Sur un blog littéraire, j'avais demandé qu'on me cite un auteur français vivant écrivant mieux qu'un autre auteur qui me semble écrire mieux que personne. Aimable réponse :
En réponse à la question de Patrice Charoulet :
Connaissez-vous Claude Louis-Combet ? Du Sens de l’absence vient d’être réédité (en mars de cette année), on le trouve peut-être encore dans les bonnes librairies : vous pourriez en lire quelques pages.
Un peu moins âgée, Danielle Mémoire (ouvrages les plus récents : Quelque Membre de notre Cercle ; Noms, prénoms titres et sobriquets).
À la génération suivante, Pierre Lafargue (La Fureur, Le Jeu de la bague, La grande épaule portugaise, etc.) Attention : ses livres sont la preuve que le grand style n’interdit pas une fantaisie débridée.
Ces deux-là ont certainement beaucoup lu Saint-Simon (le mémorialiste).
Moins déconcertant, d’une lecture plus facile, L’Ange incliné (roman) de Pierre Mari — dont l’essai En pays défait me semble tout à fait remarquable (et remarquablement d’actualité).
Reste évidemment à savoir ce que vous entendez par « bien écrire » — une sorte d’hypercorrection non fautive, un registre invariablement soutenu, tel ou tel fait de style fétiche ? De la « copie d’ancien » comme en ébénisterie ?
Certains se pâment mécaniquement en présence d’imparfaits du subjonctif ou de phrases longues (auxquels je ne suis ni allergique ni insensible), et s’en contentent — d’où quelques réputations assez facilement usurpées. Tout faiseur habile et un tant soit peu cultivé passe auprès d’eux pour « grand écrivain », « merveilleux styliste ».
Cette superficialité de jugement se trouve d’ailleurs souvent conjuguée à une très grande frilosité vis-à-vis de toute forme d’expérimentation et de renouvellement des procédés d’écriture ou de construction des textes.
Or il y a plus d’une tradition, plus d’un « héritage » à défendre ; ceux de Rabelais mais aussi du 18ème siècle (Diderot, inspiré par Laurence Sterne) se retrouvent, entre autres, dans les extraordinaires romans et essais de Pierre Senges — d’une verve, d’une inventivité, d’une intelligence jamais démenties (j’ai une prédilection pour Fragments de Lichtenberg). Prose non pas drapée dans le marbre (trop d’énergie pour cela), mais tout à fait « tenue » (grandes richesse lexicale et variété de tours). Et beaucoup d’humour, ce qui ne gâte rien.
Je m’aperçois que j’ai oublié Jean-Loup Trassard, ou Judith Schlanger (philosophe dont l’écriture m’enchante).
Et Florence Delay ? L’Insuccès de la Fête, quelle merveille.
Anne Serre, peut-être.