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Billet de blog 27 mars 2016

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TRAVAILLER POÈME

Le travail, tout un poème, poèmes 1983-2012, suivi de Gloses sur une indisposition au travail

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TRAVAILLER POÈME, compilation de poèmes 1983-2012

Postface / Diagonale d'un fou et de ses échecs

« Jamais je ne travaillerai » Arthur RIMBAUD

Premier livre de poèmes choisis (1). Chemin de traverse, diagonale du fou et de mes échecs - fou m'enfermer dans le travail, fou salarié, fou dans l'État, décennies durant y "gagner ma vie" – échec y perdre mon temps, échec y rester, échec n'en changer rien. Au bout, à bout, plus de tabou, mémoire. Trace. Poèmes. Quotidiens plus que d'autres sont pesants de politique, de théorie (2), de poétique, ou plus légers d'intention, amusement.(3)

Un dit du travail, des transports, d'environs. Bureau, métro, domicile (4). Du surréalisme et autres isthmes d'avant-gardes, vingt ans et plus à rejouer la poésie française, des grands rhétoriqueurs au rap... classique, lyrique, épique, fumiste (5)... Traversant des formes, déréglant des règles, taillant sur mesure, décousant le prêt-à-porter, déchirant mes livres de comptes (6), déridant mes rimes, déchantant mon chant... j'ai calibré mes vers, dévergondé mon vocabulaire en nouveau riche de sa pauvreté.

« Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas
que c'est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron ?
»
Jacques PRÉVERT

Ces poèmes doivent quelque chose à ceux qui m'ont rendu la vie au travail plus facile ou plus fraternelle; à d'autres, qui d'angoisse, qui de menaces, l'ont allourdie. Tous alimentaient pour le meilleur le pire mon conflit du travail, porté que je fus à le provoquer, sans souci trop du comment, des commentaires, des conséquences, conflit de nécessité invisible, indisible, inaccessible, conflit dérisoire, sans complice et perdu d'avance. Provoquant des situations, ma vie professionnelle fut tout sauf un art de la prudence (7). Metteur en scène fou de mes raisons mêmes, gentil à plaisir, méchant sans loisir. C'est qu'à garder mes pensées rentrées, je serais mort couché dans ce lit de beaux draps sans un pli. Ces poèmes furent l'opium de mon impuissance face à l'aliénation par le fonctionnariat. Les gloses qui suivent donneront un aperçu prosaïque de cette relation au travail.

« Dès qu'il n'existe pas de contrainte physique ou autre, le travail est fui comme la peste. » Karl MARX

La réalité, j'aurai voulu la vivre selon sa structure contre ses apparences, au milieu desquelles se meuvent la plupart (8). Je le savais idéaliste. Tant pis. Quoi d'autre ? Mais à pari de rêve, difficiles réveils. Étrange poétique de la relation (9). Foin de concert station. Loin même de conserve. Décalé des rôles. Allergique aux codes. Intenable aux ordres. Ingérable. C'est qu'avant même de travailler, l'époque l'appelait, je tenais le travail pour lieu privilégié d'un affrontement, et pour nécessaire, plus que la résistance, l'initiative contre son idéologie du temps sous toutes figures, jusqu'aux moins suspectes, jusqu'à mettre un nez rouge aux miennes. L'idée que j'en avais changeait. Ma compréhension se théorisait. Décomptant le nôtre, l'ennemi fait son temps. Il se paye du nôtre, il en sera défait. Ne remettons pas à demain ce conflit d'aujourd'hui. Fuyons si nécessaire, stratagème bien compris d'une guerre sociale (10), fut-elle individuelle en vain. Vraie guerre plutôt que fausse paix, vraie défaite que fausse victoire. Tout cela chambardait mes poèmes, avec le temps.

« L’amour du travail bien fait et le goût de la promotion dans le travail sont aujourd’hui la marque indélébile de la veulerie et de la soumission la plus stupide. » Raoul VANEIGEM

Avec le temps, ceux que j'ai aimés, tant que méprisés d'autres, me sont ensemble devenus  insupportables par la réciprocité de leurs rôles dans ce rapport social du travail pour l'État, à prétexte de service public. Avec en partage un illétriste langage de ce temps. Par ordre, sic, alphabétique : autorisation, avancement, avertissement, blâme, bonification, carrière, catégories, chef de, collaborateurs, communication, compétence, convivial, corps, devoir, dialogue social, discipline, droit, durable (administration), dysfonctionnements, économies, évaluation, faute, galette des rois, gestion, grade, hiérarchique (supérieur ou voie -), horaires, je comprends votre amertume, management, manière de servir, mérite, mobilité, notation, obéissance, obligation (de réserve), parité, pointeuse, porte (ma - est toujours ouverte), promotion, primes, salaire, sanction, savoir-être, service, servitude, sous-chef de, sous couvert de, sympa, suicide, syndicalisme, transparence, urgent, ttu... Turlututu ! Qu'un dictionnaire propose, de cette liste, les contraires. Ce serait un vocabulaire de salubrité publique, un nouveau Que faire ? Une seule solution, le ménage ! Chapeau pointu, cette sourde lâcheté dès qu'il s'agit, pour simplifier, de choisir son camp. Car la plupart des "gens", des "agents" (sic), manquent moins qu'on en doute de "conscience de classe" - l'idéologie du service public est confortable, elle conforte la bonne conscience interclassiste d'habitudes que rien ne secoue. Secouons.

« L’esclavage humain a atteint son point culminant à notre époque sous forme de travail librement salarié. » George BERNARD SHAW

Le travail salarié est aliénation en essence et naissance de l'aliénation. Hors le salaire, les satisfactions qu’on en tire aveuglent sur sa nature acceptée comme normalité sociale, déshistorisée, atemporelle. Mieux que mes positions politiques, attardées, l'intuition, recoupée du quotidien, en nourrissait la conviction théorique (11). Elle habite ma production poétique, comme ce Blues du turbin, de 1983, qui ouvre la sélection, ou, dans les années 80, ma musique d'avant ces poèmes, avec des compositions nommées Saint-Germain l'angoisse, Paris-Auster'Blues... Sorties autorisées.

« Le travail est l’opium du peuple… Je ne veux pas mourir drogué. » Boris VIAN

En quittant ceux à qui j'ai ressemblé décennies durant, je leur offre ce livre pour, selon, leur faire violence à plaisir ou plaisir sans violence. Amours et haines ? Sans doute. Et nos peurs en partage. Car sans la mienne veulerie, j'aurais survécu autrement et ailleurs, plus mal ou mieux, mais loin d'eux. Autres lieux, autres poèmes. Du reste, n'aurais-je jamais travaillé que pour faire ces poèmes, et de ces poèmes, une geste ? (12)

« Ne travaillez jamais !» Guy DEBORD

(1) Depuis l'ouverture de mon site en 2004, mes poèmes y sont publiés aussitôt qu'écrits, voire en cours d'écriture. 
(2) Pour le contexte des poèmes, j'adhère à 20 ans en 1971 au PCF que je quitte en 1989, à la CGT en 1975 dont je sors en 1997 pour fonder un syndicat SUD, aussitôt interdit... J'embrasse les théories de la communisation début 2005, année des émeutes françaises en novembre, avant le printemps 2006 anti-CPE...
(3) J'évite ici de parler de "poèmes d'amour". Ils sont de Livredel la colonne vertébrale, comme de toute œuvre poétique... L'idéal surréaliste de marier l'art, l'amour et la révolution est immortel.
(4) La Défense ('Ailleurs'), RER A, Fontenay-sous-Bois ('Fosobo')
(5) Voir, fin 19ème siècle, les poètes fumistes, autour du Chat noir, Cros, Laforgue, Allais, Jarry... "Rimbaud, fumiste réussi"... Cf La fille d'un fumiste, dans Crise en vers
(6) Les 7 premiers Livres de Livredel sont entièrement construits sur 7 et 12.
(7) Baltasar Gracian, L'art de la prudence, ou l'Homme de cour, 1646
(8) Karl Marx, Le Capital III, Le procès d'ensemble de la production capitaliste, Chapitre XLVIII : La formule tripartite
(9) Édouard Glissant, Poétique de la relation, Gallimard 1990
(10) La fuite est le meilleur des 36 stratagèmes, dans l'Art de la guerre, de Sun Tzu, début du Vème siècle av. J.-C.
(11) On trouvera en fin de livre un choix de textes sur l'anti-travail, en tant qu'il participe de la lutte de classes, pour abolir le capital et l'État, et de la lutte de chaque individu pour l'émancipation de tous. C'est le stade auquel m'aura limité mon expérience professionnelle dans l'administration.
(12) La geste est "un cycle de poèmes épiques racontant ensemble des aventures d'un héros" et par extension "un récit à la gloire de quelqu’un, d’un ensemble de personnes, d’un peuple, etc." (Wikipédia). Je laisse donc apprécier dans quelle mesure la présente geste serait auto-glorification (Otto Rank, l'Art et l'artiste, 1929). J'entends encore geste comme oeuvre-sujet, dans le sens où Henri Meschonnic affirme « Il y a poème seulement si une forme de vie transforme une forme de langage et si réciproquement une forme de langage transforme une forme de vie. ». Debord n'a jamais travaillé, et mis la révolution au service de la poésie (Vincent Kaufmann, 2001). Vacciné de ce dernier romantisme, j'aurai toujours travaillé, à la poésie d'un service (public) contre-révolutionnaire.

Note sur la présentation des poèmes

Pour chaque poème, j'ai indiqué la date et l'origine dans Livredel afin de le situer  parmi d'autres de la même période. J'ai supprimé les images, pour une simplicité d'édition. J'ai gardé certains commentaires, considérant qu'il n'y a pas à créer de mystère plus que n'en produit par lui-même le langage poétique. Les citations voire les titres tantôt éclairent la lecture, tantôt la troublent, en contrepoint.

Sommaire

Le travail, tout un poème, poèmes

Gloses sur une indisposition au travail

"Anti-travail" et communisation, bibliographie sélective

Postface / Diagonale d'un fou et de ses échecs

ici dédié à tous les malheureux du travail, avec ou sans,
à tous les morts du travail, aux salariés sales en rien,
ici aux petites mains de Médiapart

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