mondiale et de la folie sanguinaire, que se plaît à vivre régulièrement l'humanité.
Aujourd'hui, les choses ont changé, un Etat s'est fondé, il est devenu oppresseur, ce n'est pas parce qu'il serait juif, c'est parce qu'il est militariste, est-ce par force, est-ce par choix?
Ce n'est pas le lieu d'en discuter ici. Et les juifs de partout ailleurs, comme ceux qui vivent en Israël, n'ont pas à porter de faute particulière, en dehors des responsables qui prennent les décisions génératrices d'horreur.
Exactement comme j'estime que les Allemands n'ont pas tous à porter le poids de la barbarie nazie, si l'on peut se permettre ce type de comparaison bien exagérée, évidemment.
Où en serais-je aujourd'hui, de mon rapport avec les juifs? C'est assez bête, finalement, beaucoup de romans, d'extraordinaires chercheurs, une foule d'artistes.
Dans la variété, on peut adorer Goldman, sans renier Sardou ou Thiefaine. Dans les arts, la culture et le savoir, la personnalité des uns et des autres, qu'a-t-on à en faire, si le génie est au rendez-vous? En France tant de juifs m'ont fait rire sur la destinée particulière de leur communauté, ou vibrer tant de fois...
Si je devais faire le compte d'hommes et de femmes de ce que je considère le sommet de l'espèce humaine, nombre d'entre eux sont juifs. C'était important pour eux, peut-être ou pas, c'est sans importance pour moi, en dehors de les situer dans une culture communautaire qui a produit quand même un patrimoine que l'humanité ne peut que saisir à plein bras, en remerciant la vie de nous l'avoir donné.
C'est ainsi, j'appartiens moi-même à une, voire plusieurs communautés, suivant où l'on veut se placer.
Peu importe, celle qui compte comme je me plais à m'en rappeler, est unique, elle est la plus ancienne et la plus vénérable, elle a souffert ce que toutes les autres ont souffert, elle a vécu ce que toutes les autres ont vécu, et c'est à nous, qui sommes un peu éclairés sur un sens du monde qui colle à la paix et à la liberté, de continuer à lui donner la primauté.
Je veux parler de la si jeune et si vieille humanité.