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Billet de blog 5 octobre 2010

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Le silence, cri ultime ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au terme de toutes ces manifestations, hautes en couleurs, fort nombreuses et massives qui dénoncent à la fois la réforme des retraites, le peu de cas fait aux propositions syndicales, et plus généralement la manière agressive adoptée et assumée par un pouvoir qui en a oublié sa propre précarité, la question reste posée de savoir : que convient-il d’engager comme action pour leur faire entendre raison ?

Nous sommes des millions à nous poser cette question, conscients que la promesse d’une révision future de ce texte honni, consacrant l’injustice sociale, par une nouvelle majorité issue des élections de 2012 ne suffit pas à apaiser nos craintes.

Pourquoi ces institutions qui nous gouvernent deviendraient-elles, tout à coup, par le hasard des résultats d’un scrutin, moins aveugles, moins inégalitaires, moins irrémédiablement installées du seul côté des détenteurs du pouvoir de l’argent ?

Ce qui fonde notre désir de vivre ensemble n’est-il pas, au premier chef, la conviction absolue que le système social que nous nous sommes choisi est juste ? Et qu’au-delà des errements factuels, des querelles idéologiques, des conflits d’intérêts, la seule « main invisible » dont nous accepterions la sentence et les choix serait celle d’une justice impartiale ?

Quand B. Tapie bénéficie d’un appareil de justice exceptionnel pour engranger à son profit, au titre de réparation d’un préjudice moral, une indemnité 250 fois supérieure à celle touchée par un quidam pour le décès accidentel d’un proche; quand un ancien Président de la République ayant manifestement abusé des crédits de la Mairie de Paris se trouve enfin confronté à ses juges et que le Parquet ne requiert qu’un non-lieu; quand un procureur, cité dans une affaire, maintient contre vents et marées l’instruction de celle-ci sous sa propre autorité sans que son ministre s’en émeuve; quand un jeune trader se voit condamné à une peine qu’il ne pourra jamais honorer; quand, quand, quand…la coupe est pleine et le commun des mortels, bien que non partisan, cherche désespérément la bouffée d’oxygène , l’action libératrice qui lui permettra de faire entendre sa voix parmi le concert des récriminations.

Certains préconiseront la solution du Grand Soir où faisant fi du politiquement correct, ils imposeront par la révolte et la violence un ordre nouveau dont rien ne nous dit que ce dernier ne substituera pas aux inégalités actuelles d’autres maux plus maléfiques.

Tapis dans l’ombre de la multitude des défilés, ils agitent l’hypothèse d’une grève générale et reconductible sans se rendre compte que, ce faisant, ils alimentent la crainte du plus grand nombre : celle du désordre, d’un chaos où la perte des repères, des références individuelles et collectives fragilise toute tentative de reconstruction ex nihilo .

D’autres imaginent une agora où la libre confrontation des hypothèses permettrait de dépasser la contradiction d’intérêts divergents et d’où surgirait une solution médiane susceptible de recueillir l’assentiment et l’engagement de tous. Mais de tous temps, ces assemblées, où l’on cultive la parlotte, ont enseveli sous le poids des mots les maux de ceux qui n’ont jamais eu le droit à la parole ni rencontré la faveur d’une écoute attentive.

Afin de raffermir la solidarité entre les habitants, au siècle dernier, certaines villes de Sicile avaient créé hors des instances représentatives officielles des « circoli di conversazione » où tout sujet pouvait être abordé , ce qui n’empêcha pas la Mafia de s’y développer et d’y prospérer.

Si la violence et la discussion s’avèrent inopérants pour faire face au rétrécissement, programmé par certains, de nos libertés individuelles et publiques, vers quel refuge pouvons-nous nous diriger ?

Le repli sur soi ?

Ce serait consacrer la victoire de l’individualisme consumériste que la doxa actuelle tente par tous moyens de nous imposer afin d’avoir le champ libre pour inoculer sans coup férir à nos institutions collectives le venin d’un autoritarisme d’Etat précurseur d’un fascisme relooké à l’aide de logos bling-bling véhiculés par les faiseurs de mode.

Alors que les manifestations se succèdent, que les voix les plus autorisées s’inquiètent des dérives imposées à notre système démocratique sans que les tenants du pouvoir sarkozien ne prennent la peine d’y consentir un semblant de réponse, essayons d’imaginer que le repli sur soi puisse se transformer en « repli collectif » dont l’arme fatale serait LE silence manifeste, assourdissant car porté par la multitude unanime dans la réprobation.

Le silence est un cri que seule une réponse concrète et immédiate peut faire taire.

Au delà de la cacophonie couvrant les différents sujets qui conduisent à manifester, un énorme silence enveloppant le pays quand plusieurs millions de Français investissent la rue, voilà sans doute qui ne manquerait pas de questionner utilement une assemblée Sénateurs installée dans le confort du Palais du Luxembourg.

Imaginons ces immenses bataillons défilant dans un silence assourdissant.

Ne nous y trompons pas, il ne s'agit en rien d'un silence de connivence ni d'une démission née d'un "à quoi bon ?" qui favoriserait demain l'abstention. C'est encore moins celui de la résignation devant la force déployée par des autorités malfaisantes, non, c'est d'un silence guerrier qu'il s'agit, d'un silence qui s'annonce comme l'arme ultime pour revendiquer l'instauraion d'une nouvelle fraternité. Pas un silence parmi d'autes moins glorieux.

Un silence qui agrège les passions et les destins autour d'une revendication pour restaurer la dignité de tous, quelqu'en soient les origines, la race, le culte

Le silence, cri ultime ?

PS: à cet égard, je vous invite à regarder cette vidéo en vous portant de la 53ème minute à la 74ème afin d’y rencontrer les cercles de silence qui réunissent des gens comme vous et moi, croyants ou athées, et qui par leur seule présence silencieuse et non violente, toujours plus nombreuse, oppose un refus aux lois et aux décisions scélérates.

http://www.lejourduseigneur.com/programmation/France-2/La-force-de-la-non-violence

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