Message du 06/12/13 05:32
De : jacques.capet@laposte.net
A : redaction@politis.fr, pagecourrier@politis.fr
Copie à : jacques.capet@laposte.net
Objet : Résiliation de mon abonnement
Le PG n'a pas de journal, hélas, mais sa tendance sectaire en a un. Il s'appelle Politis.fr. Et l'hebdo papier est dans la même mouvance anti-NPA.
Lecteur depuis le n° 2, j'ai décidé, après de longues hésitations, de ne plus lui donner de fric.
C'est aussi ce qu'a fait il y a quelques temps une sympathisante de Lutte Ouvrière à qui j'avais fait connaître votre journal pour qu'elle trouve les articles sur l'environnement qui lui manquaient dans la prose de son organisation : elle ne supportait plus que LO n'y soit jamais cité. "Vous, au moins, ils vous calomnient; c'est une forme de reconnaissance !" m'a-t-elle dit alors en faisant allusion aux articles anti-NPA, non à la Gauche révolutionnaire, dont je fais aussi partie et qui est, elle aussi, inconnue au bataillon de l'impasse Delaunay, mais c'est effectivement moins scandaleux. Compte-tenu de mes responsabilités politiques, je ne peux pas me passer de le lire, mais je le ferai désormais à la bibliothèque de Nanterre ou au Centre Pompidou.
C'est l'article de Politis.fr sur la manif de Quimper qui a fait déborder le vase, mais j'avais déjà à plusieurs reprises failli me désabonner. J'avais d'ailleurs au fil des années envoyé plusieurs courriers de protestation ou de mise au point dont 2 publiés tardivement et avec de savantes coupures atténuant fortement la portée des arguments. Mais cette fois-ci, c'en est trop.
Au début des années 2000, certains partisans de la Taxe Tobin ont accusé la LCR et LO d'avoir empêché l'adoption de cette mesure par le Parlement européen en s'abstenant (LCR) ou en votant contre (LO) alors qu'il ne s'agissait que d'un vote sur la faisabilité de la chose pour, disait l'exposé des motifs, sauver le système de la libre entreprise menacé par les excès des spéculations monétaires. Politis avait été moins virulent que le PCF, mais j'ai le souvenir que ce fut un nouveau froid avec votre journal (le précédent concernait une présentation mensongère des débuts du DAL tendant à effacer de l'histoire le Comité des Mal-Logés) : Comment pouvait-on reprocher aux députés trotskystes de ne pas avoir voté avec le camarade Charles Pasqua pour sauver le capitalisme ? C'est à l'occasion de cette campagne "antigauchiste" que j'ai écrit mon premier article dans l'Egalité, le journal de la GR.
En mai ou juin 68, j'avais résilié mon abonnement à l'Humanité parce que je ne supportais plus de financer (modestement) les attaques des staliniens contre les prétendus "gauchistes", Cohn-Bendit, Geismar, Sauvageot, Krivine etc. Evoquant le ministre de l'intérieur de l'époque, les Marchais, Figuères et autres brandissaient "La maladie infantile du communisme" de Lénine pour dénoncer les "gauchistes-Marcellin" et les empêcher d'essayer de virer De Gaulle et le capitalisme. Même si le risque était faible, il ne fallait surtout pas que réussisse en France une révolution anti-bourgeoise qui aurait fait de l'ombre au Kremlin.
En 2013, Denis Sieffert n'accuse évidemment pas Philippe Poutou d'être manipulé par Manuel Valls, personne n'y croirait. Mais la calomnie, le mensonge est à la fois plus subtil et plus grossier. Quand des patrons et la droite (et très marginalement l'extrême-droite) s'invitent dans une manif organisée par des syndicalistes contre des plans de licenciements pour la dévoyer et marquer un grand coup contre l'écotaxe (par ailleurs très critiquable, mais pas pour les mêmes raisons que le Medef et la Fnsea) en camouflant la magouille sous une forêt de drapeaux bretons, il est envisageable de transférer ailleurs la manif salariale, mais à condition que la majorité des travailleurs en colère soient sur le coup et qu'on ne dévoie pas d'une autre façon leur lutte en volant au secours de l'écotaxe et du gouvernement ! Alors que ce n'est pas le cas, que le gros du salariat s'en tient à Quimper et manifeste donc dans une certaine confusion, Sieffert, comme Mélenchon, fait comme si Poutou et d'autres "esclaves" et "nigauds" se ralliaient au panache blanc, en l'occurrence le bonnet rouge, de leurs maîtres. Que les "lambertistes" du POI sautent sur l'occasion pour descendre en flammes leurs ennemis héréditaires "pablistes" étalant leur nature contre-révolutionnaire en s'attaquant à la république une et indivisible sous les plis du drapeau noir et blanc, c'est dans l'ordre des choses. Mais vous, à Politis et au PG, on ne vous savait pas si sourcilleux sur la collaboration de classes !
Dans l'actualité récente, je note que dans Politis n°1271 du 3 octobre, Denis Sieffert lui-même évoque une "possible sortie de crise" en Tunisie grâce au "plan de dialogue proposé par l'UGTT" "mais aussi par l'organisation patronale Utica, l'Ordre des Avocats et la Ligue des Droits de l'Homme" et sans s'en offusquer le moins du monde. Et quand le Front Populaire tunisien fait une réunion publique le 25 octobre dans le 11ème arrondissement, le représentant du PG ne tarit pas d'éloges sur cette coalition qui pourtant s'allie aux nostalgiques de Ben Ali au nom du Salut national et sur l'UGTT "que le monde vous envie"... (C'est moi qui ai émis une fausse note dans cette soirée consensuelle en m'interrogeant sur les dangers de ces alliances interclassistes).
Au Parlement français (et avec succès au Sénat !), le Front de Gauche et la droite votent régulièrement ensemble contre les projets de loi du PS (retraite, rythmes scolaires, budget etc), parfois même en votant des amendements communs assez vagues pour être cohérents avec des objectifs contradictoires. Certes, il s'agit surtout d'élus PCF ou apparentés, mais je n'ai pas entendu Jean-Luc Mélenchon ni lu Denis Sieffert tonnant contre cette collusion de Pierre Laurent et d'André Chassaigne avec les valets du grand capital.
Depuis le 6 novembre on peut voir sur quelques écrans le film "Les jours heureux" sur le programme du Conseil National de la Résistance (1943). Ce programme a été signé par des représentants des mouvements de résistance, de la CGT et de la CFTC, du PCF et du PS, mais aussi de la droite : Joseph Laniel (futur Président du Conseil atlantiste) et Georges Bidault (futur ministre colonialiste qui rejoindra même l'OAS). Sans parler de De Gaulle lui-même. Parmi les politiciens actuels interrogés dans le film, Jean-Luc Mélenchon ne s'indigne en aucune façon de cette collaboration de classes. Mais peut-être le co-président du PG a-t-il été censuré au montage par le réalisateur... L'auteur de la critique élogieuse sur le film et sur le programme du CNR parue dans le n° 1276 de Politis (7/11/13) a-t-il vu, lui, ses éventuelles réserves ouvriéristes sauter par inadvertance ?
En 1992, lors du référendum sur le traité de Maastricht, Lutte Ouvrière a pris une position qui lui a été à juste titre reprochée : ni oui avec Mitterrand, Chirac et la majorité du CNPF (l'ancêtre du Medef), ni non avec Pasqua, Le Pen et Calvet (le souverainiste PDG d'alors de PSA). Mais qu'auriez-vous dit si LO avait, à la une de son journal ou sur une affiche, dénoncé le PCF, la LCR et Politis qui faisaient campagne pour le Non avec donc Pasqua, Le Pen et Calvet ?
En 2005, l'UMPS s'est indignée que le Non au traité constitutionnel européen l'ait emporté grâce à la "monstrueuse" collusion des antilibéraux et des anticapitalistes avec les souverainistes de droite et d'extrême-droite. Cette accusation vous donne-t-elle mauvaise conscience ?
En 2013, après avoir pesé le pour et le contre, quelques personnalités anticolonialistes, toutes les composantes du Front de Gauche et Politis ont décidé de soutenir l'intervention militaire française au Mali. Qu'auriez-vous dit si le NPA, LO, le POI et la GR avaient titré dans leurs journaux respectifs que Mélenchon et Politis faisaient cause commune avec Areva, les capitalistes néocapitalistes, les soudards et les islamophobes ?
Il y a des situations compliquées où des clivages séparent des militants habituellement proches. C'est dommage, mais il faut alors avoir la sagesse de défendre ses choix sans rejeter pour autant les autres dans les ténèbres extérieures. Si j'étais amateur d'humour noir, j'aurais envie de dire "Prenez modèle sur la CGT : Elle n'était pas d'accord avec la CFDT sur l'ANI et sur la contre-réforme des retraites, mais elle n'en a pas fait toute une histoire et à peine celle-ci votée, elle a su surmonter ces divergences ponctuelles sur des broutilles pour renouer avec la belle aventure du syndicalisme rassemblé !". D'ailleurs, le dimanche 1er décembre, Mélenchon a été moins arrogant avec les Bonnets rouges et de même l'Huma du lundi 2. Mais s'il y avait vraiment eu 100 000 manifestants pour la révolution fiscale, ce n'aurait peut-être pas été le cas...
A moins qu'on ne veuille profiter de la situation pour régler des comptes avec des concurrents. Mais ça ne réussit pas toujours. Le PCF a connu encore de beaux jours après mai-juin 68, mais seuls les imbéciles croient encore que ceux qu'ils appelaient les gauchistes étaient des auxiliaires des patrons. Même Léo Figuères a rectifié le tir à la fin de sa vie. L'instrumentalisation du vote sur la Taxe Tobin en janvier 2000 pour disqualifier LO et la LCR n'a pas empêché, 2 ans plus tard, le PCF d'arriver derrière Arlette Laguiller et Olivier Besancenot. La traumatisante présence de Le Pen au 2ème tour a éclipsé ce succès des anticapitalistes qui s'est en partie confirmé en 2007 jusqu'à ce que la locomotive Mélenchon redonne la prééminence aux antilibéraux en 2012.
Empêtrées dans leurs contradictions à propos des municipales, les composantes du Front de Gauche vont peut-être essayer de retrouver un semblant d'unité en tentant de discréditer le NPA à propos de Quimper mais gare aux boomerangs ! Au moment où les parlementaires FdG sont amenés à voter avec la droite pour contrer les mauvais coups du PS et des Verts, cela relève du contorsionisme. Mais il faut reconnaître que c'est plus facile que d'organiser la lutte contre les plans de licenciements et la casse des retraites que les syndicats n'avaient manifestement pas à l'ordre du jour. J'aurais aimé que Mélenchon et Politis déplorent l'absence de volonté des Lepaon, Mailly, Groison et même Coupé de faire vraiment barrage à la contre-réforme de Hollande et dénoncent le retour du couple CGT-CFDT encore plus contre-nature après l'approbation par Berger de l'ANI et des 43 ans de cotisation. J'ai peur que ce ne soit pas pour demain. Mais je note avec satisfaction que dimanche Mélenchon a parlé pour la première fois d'"opposition de gauche", et à 2 reprises, en plus, comme la GR, comme un vulgaire Poutou... Est-ce pour ce virage à gauche que Politis parle fort peu de cette manif ?
Post-scriptum : Je vous signale que je me désabonne aussi du Monde que je lis depuis 54 ans (25 ans seulement pour Politis, par la force des choses). Là, il ne s'agit pas d'abord de l'orientation politique du journal, qui pourtant me déplait de plus en plus, mais des carences dans ses informations. Et ce qui fait déborder le vase, c'est les insuffisances grossières sur la manif de Quimper et le silence sur celle de Carhaix. Le "quotidien de référence" aurait pu ironiser, dénigrer les différents protagonistes, y compris Poutou. Mais il fallait exposer les faits, tous les faits, sinon c'est du n'importe quoi. Juste après les 2 manifs du 2 novembre, Le Monde a omis de parler du rassemblement de Roanne contre la répression dont sont victimes trop de syndicalistes (je ne tiens pas compte de la chronique de Florence Aubenas, excellente, mais qui n'est pas un article d'information). Sauf erreur, Politis n'en a pas parlé non plus et je n'ai pas vu beaucoup d'autocollants du PG dans la ville de Jean Auroux. Et pour me confirmer que le Monde est décidément défaillant, notamment en matière sociale, l'édition de lundi soir fait un compte-rendu indigent des manifs de ce week-end. Il y a 50 ans, il y avait un gouffre entre le Monde et le Parisien. Ce n'est plus du tout le cas, ni pour la ligne politique ni pour la qualité de l'information.
Je vais faire quelques économies et passer beaucoup plus de temps en bibliothèque...
Jacques Capet