A n’en pas douter, on attache plus d’importance aux souvenirs de situations dans lesquelles notre présence était des plus incongrues plutôt qu’à celles où il pouvait paraître naturel que l’on y figurât.
A cette époque, le Comité National du Sport Olympique Français avait préféré la candidature de la Ville de Lille, à l’organisation en France des Jeux Olympiques, à celle présentée par la ville de Lyon. Cette victoire sans appel ne garantissait pas la tenue des Jeux, mais engageait la France à ne soutenir que cette candidature..(du moins le pensait-on).
Le grand patronat local ne pouvait pas rester hors du coup en cette période où il était de bon ton de se déclarer « entreprise citoyenne ».
Un aréopage qui se réunissait régulièrement à la Maison des Professions, siège du CNPF régional, composé de ce qui se faisait de mieux en matière de responsables économiques, chercheurs, élus, techniciens, décida donc, après moult discussions, de proposer Lille pour accueillir les World Corporate Games ou Jeux Mondiaux de l’Entreprise.
Afin de s’assurer que cet accueil ne poserait pas de problèmes insurmontables dans une agglomération où aucune structure sportive spécifique n’avait encore été aménagée, il fut décidé d’envoyer une délégation visiter les prochains WCG qui se tenaient justement quelques semaines plus tard afin d‘en faire un audit organisationnel.
A l’époque, Directeur Général du Palais de congrès et patron de l’Office de Tourisme qui assurait l’hébergement des congressistes, je fus sollicité pour me joindre à la délégation qui devait ausculter tous les aspects d’une telle manifestation. J’étais supposé analyser les problèmes liés à l’hébergement des athlètes et des délégations accompagnantes
Quand la destination me fut communiquée, j’acceptais avec empressement puisque les WCG allaient se dérouler à Hawaï..
Quelques coups de téléphone plus tard, il me parut évident qu’Honolulu disposant sur Waïkiki Beach de dizaines de milliers de chambres d’hôtel disponibles en ce mi-octobre, mon état des lieux en serait largement facilité et qu‘il me resterait du temps pour visiter.
L’examen attentif du programme des compétitions me révéla que le golf en faisait partie et qu’il se jouerait sur une autre île située à l’ouest de l’archipel, à Kauaï.
C’est donc, de bon matin, équipé de mon sac de golf que je me présentais au départ de cet harassant périple qui devait être suspendu à Chicago pour partager un repas avec les joueurs de Basket des Bulls, avant de repartir vers San Francisco pour escale technique et enfin admirer les lumières de Honolulu lors de notre approche nocturne.
Passer en une journée, des pluies de mon vieux quartier lillois, au Outrigger hôtel dont les balcons s’ouvraient sur la plage de Waïkiki, c’était vraiment changer de monde.
J’avais en mémoire le drame de Pearl Harbour et étais à cent lieues de m’imaginer qu’à dix heures du soir, une file de clientes Japonaises pouvait faire la queue pour accéder au saint des saints : le magasin Vuiton qui brillait de mille feux !
Notre délégation s’était enrichie d’un « people » en la personne de Guy Drut ancien coureur de 400 haies devenu député.
Après deux jours de visite, je maîtrisais parfaitement le geste qui traditionnellement accompagne le mot Aloha qui signifie bienvenue (fermer le poing en gardant bien droits le pouce et l’index, tout en effectuant une rotation du poignet) et réussis à convaincre un ami médecin de se joindre à moi et de prendre le premier vol pour Lihue la ville principale de kauaï.
Au sortir de l‘avion, je demandais à une charmante hôtesse le conseil d’un hôtel original, typique. Elle me conseilla le Kaihuna Plantation à Poipu Beach que nous rejoignions au volant d’une Jeep Wrangler vernie noir et décapotée, en traversant les champs plantés d’ananas et de cannes à sucre.
C’était un bon conseil, espacés en bordure de plage, à l’ombre de cocotiers géants, les vastes maisons de bois équipées de tout le confort auraient pu loger toute une famille nombreuse. Au diable l’avarice, ce voyage qui ne m’avait encore rien coûté méritait bien un effort. Nous y posions nos pénates et allions taper des balles sur un parcours de golf tout proche et désert.
Mais le must nous attendait encore. La compétition de golf devait se jouer au Mariott Resort de Kauaï en trois tours. Les premiers sur un parcours de sélection le Kauaï Lagoon et le parcours final sur le Kiele Front Course, parcours mythique dessiné par Jack Nicklaus et classé parmi les cinq plus beaux parcours américains.
Nous fumes, l’un et l’autre parmi les derniers sélectionnés, raz les fesses pourrait-on dire, tant la longueur des fairways nous paraissait démesurée et les greens de vraies patinoires incapables tenir une balle. De plus l’utilisation obligatoire de voiturettes électriques nous handicapait car nous n’y étions pas habitués.
Le Kiele Front Course se révéla beaucoup plus compliqué à jouer. C’est un link qui emprunte et traverse une gorge plantée d’arbres immenses et dont un des départ se situe au sommet d’une cheminée
de concrétion qui domine la cime des arbres et dont le green d’arrivée est lui aussi un sommet de cheminée distant de quelques 170 mètres et ne laissant que peu de place pour y poser nos balles.
Heureusement, à ce départ un conseiller attend les joueurs, leur demande leur distance préférée, nettoie le club choisi et surtout indique que nous sommes à l’abri d’un vent qui passe derrière la colline et va influencer le vol de la balle.
Sérieux et appliqués, nous exécutons rigoureusement les conseils prodigués en nous orientant très à droite de ce green qui nous attendait là au milieu des cimes d’arbres. Tellement confiants que l’on en oubliait d’utiliser une balle usagée qu’on aurait pu perdre sans regret.
Résultat : nos deux balles sur le green, proches du drapeau et celles de nos deux adversaires perdues corps et biens !
Ce sera à notre seul exploit car ce parcours était trop beau, trop surprenant pour être joué sans crainte. Imaginez taper une balle d’un départ alors que celle-ci devra atteindre le fairway en se faufilant au travers d’une muraille totalement recouverte d’orchidées multicolores. Plutôt que de jouer, nous avions surtout envie de prendre des photos et le parcours se vengea. Au dernier trou, un long par 5, le green très étroit était installé sur une île et, compte tenu du vent, ne pouvait être atteint qu’en tapant un bois. Nous y perdîmes nos dernières balles !
Et le rapport qui devait justifier mon déplacement ?
Cinq pages dactylographiées, avec plan et photos, pour expliquer que le logement des quelques 1500 athlètes de sport corpo qui y participaient n’avaient eu aucun mal à se loger….
Ce fut là ma seule contribution au projet du CNPF local, j’en ris encore !