Versión original en castellano.
Lettre ouverte à Gabriel Boric, Président de la République du Chili.
Monsieur le Président,
Lorsque vous avez accédé au poste de président, vous avez dû faire face à la pire crise des droits humains qu'ait connue le Chili depuis la dictature. Dans vos premières déclarations en tant que président, avec votre ministre de la Justice, la sous-secrétaire aux droits humains et la sénatrice Fabiola Campillai, vous avez présenté un « programme global de vérité, de justice et de réparation ».
En mai 2022, vous disiez : « Les axes de cet agenda comprennent une série de mesures pour engager tout le soutien de l'État à ceux qui ont vu leurs droits humains bafoués pendant cette période ».
À l’approche du cinquième anniversaire du soulèvement social d’octobre 2019, nombreux sont les Chiliens, Chiliennes et citoyens de plusieurs pays du monde à s’interroger sur la situation actuelle des victimes du soulèvement social et sur les réponses apportées par l’État chilien et son gouvernement dans le cadre de cet agenda.
Les organisations et personnes de la société civile soussignées, préoccupées par le devenir des victimes des violences perpétrées par des agents de l'État, confirment une insuffisance dramatique en termes de mesures de réparation.
En octobre 2023, Amnesty International déclarait que : « quatre ans après la réponse répressive de la police aux manifestations sociales, les victimes n'ont pas encore obtenu de réparation intégrale, la réforme structurelle des carabiniers est au point mort et l'impunité persiste dans le pays ».
L'une des rares mesures de réparation a consisté à accorder des indemnisations à 419 victimes des actions criminelles de la répression menée principalement par les policiers du Chili. Cette prestation, bien qu'elle atténue la situation précaire de ces personnes, est partielle et insuffisante si l'on tient compte des plus de 10 000 plaintes pour violations des droits humains qui ont été déposées.
Personne n'a été surpris par la réaction des politiciens de droite et de leur presse complice, qui ont lancé une campagne ignominieuse visant à discréditer les victimes, en les accusant de délinquants et en soulignant que parmi ceux qui bénéficiaient de ces indemnisations se trouvaient des personnes ayant un casier judiciaire et qui donc ne mériteraient pas ce bénéfice.
Ce qui nous a surpris, et nous le regrettons, c'est que vous, Monsieur le Président, ayez fini par céder à la pression de la droite, en annonçant la suppression d'au moins 25 indemnisations pour les personnes ayant un casier judiciaire. Comme l'a souligné Rodrigo Bustos, directeur d'Amnesty Chili : « il n'y a pas de bonnes et de mauvaises victimes », ajoutant que « les droits humains sont universels et ne dépendent pas du fait qu'une personne ait commis ou non un délit » et que « la réparation est un droit des victimes, ce n'est pas une faveur accordée par la grâce du souverain mais c'est l'obligation de l'Etat de l’appliquer ». Le Réseau International d’Appui aux Prisonniers Politiques au Chili (Riappech) accompagne depuis trois ans Sandro Jerez Salas, ouvrier du bâtiment, qui a participé à la manifestation du 19 octobre 2019, dans la ville de Coronel. Sandro fait partie des personnes dont l’indemnisation a été supprimée.
Monsieur le Président, nous vous rappelons que ce jeune ouvrier a été victime d'un tir de gros calibre effectué par un militaire de la Marine. Le projectile a traversé son bras gauche en se logeant à l’intérieur du thorax, laissant son bras paralysé à vie. Malgré une intervention médicale (implantation d’une plaque), sans aucun contrôle clinique ultérieur, Sandro ne peut poursuivre sa vie professionnelle dans son secteur d'activité. Sa qualité de victime a été médicalement reconnue.
L'INDH de Bio Bio a porté plainte, le reconnaissant en tant que victime. La PDI, chargée de l'enquête, en possession de la balle extraite, aurait identifié le militaire de la Marine qui l’a tirée. Toutefois, la tentative d'homicide dont a été victime Sandro reste impunie. Dans ce cas, l'État non seulement n'a pas clarifié et puni un crime grave commis par un militaire contre un citoyen qui manifestait pacifiquement, mais il a également retiré l’indemnisation à titre de réparation qui lui avait été accordée, sa seule ressource pour survivre.
Le casier judiciaire de Sandro Jerez, utilisé comme prétexte pour lui ôter son indemnisation, fait référence à des délits mineurs et anciens. Nous vous rappelons que vous avez déclaré que les indemnisations seraient supprimées en cas de délits graves : homicide, viol, port d'armes ou trafic de drogue. La députée María Candelaria Acevedo a déclaré à Radio El Carbón, le 10 janvier 2024, à propos du cas de Sandro Jerez, que : « le casier judiciaire et l’indemnisation ne vont pas dans les mêmes directions », ajoutant également qu' « il avait déjà payé sa dette envers la société».
Monsieur le Président, l'exemple de Sandro Jerez illustre clairement la partialité et l'injustice avec lesquelles ont été traitées les victimes de la violente répression déclenchée contre les secteurs populaires qui ont exprimé leur mécontentement et lutté pour une vie plus digne. Nous ne connaissons pas la situation des 24 autres personnes dont l’indemnisation a été supprimée, c'est pourquoi nous entreprendrons les consultations nécessaires avec le Conseil pour la Transparence, car nous valorisons le droit d'accès à l'information publique et à la transparence dans la fonction publique. En conclusion, nous vous demandons de rétablir l’indemnisation due à Sandro Jerez, ainsi qu’à toutes les victimes reconnues comme telles et à qui cette prestation a été retirée, afin que l'État assume pleinement sa responsabilité dans les violations des droits humains commises par les forces policières et militaires durant la révolte sociale.
Recevez, Monsieur le Président, les salutations du Réseau International d’Appui aux Prisonniers Politiques au Chili.
Paris, le 25 septiembre 2024.
Signataires :
- Association des ex-prisonniers politiques chiliens, FRANCE
 - Association Tierra y Libertad para Wallmapu, FRANCE
 - Association Araby, Växjö, SUÈDE
 - Agrupación por la Memoria Histórica Providencia, Antofagasta, CHILI
 - Association Brindille d'Art, FRANCE
 - Association des Amis du Théâtre de Jénine -ATL Jénine, FRANCE (association soutenant le Théâtre de la Liberté du camp de réfugiés de Jénine, Palestine)
 - Cercle d'Études Révolutionnaire José Carlos Mariátegui, FRANCE
 - Chile Solidariry Campaing, AUSTRALIE
 - Collectif des droits de l'homme au Chili, FRANCE
 - Colectivo Ediciones La Estaca, CHILI
 - Collectif international pour la vie et la liberté de Mauricio Hernández Norambuena, FRANCE
 - Collectif international pour le parrainage des prisonniers politiques chiliens, FRANCE
 - Colectivo Historias Desobedientes - Familiares de genocidas por la memoria la verdad y la justicia (Collectif Histoires désobéissantes - Parents de victimes de génocide pour la mémoire, la vérité et la justice), CHILI
 - Commission chilienne des droits de l'homme (CCHDH), CHILI
 - Commission éthique contre la torture (CECT), CHILI
 - Comité América Latina de Calvados (CAL), Calvados FRANCE
 - Comité de Derechos Humanos y Ecológicos de Quilpué, CHILE
 - Comité de los Derechos Humanos y Sindicales (CODEHS), CHILE
 - Cordinadora de ex presas/as ex presos/os politic/as de Santiago, CHILE
 - Fondation Frantz Fanon, MARTINIQUE/FRANCE
 - Ligue pour la défense des droits de homme (LDH) de Hérouville, Calvados FRANCE
 - Mapuche Aboriginal Struggle for Indigenous Land (MASIL), AUSTRALIE
 - Movimiento Rebelde Patricia Hidalgo, CHILI
 - Red Nacional de Sitios de Memoria, CHILI
 - Réseau de solidarité latino-américain (LASNET), AUSTRALIE
 
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- Alain Frappier, auteur, dessinateur, FRANCE
 - Alejandro Parra Guerra, prisonnier politique de la dictature, New York - ETATS-UNIS
 - Alice Roux, membre du Comité latino-américain du Calvados, FRANCE
 - Aline Bacchet, ancienne conseillère en éducation des adultes, membre d'ATL Jénine, FRANCE
 - Alonso Ignacio Salinas García, avocat, président de la Commission chilienne des droits humains (CCHDH), directeur de l'Association chilienne d'amitié avec la République arabe sahraouie démocratique (RASD), CHILI
 - Ana Harcha Cortés, dramaturge, membre de Artistas por Palestina, universitaire à l'université du Chili, CHILI
 - Ana Tijoux, autrice-compositrice, CHILI
 - Andrés Figueroa Cornejo, journaliste, CHILI
 - Andrés Salvo, musicien, CHILI
 - Arileide Connetable, militante du PT et de LFI, FRANCE
 - Carlos Margotta, avocat, Commission chilienne des droits humains, CHILI
 - Carlos Muñoz, membre de Estudio Jurídico, CHILI
 - Carolina Millalen, Radio Nuevo Mundo, CHILI
 - Caterina Glasser Müller, Membre du Conseil municipal pour le Parti de Gauche, Södertälje, SUÈDE
 - Céline Paredes, Membre du Comité latino-américain du Calvados, FRANCE
 - Claire Vergé, médecin, ATL Jénine, FRANCE
 - Claudio Escobar Cáceres, professeur, CHILI
 - Claudio Figueroa, prisonnier politique, membre de l'Association des ex prisonniers politiques chiliens, FRANCE.
 - Christian Menses Torres, prisonnier politique, FRANCE
 - Daniel Navia, pianiste, membre de Riappech, FRANCE
 - Denni Traubman Sborowitz, membre de l'Association des détenus disparus (AFDD), ISRAËL
 - Denis Lemercier, membre du Comité latino-américain (CAL) du Calvados, FRANCE
 - Désirée Frappier, autrice et scénariste, FRANCE
 - Dominique Grange, autrice-compositrice militante, FRANCE
 - Edgardo Honores, activiste politique, membre de Riappech, Paris, FRANCE
 - Eduardo Carrasco Peralta, défenseur de l'État de droit, CHILI
 - Eliana Galaz Romero, assistante sociale, New York, ÉTATS-UNIS
 - Eliana Silva Rifo, défenseur des droits humains, membre de Riappech, Lyon, FRANCE
 - El Haimer Mohammed, membre d'ATL Jénine, FRANCE
 - Elma Correa Muñoz, membre du Movimiento Rebelde Patricia Hidalgo, CHILI
 - Eran Ben David, activiste, ISRAËL
 - Erika Tamara Traubmann, créatrice de bijoux et objectrice de conscience militaire, ISRAËL
 - Esteban Maturana Doña, membre du Socialismo Allendista, CHILI
 - Evelyn Gaillet, membre de la Ligue de défense des droits humains du Calvados, FRANCE
 - Felipe Bórquez Aguilar, musicien et musicologue, CHILI
 - Francisco Peña Riveros, militant politique, FRANCE
 - Fernando Juka, membre du Comité des droits humains et syndicaux, CHILI
 - Françoise Bienayme, avocate, Paris, FRANCE
 - Grimanesa Riquelme Marin, membre du Movimiento Rebelde Patricia Hidalgo, CHILI
 - Guy Maunoury, membre du Comité Amérique Latine du Calvados, FRANCE
 - Héctor Maturana, militant politique, membre de l'Agrupación por la Memoria Histórica Providencia, Antofagasta, CHILE.
 - Héctor Vásquez, ex prisonnier politique, président de l'Association des ex-prisonniers politiques chiliens, FRANCE
 - Héctor Zavala Leiva, ex prisonnier politique, membre du Colectivo Derechos del Hombre en Chile, FRANCE
 - Helios Figuerola Pujol, membre de Riappech, FRANCE
 - Hugo Ramírez, membre de Riappech, CHILI
 - Ignacia Riveros Mancilla, membre du Movimiento Rebelde Patricia Hidalgo, CHILI
 - Isabel Gallardo, membre de la Cordinadora de expresas y expresos polític/as, Santiago, CHILI
 - Isabelle Aburto, présidente de l'association Brindille d'Art, FRANCE
 - Iván Kraljevic Labra, membre du Collectif international pour la vie et la liberté de Mauricio
 - Hernández Norambuena, FRANCE
 - Jaques Leyrat, membre du Comité Amérique Latine (CAL) du Calvados, FRANCE
 - Jean-Claude Pasdeloup, membre du Comité Amérique Latine (CAL) du Calvados, FRANCE
 - Jesica Ardiles Sánchez, membre du Movimiento Rebelde Patricia Hidalgo, CHILI
 - Jimena López Morris, membre de la Commission nationale des droits humains CHILI- SUÈDE, et Riappech, SUÈDE
 - Jorge Magasich, historien, BELGIQUE
 - José Frías, membre du Comité de Derechos Humanos y Ecológicos de Quilpué, CHILI
 - Josiane Lowy, membre de la Ligue de défense des droits humains du Calvados, FRANCE
 - Juan Mariani, membre de la Commission nationale des droits humains CHILI-SUÈDE et de RIAPPECH, SUÈDE
 - Juana Aguilera Jaramillo, survivante de la résistance à la dictature, fondatrice et présidente de la Commission éthique contre la torture, CHILI
 - Julian Bastías, activiste politique, écrivain, membre de Riappech, Paris, FRANCE
 - Julio Galaz Romero, activiste des droits humains, membre de Riappech, Paris, FRANCE
 - Julio Laks, ex-prisonnier politique, membre de Riappech, Paris, FRANCE
 - Lautaro Calfuquir, ex -prisonnier politique de la dictature, Paris, FRANCE
 - Lautaro Cruz Sandoval, ancien prisonnier politique, FRANCE
 - Ligia Veronica Illanes, Hérouville Saint Clair, FRANCE
 - Liliana Traubman Sborowitz, militante anti-guerre et féministe, ISRAËL Lise Bouzidi Vega, animatrice radio, Association Terre et Liberté pour Arauco, membre de Riappech, Paris, FRANCE
 - Luis Galvez, membre de l'Unión de ex-presos políticos de Chile-UNExPP et de Riappech, Halmstad, SUÈDE
 - Magaly Gallardo, CHILI
 - Magdalena Vial, Paris FRANCE
 - Marcos Roitman Rosenmann, sociologue, académicien Universidad Complutense de Madrid, ESPAGNE
 - Margarita Romero, défenseure des droits humains, CHILI
 - Margarita Young, travailleuse sociale à la retraite, Paris, FRANCE
 - Maria Georgina Rojas Bagnara, Malmö, SUÈDE
 - María Emilia Tijoux, professeur, École de sociologie, Université du Chili, CHILI
 - Maria Stella Dabancens Gandara, RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
 - Marie-Jo Elheimer, ATL Jénine, FRANCE
 - Marion Raoul, juriste internationale, ancienne consultante de l'UNESCO, membre du
 - Collectif international pour la vie et la liberté de Mauricio Hernández Norambuena, FRANCE
 - Martín Faunes Amigo, Círculo literario de Nuñoa, Corporación La Serena Dieciséis de Octubre, CHILI
 - Maryline N'Guyen, ATL Jénine, FRANCE
 - Mauricio Galaz Romero, professeur, prisonnier politique de la dictature, CHILI
 - Miguel Ángel Rebolledo, prisonnier politique, CHILI
 - Mireille Fanon Mendès-France, juriste, Fondation Frantz Fanon, MARTINIQUE/FRANCE
 - Mirna Martínez-Pregnan, psychologue, membre de Riappech, Paris, FRANCE
 - Mohamed El Haimer, membre d'ATL Jénine, FRANCE
 - Monique Plessis, graphiste, membre d'ATL Jénine, FRANCE
 - Myriam Périssé, membre d'ATL Jénine, FRANCE
 - Nguyen Muñoz, Stockholm, SUÈDE
 - Natacha Monroy, membre de l'Association des anciens prisonniers politiques mineurs et de Riappech, Paris, FRANCE
 - Nilsa Capriles, membre de Riappech, Santiago, CHILI
 - Nicolás Toro, avocat, Université du Chili, Santiago, CHILI.
 - Olivier Besancenot, Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Paris, FRANCE.
 - Osvaldo Durán Carrillo, membre du Movimiento Rebelde Patricia Hidalgo, CHILI
 - Osvaldo Torres Véliz, auteur - compositeur, FRANCE
 - Pascale Cognet, membre du Collectif pour le parrainage des prisonniers politiques au Chili, FRANCE
 - Patricio Arenas, consultant en relations internationales, Paris, FRANCE
 - Patricio A. Calderón Silva, ex-prisonnier politique, Paris, FRANCE
 - Patricio Rivera Cornejo, comédien, observateur international (volontaire) pour les droits des peuples indigènes, CHILI
 - Pietro Sferrazza, professeur à la faculté de droit de l'université du Chili, CHILI
 - Raquel Zamorano, présidente du Comité latino-américain (CAL) du Calvados, FRANCE
 - Rodrigo Arenas, député LFI - FNP de Paris, ancien président de la Fédération des parents d'élèves, FRANCE
 - Rosa Riquelme, membre de Riappech, ALLEMAGNE
 - Samuel Laurent Xu, cinéaste, écrivain, FRANCE
 - Sandra Oceja Limón, professeur de recherche UACM / UNAM, MEXIQUE
 - Sergio Grez Toso, historien, universitaire à l'Université du Chili, Santiago, CHILI
 - Sergio Rojas Fernández, activiste politique, ancien syndicaliste, BELGIQUE
 - Sabine Lagrange, membre d'ATL Jénine, FRANCE
 - Sophie Haluk, auteur et journaliste, FRANCE
 - Sonia Fayman, membre de l'UJFP (Union juive française pour la paix) et présidente d'ATL Jénine, FRANCE
 - Sonia Ramirez, membre du Riappech, ANGLETERRE
 - Sophie Mayoux, traductrice, ATL Jénine, FRANCE
 - Tancrède Ramonet, cinéaste et producteur, FRANCE
 - Tardi, caricaturiste, FRANCE
 - Udi Adiv, docteur en sciences politiques, ancien prisonnier politique israélien, ISRAËL
 - Verónica Estay, présidente du collectif Historias desobedientes - Chile. Descendants de génocidaires pour la mémoire, la vérité et la justice, Paris, FRANCE
 - Vilenka Rojas, Centre thérapeutique Ayelén, La Serena, CHILI