La balance des paiements retrace l'ensemble des transactions entre les résidents d'une économie et les non-résidents au cours d'une période donnée avec plusieurs catégories de flux :
* les transactions courantes portant sur les biens (la balance commerciale), les services (transports, voyage, communication, assurance, services financiers, culturels…), les revenus (salaires, profits…)
* les achats ou ventes d'actifs non financiers comme les brevets (inscription au compte de capital)
* au compte financier, les investissements directs, les investissements de portefeuille (actions, obligations, etc.), les produits financiers dits dérivés car leur valeur dépend de celle d'un actif sous-jacent (action, devise étrangère, matières premières…), les avoirs de réserve[1].
Lancer l’alerte au sujet de la balance des paiements
Ce billet s'attache à la balance des paiements de la France dans la perspective de la mise en œuvre du programme du Nouveau Front Populaire (NFP) quel que soit le moment de son engagement à court ou moyen termes. La question de la balance des paiements de la France n'est guère posée du côté des partisans du NFP. Il faut lancer l'alerte d'abord pour mettre en lumière les dégâts que la logique de rentabilisation et d'accumulation des capitaux dominants et les politiques publiques appuyant cette logique ont générés depuis une vingtaine d'années dans la balance des paiements au regard des besoins de la population. Ces dégâts précisés dans le premier point du Pdf qui suit tiennent en particulier au déficit récurrent de la balance commerciale et à sa « compensation » comptable dans l'équilibrage de la balance des paiements par des entrées de capitaux étrangers allant vers des titres de dette publique, enserrant donc le financement de la dette publique et du déficit de la balance commerciale dans les griffes des marchés financiers[2].
Il faut aussi lancer l'alerte parce qu'il est habituel que les forces capitalistes dominantes cherchent à tirer avantage de leurs dégâts pour conforter leur pouvoir. Cela vaut pour la balance des paiements. Un gouvernement NFP y sera confronté. Il risque, sous des formes spécifiques tenant à l'existence de l'euro, un rappel de 1983 lorsque, face au déficit des transactions courantes et aux spéculations contre le franc, les partisans d'une orientation interne et d'une construction européenne s'inscrivant de fait dans une dynamique de financiarisation même si ce n'est pas alors pleinement conscient pour tous ses acteurs, imposent le tournant dit de la rigueur en 1983 (sur le sens du terme « financiarisation » voir l’annexe 1 du Pdf infra). C'est alors un moment où « …ceux qui voulaient choisir une autre voie que la « pause » dans les réformes n'ont pas su proposer de solution concrète pour le faire… il n'y avait pas, à ce moment-là, de mobilisation populaire qui aurait permis de continuer le rythme des réformes »[3].
À l'avenir, face aux difficultés qui viendraient de la balance des paiements, le désarroi peut à nouveau frapper les partisans de changements profonds en s’accompagnant du renoncement sincèrement désolé d'autres au programme du NFP et de l'allégresse de ceux qui, enfermés dans une des variantes de l'idéologie de la financiarisation, se sont ralliés de façon opportuniste au NFP et pensent alors l'heure venue de leurs réelles orientations. Rappelons en outre que de façon générale « quand la gauche essayait » selon la formule de Serge Halimi , elle a rencontré l'épreuve de la balance des paiements qui s'est révélée funeste à plusieurs reprises (cf. l'annexe 2 du PDF qui suit).
Les circonstances historiques de l'épreuve de la balance des paiements différent les unes des autres. Aujourd'hui elles tiennent d'abord aux dégâts explicités plus loin, dégâts provoqués par la logique des capitaux dominants depuis une vingtaine d'années et les politiques publiques pratiquées alors. Les circonstances actuelles de l'épreuve de la balance des paiements sont marquées aussi par l'existence de l'euro et plus largement de l'Union européenne. On pourrait avancer l'hypothèse que l'existence de l'euro permet de négliger la question de la balance des paiements de la France puisqu'il n'y a plus de monnaie nationale qui pourrait être victime de spéculations. J'écarte cette hypothèse pour des raisons tenant en premier lieu au lien actuel entre le déficit de la balance commerciale de la France et le financement de la dette publique. Voici déjà une citation qui conduit à ne pas négliger l'épreuve de la balance des paiements. Les économistes Philippe Aghion, Jean Pisani-Ferry et Alexandra Roulet ont comparé de leur point de vue les « risques » des programmes du Rassemblement National et du Nouveau Front Populaire[4]. Critiquant les deux, ils ont jugé celui du RN beaucoup plus dangereux parce qu'avec son application « une Europe entravée risque de ne pas survivre » alors que « Avec le NFP, nous risquons de nous faire rappeler à l'ordre par l'UE et par les marchés. Ce serait humiliant et coûteux, pas tragique. Mais ses différentes composantes ne s'accorderont pas pour s'affranchir de l'Europe ».
Par contraste avec cette prévision et ce souhait, la présente note esquisse la thèse qu'une issue durable aux difficultés issues de la balance des paiements est possible dans une dynamique de mise en œuvre du programme du NFP. Elle devrait s'inscrire dans un processus de bifurcation sociale-écologique de la production et de la consommation, processus orienté vers les besoins réels des gens, leur protection face à la crise écologique, l'équilibre avec la nature, la coopération internationale. Ce processus trouverait dans l'existence de l'euro des obstacles et des atouts. Pour dépasser les obstacles en mobilisant les atouts, un gouvernement NFP pourrait chercher à changer l'ordre du jour de l’Union européenne centré unilatéralement sur les déficits publics et proposer des négociations sans aucun doute difficiles. La mise en œuvre du programme du NFP ne serait pas conditionnée aux résultats des négociations, mais évidemment des avancées positives lors de celles-ci faciliteraient son application.
Le PDF qui suit s’attache dans un premier point aux dégâts provoqués dans la balance des paiements par les capitaux dominants et les politiques publiques depuis une vingtaine d'années au regard des besoins de la population. Pour éviter des mésinterprétations, je précise que le terme « dégâts » vise ici à nommer une des formes contemporaines en France des contradictions du capitalisme dont le principe général d'analyse a été posé par Marx. Il ne doit pas suggérer d'ignorer les possibilités matérielles et informationnelles de notre époque en luttant pour le dépassement des antagonismes capitalistes. Le second point du PDF esquisse les grandes lignes d’une issue progressiste aux difficultés qui viendraient de la balance des paiements dans la mise en œuvre d’une politique Nouveau Front Populaire.
[1] Banque de France, 2015, Méthodologie. La balance des paiements et la position extérieure de La France. Ici.
[2] Ce billet se réfère en particulier à : Banque de France, 2024a, La balance des paiements et la position extérieure de la France. Rapport annuel 2023 Ici
Et Olivier Berruyer dont je reprends très brièvement l'analyse des traits négatifs de la balance des paiements de la France :
- 27/06/2024, « Le commerce extérieur de la France 2024 130 milliards de déficit commercial : le désastre français perdure ». Elucid Ici
- 25/07/2024, « Balance des paiements : surendettée, la France dépendante des capitaux étrangers ». Elucid Ici.
[3] Jean-Luc Mélenchon, 10 mai 2021, 1981, la révolution suspendue - Conférence sur la victoire de François Mitterrand. Institut La Boétie. Ici.
[4] Philippe Aghion, Jean Pisani-Ferry et Alexandra Roulet, 2 juillet 2024, Tribune publiée dans Les Échos Ici.