Faire la gueule oui, mais avec du style !

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En France, on ne fait pas la gueule comme les autres. Non, nous, on a du style, de la classe. On cultive une tronche de cake, un soupçon d' insatisfaction permanente. C’est un peu comme porter un béret et une baguette sous le bras, sauf que le béret, c’est un froncement de sourcils, et la baguette, c’est un doux chuintement. Quand au cynisme de bon ton, on n'en parle même pas tant il fait des ravages. "Tu fais la gueule ?" Non ! "Ben alors qu'est-ce que ça doit être quand tu la fais vraiment !"
En France, râler, c’est presque un droit constitutionnel. Si on ne peut plus se plaindre, on ne sait plus vraiment qui on est. Le Français se plaint par principe, comme une sorte de revendication existentielle. Que ce soit parce qu'il pleut trop, qu'il fait trop chaud, que ça pue les aisselles purulentes dans le métro, ou que le petit personnel politique est médiocre. Dieu sait qu'il y a toujours une bonne raison (non il ne sait pas car il n'existe pas).
Mais faire la gueule ne permet pas de conserver son énergie. Plus de gueule égale plus de rides ! Vous avez vu la gueule de certains philosophes français ? C’est ce qu’on appelle le "délissage par scepticisme". À force de froncer les sourcils et de maudire la racaille des banlieues, on fait vieux ! (le cerveaux n'est pas non plus épargné).
Faire la gueule, c’est souvent le signe qu’on réfléchit beaucoup. C’est vrai. Le Français moyen ne peut pas sourire bêtement pendant qu’il pense à des sujets aussi profonds que la réforme des retraites, le prix de l’essence ou le prochain discours d'Emmanuel Macron. Donc, faire la gueule, c’est réfléchir à son avenir et comme d'avenir il n'y en a pas plus que de beurre en broche au Macronistan. Réfléchir, c’est forcément être moins con que la moyenne. CQFD.
Vous avez déjà vu Michel Barnier sourire à la télé ? Ou Darmanin en pleine rigolade ? Non, ces grandes figures françaises ont montré la voie : sérieux, racisme, morosité, ordre (l'opium des faibles) et un certain air renfrogné qui ne sont ni synonymes de profondeur ni de charisme (au bal du diable). En France, sourire trop souvent pourrait même vous faire passer pour un dangereux terroriste.
Si tu veux comprendre le phénomène, monte dans un métro parisien un lundi matin. Si tu n'es pas parisien, bien fait pour toi ! Tu ne sauras pas que c'est comme une procession religieuse du mécontentement assumé. Personne ne se parle, personne ne se sourit, tout le monde fixe le néant de son smartphone avec une émouvante intensité. C’est presque du Béjart, sans le collant moule burnes.
Bien sûr, que je fais la gueule moi aussi, mais pas en permanence, c'est trop dur. En fait, j'adore râler, mais souvent c’est juste un prétexte pour me donner une contenance. Faire la gueule, c’est un peu ma posture de kung-fu avant de passer à la clé de bras: déconner et montrer que je suis cet être merveilleux et sensible que tu vas aimer détester si tu es trop de droite.
Est-ce que faire la gueule est un must de la coolitude en France ? Sans doute que non, mais c’est surtout une façon de vivre et d’exprimer un état d’esprit plutôt pessimiste et pas vraiment constructif. Mais attention, sous cette façade renfrognée du mec ou de la nana qui vous ignore, le Français cache souvent un cœur sympa, joyeux et un humour approximatif. Faut juste faire le premier pas. Comme dirait un vieux dicton Charentais : "Gueule au tison, pâques aux rabanes".
Voilà, c’est tout pour aujourd'hui !
N'oubliez pas de vous enfermer aux cabinets si vous ressentez le besoin de faire la gueule.

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"qui aurait pu prévoir que les français feraient la gueule !"
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