Aujourd’hui (22/11/14, NDT) à 11h (heure de France), l’avocate en Droit Humain de la Defensoría Popular, María Ribera, a été détenue à l’aéroport Charles de Gaule de Paris par des fonctionnaires de la police française qui n’ayant trouvé aucun motif pour lui interdire l’entrée dans le pays, durent justifier sa rétention par des motifs politiques. L’avocate effectue une tournée en Europe, avec l’avocat Rodrigo Román, pour dénoncer devant la communauté internationale la criminalisation par l’État de la protestation sociale au Chili explique qu’à sa descente d’avion et de son enregistrement par la Police Internationale, le fonctionnaire a retenu son passeport et appelé des policiers qui l’ont conduite dans une salle d’interrogatoire et peu après dans une cellule, où elle est restée enfermée longtemps.
vendredi 5 décembre 2014 à 18h30 : Debat "Criminalisation des luttes sociales en France et au Chili"
Maria Ribera
« Ils m’ont conduite dans un endroit et ont commencé à m’interroger sur les motifs de mon voyage, ensuite sur mes moyens financiers et les assurances dont je dispose, je leur ai montré que tout était en ordre et que j’avais accomplis toutes les formalités exigées pour l’entrée en Europe. Cependant, ils ont alors prétendu qu’ils ne comprenaient pas l’espagnol. J’ai répondu que je suis avocate et j’ai exigé qui soit respecté le droit international qui permet le recours à un traducteur et la présence du Consul mais ils n’en ont eu cure et se sont mis à rire tout en m’enfermant dans une cellule sans me donner la moindre explication.»
L’avocate explique, que plus de deux heures après en la présence d’un traducteur centre américain, elle a exigé de connaitre enfin les motifs de sa détention et qu’elle fut sans plus d’explication conduite dans une pièce où l’on a commencé à lui montrer sur écran toute son histoire politique y compris des information concernant sa détention par la CNI (police militaire) à l’époque de la dictature de Pinochet.
« A ce moment, j’ai entendu Rodrigo [ROMAN] crier ; Il disait aux policier qu’il allait déposer plainte pour discrimination. Alors un garde est entré et à tenté de m’obliger à signer un document dans lequel je reconnaissais ne pas avoir été l’objet de discrimination. Bien entendu, j’ai refusé. »
Dans le terminal d’arrivée se trouvaient des parents, des amis et des militants sociaux qui attendaient les délégués de « Defensoría Popular » ; inquiets du retard des avocats et après avoir constaté que les seules valises effectuant un tour sans fin sur le tapis roulant étaient les leurs, ils ont alors décidé d’occuper le terminal et d’exiger de pouvoir les accueillir. Les avocats chiliens ont enfin été libérés et ont pu entrer dans le pays et ont pu prendre part aux activités programmées, non sans avoir auparavant annoncé qu’ils exigeraient du Gouvernement français une explication formelle concernant les faits qui se sont déroulés.
Commentaire des traducteurs
En tant que militantes ou militants sociaux cette arrestation arbitraire nous interpelle :
• Comment se fait-il que les policiers ont choisi d’interpeller cette avocate et pas un autre voyageur ? Pourquoi n’ont-ils pas, puisque l’avocate ne parle pas le français, fait appel directement à un traducteur comme le droit international les y oblige ? Pourquoi n’ont-ils pas prévenu le consul du Chili?
• María Magdalena Rivera Iribarren est une militante et une avocate qui professionnellement défend des militants sociaux, elle n’est ni une criminelle ni même une délinquante fichée et pourtant, dès son entrée dans l’espace Schengen, un fonctionnaire a choisi de la faire interpeller. Ce qui peut amener à penser que la police chilienne et la police française voire européenne partageraient des informations concernant des militants sociaux. La police a montré sur écran informatique des informations, informations qu’en tant que simple citoyenne je n’ai pas pu obtenir même en scrutant très longuement la toile.
• En tant que personne qui milite, qui s’inscrit dans une vision différente de la société, sommes-nous aussi fichés? Allons-nous un jour nous retrouver dans un aéroport ou dans la rue arrêtés et devrons-nous assister devant un écran à notre parcours de vie.
• La police française a présenté des informations qui concernent les agissements d’une police qui torturait, violait, utilisait des moyens qu’employait déjà la Gestapo ! Là en tant que militante, je suis choquée et blessée, comment une police européenne ose-t-elle revenir sur un passé si douloureux?
Esméralda Catinus et Mario Fonseca
membres de FEWLA
TOUR D'EUROPE DES DEFENSEURS POPULAIRES CHILIENS
La Defensoría Popular travaille depuis au moins six ans avec pour objectif premier la défense des militant-e-s qui par leur lutte sociale se confrontent à l'action pénale de l’État, ceci dans le cadre d'une criminalisation croissante des luttes et des militant-e-s. Nous avons ainsi organisé la défense d'étudiant-e-s, de travailleur-euse-s, d'habitant-e-s, de défenseur-euse-s de l'environnement, de membres de communautés mapuche et bien d'autres qui ont eu besoin de nous pendant ces courtes mais intenses années d'existence.
À titre d'exemple, nous trouvons dans cette longue liste des étudiant-e-s universitaires et des lycéens de la Région de Santiago, de Valparaiso, d'Antofagasta et d'autres villes du pays. Par rapport au mouvement des habitant-e-s de quartiers populaires, nous avons aussi accompagné la lutte des sans toit et des victimes d'escroquerie dans le logement social, dans plusieurs villes du pays.
De même pour des dizaines de dirigeant-e-s syndicaux-les, qui ont fait face au système pénal à cause de revendications spécifiques (grève) ou de thématiques transversales au mouvement social. Malgré la distance, nous avons aussi activement collaboré à des causes relatives au conflit entre l’État chilien et le Peuple mapuche, essentiellement dans le Wallmapu (pays mapuche), participant à la défense de Werkenes (militant-e-s mapuche), d'enfants mapuche et autres. Un même engagement concerne le mouvement de défense de l'environnement, que ce soit pour la défense de l'eau, pour le bien-vivre ou contre les industries prédatrices de la nature. Nous nous sommes aussi consacrées à d'innombrables occasions à la promotion des droits, un autre de nos objectifs initiaux, en participant à des forums, débats et autres, dans diverses villes du pays, toujours dans le champ de la criminalisation de la dissidence, de l'activisme social et/ou des militant-e-s engagé-e-s dans la lutte sociale.
Nous sommes une équipe de six avocat-e-s, dont trois fondateur-trice-s de la Defensoría Popular, mais beaucoup d'autres sont passé-e-s par notre organisation sans qu'ils/elles puissent résister à l'éprouvante dynamique de l'autogestion des ressources financières, qui dans nombre de cas se révéla notoirement insuffisante.
Ce dernier constat nous pousse à réaliser ce tour d'Europe avec le double objectif de :
• rendre visible notre travail et la criminalisation croissante dans notre pays,
• trouver des sources de financement pour notre développement.
Par rapport à ce dernier point et sans vouloir nous arroger un rôle qui ne nous corresponde pas, nous sommes la seule institution qui jouisse de la sympathie et de la confiance de milliers de militant-e-s engagé-e-s dans les luttes sociales. Cela signifie d'une part une grande responsabilité pour chacun-e des membres de notre équipe, et d'autre part un programme de travail surchargé pour chacun-e d'entre nous en raison de cette même responsabilité.
Nous proposons ainsi de déployer un programme d'activités sur au moins deux plans :
1. Chilien-ne-s résident-e-s et/ou leurs organisations.
2. Organisations analogues, fondations, associations et institutions diverses.
Nous comptons par ailleurs profiter de chaque instant de notre séjour en Europe. Nous nous mettons donc à disposition pour la réalisation d'activités de tout type et dans la plus grande quantité possible de villes et/ou de pays.
En accord avec notre dynamique de travail, nous proposons de mener à bien ce tour en une période de dix jours, par la présence de deux membres de la Defensoría Popular : notre avocate coordinatrice María Rivera et l'avocat Rodrigo Román.
Nous soulignons que, si nous n'avons pas de financement propre pour les déplacements et le séjour, nous disposons bien de l'énergie de toute l'équipe ainsi que de l'entière disponibilité des deux membres mandatés, du 22 novembre au 6 décembre, pour la pleine réussite de ce tour d'Europe.
En vous remerciant par avance pour votre accueil militant, votre soutien logistique et votre
solidarité financière,
Rodrigo Román Andoñe
Défenseur Populaire
Santiago du Chili, 14 octobre 2014
Dans la toile :
- http://www.huffingtonpost.fr/emmanuel-poilane/une-avocate-chilienne-accueillie-en-france-comme-dans-une-dictature_b_6210522.html
Et une clé de lecture de ce méfait, collaboration entre les ministres de l'interieur français et chilien et d'échange des infos :
"Plus récemment, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, accompagné de quatre ministres (Mme Touraine, MM. Cazeneuve, Canfin et Hamon) s’est rendu en janvier 2013 à Santiago, à l’occasion du sommet UE-CELAC. Il s’est entretenu à cette occasion à titre bilatéral avec le Président Piñera. Mme Conway-Mouray, ministre déléguée aux Français de l’Etranger, a représenté la France lors de l’investiture de Michelle Bachelet, le 11 mars 2014. Le Président de la République a pu s’entretenir le 24 septembre 2014 avec Mme Bachelet, en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU, et enfin, M. Peñailillo, Ministre de l’Intérieur et vice-président chilien s’est entretenu avec M. Cazeneuve le 2 octobre 2014 afin de bénéficier de l’expérience française en matière de lutte contre le terrorisme."
Source : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/chili/la-france-et-le-chili/