patrick 44 (avatar)

patrick 44

Abonné·e de Mediapart

129 Billets

2 Éditions

Billet de blog 25 mai 2010

patrick 44 (avatar)

patrick 44

Abonné·e de Mediapart

La Crise : I Had a Dream...

patrick 44 (avatar)

patrick 44

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je me souviens quand c‘est arrivé, c’était fin 2010, juste avant Noël, nous avions prévu de passer les fêtes chez nos amis en Calabre du coté de Catanzaro.

Alors que nous mettions la dernière main à nos bagages et luttions pour y faire une place aux derniers cadeaux à offrir, il nous fallut annuler en catastrophe notre déplacement.

Motif ? La crise nous avait rattrapés.

Non, pas une crise de nerfs, ni une crise de foie, pas même une crise de foi dont notre athéisme nous prémunissait, non la crise, la vraie. Celle, catastrophique qui tournait au dessus de nos têtes depuis deux ans déjà, la crise financière.

LE DECOR

Les "subprimes" d’outre atlantique nous avaient épargnés grâce à la mobilisation générale de milliards de crédits publics sortis d’on ne sait où par nos gouvernements respectifs. Seul Lhemann Brother en avait fait les frais et malgré Kerviel, même la Société Générale s’en était sortie miraculeusement.

Le ciel était avec nous, Sarkozy veillait au grain.

Plus tard, évidemment, à trop faire appel au crédit bancaire pour sauver les banques et autres institutions financières, celles-ci, indécrottables de bêtise, décidèrent en guise de remerciements de s’en prendre à leurs sauveurs et de mordre la main qui les avait nourries.

Sous la foi d’indications fournies par les agences de notation qui n’avaient pas vu venir la première crise, ces mêmes établissements financiers s’en prirent à la dette souveraine du plus petit pays de la zone €uro, la Grèce.

L’ancien gouvernement grec avait trafiqué les comptes du pays et le nouveau n’avait pu que constater le désastre. Sa qualité d’emprunteur étant justement affectée, les investisseurs hésitaient à lui faire de nouveau confiance et le taux des prêts atteignait des niveaux insupportables.

Membre de la zone €uro,la Grèce appela les autres membres à la rescousse pour qu’ils acceptent de garantir ses emprunts. Certains pays dont l’Allemagne se firent tirer l’oreille et déclarèrent que ce petit pays devait être d’abord puni et qu’il pouvait mettre en vente certaines de ses îles pour faire face à ce besoin de liquidités, bref, vendre les bijoux de famille.

En réalité, une simple élection régionale empêchait la chancelière d’accourir au chevet de ce petit pays.

Enfin, il fut sauvé quand les grands esprits qui nous gouvernent découvrirent que dans le paquet de dette souveraine et de dettes privées grecques qui menaçait de ne pouvoir être remboursé, figuraient surtout des créances détenues par les banques européennes, notamment allemandes, françaises, belges et hollandaises…

Il ne s’agissait donc plus de sauver la Grèce, mais plus prosaïquement de sauver nos propres banques !

LE REBOND

Mais comment expliquer au bon peuple qu’après avoir été gavées de crédits publics pour redonner de la liquidité au marché bancaire,il fallait dix huit mois plus tard, recommencer cette coûteuse opération, tout en se gardant de demander le moindre effort à ces mêmes établissements ?

La réponse crevait les yeux : pour sauver ces mêmes banques sans les nommer, il fallait insister sur le débiteur initial et le désigner comme le seul vilain petit canard de l’histoire. La Grèce serait donc désignée à la vindicte populaire et contrainte de respecter un plan de redressement draconien ayant reçu la bénédiction du FMI.

Ce qui fut dit fut fait et les bourses faisant la moue devant le plan de sauvetage, quelques jours plus tard, l’urgence commanda d’élargir ce plan grec en plan €uropéen doté de quelques 750 milliards d’€uros susceptibles d’aider aussi l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Irlande et pourquoi pas, la France.

Un tel effort financier devant nécessairement s’accompagner d’un plan d’économies rigoureuses à opérer dans le fonctionnement de tous ces Etats.

Austérité ? Rigueur ? La bataille fut sémantique.

Toujours en avance d’une idée farfelue, nos amis allemands réussirent même à nous vendre l’idée d’une inscription dans notre constitution d’une interdiction de voter un budget en déséquilibre.

Après avoir donné de tels gages au marché, aux banques et aux spéculateurs, les gouvernements crurent en avoir fini avec ces batailles de chiffonniers et s’en retournèrent, toutes affaires cessantes, à leurs préoccupations majeures.

Chez nous, c’était tout trouvé puisque le débat sur la Burqa ou le Hijab avait été astucieusement préparé pour occuper les esprits.

Telle était la situation, nous voguions nonchalamment vers un budget riquiqui où les niches sociales seraient sérieusement amputées, où les emplois publics continueraient à fondre comme neige au soleil, où les crédits destinés aux collectivités qui gèrent le social seraient rationnés. Bref, on s’apprêtait dans les campagne à supprimer les crédits culturels et les aides aux associations pour pouvoir continuer à prendre en charge la partie la plus visible de la misère sociale.

ET PATATRAS !

C’était sans compter sur les experts économistes qui s’aperçurent (un peu tard) que les plans de rigueur mis en œuvre risquaient de constituer autant de frein à la croissance.

Certains objecteront que notre Président qui s’était engagé à"aller chercher la croissance y compris avec les dents" , était le mieux à même d’y parvenir tellement ses dents rayent le plancher; mais force est de constater qu’en cet automne 2010, la croissance, comme dit mon cousin Hamed, la fameuse croissance : Wallou !

Et c’est pas demain qu’elle va repartir la croissance car les plans de rigueur mis en œuvre dans toute l’Europe vont avoir pour effet de contracter la demande et notamment la consommation.

Réduire les salaires ici, de 5%, là de 4% et en Grèce de 14%, c’est l’assurance d’une contraction la consommation qui représente en France 70% de la croissance du PIB.

Les médecines envisagées se révèlent n’être que des potions chères aux Diafoirus qui précipitèrent le monde vers la méga Dépression de 1930. Et actuellement, selon les experts, on y retourne, les yeux fermés.

C’est vers la fin octobre 2010 que le système donna des signes de faiblesse, le temps que les statistiques du troisième trimestre soient connues. Le plan de rigueur infligé à la Grèce se révélait inapproprié, ceux de l’Espagne et du Portugal, itou alors que l’Italie et la France émettaient des alarmes annonciatrices de désastre. La partie de poker touchait à sa fin, place à celle des dominos

Les agences de notations qui avaient souhaité donner du temps au temps durent se rendre à l’évidence, l’hypothèse apocalyptique d’un défaut simultané de plusieurs pays européens n’était plus une chimère pour spéculateurs mouton de Panurge,mas bien une réalité effrayante qui allait signer la mort subite de la quasi-totalité des établissements bancaires en Europe.

Sans possibilité de se refinancer auprès des Etats, devenus exsangues, ces banques allaient garder par devers elles leurs liquidités, ne plus les faire circuler et, bis repetita, le marché interbancaire, comme pour les "subprimes", serait une fois de plus asséché et définitivement bloqué.

Si les dettes souveraines pèsent quelques 700 milliards d’Euros, un rééchelonnement de celles-ci accompagné d’une restructuration (qui a été refusé à la Grèce) se traduirait par une perte de créances de l’ordre de 250 à 300 milliards d’€uros à inscrire aux bilans des banques.

A l’évidence, ces pertes vont être mortelles car elles engendrent des effets systémiques dont nous avons pu mesurer la réalité lors de la crise des "subprimes".

EPILOGUE

Certains analystes cherchent toujours à revenir aux "fondamentaux", nous, nous contenterons d’un seul rappel : qui nous a amené dans cette galère si ce ne sont les banques, les bourses, les agences de notation et un système pourri que l’on qualifie d’ultra-libéral ?

Peut-on encore nous refaire de coup de sauver (comment ?) les banques au seul motif que l’on aurait en même temps sauver nos avoirs en banque, nos placements ?

Pendant une semaine le gouvernement et Sarkozy pensèrent qu’avec l’aide de Buisson Minc et consorts, ils nous feraient avaler la couleuvre.

La difficulté de la tâche était d’autant plus insurmontable qu’un journal, Mediapart, publiait tous les jours des comptes où il apparaissait clairement qu’à force de renflouer les banques, la très grande majorité des Français allait se retrouver débitrice d’une somme très largement supérieure aux avoirs que cette politique était officiellement censée protéger.

Le dernier titre de Une de Mediapart venait d’être repris par nombre de magazines et affichait :

"cocus oui, mais on ne paye pas la chambre"

Visiblement l’affaire n’était pas jouée d’avance, nos édiles, comme d’habitude, tergiversèrent et le « marché » impatient se mordait lui-même la queue risquant de précipiter une quasi-faillite généralisée.

Toute la nuit une cellule de crise, réunie à l’Elysée, avait planché sur de multiples hypothèses, dévaluation de l’€uro, Méga emprunt européen, interdiction des ventes à découvert, fermeture autoritaire des Bourses de valeurs. Tous ces remèdes potentiels se révélaient comme autant de placebos.

Tôt dans la matinée, le Président décida de consulter les leaders de l’opposition pour les mouiller un peu dans une des solutions envisagées afin de ne pas être le seul à subir les conséquences d’une politique économique dont il revendiquait, encore hier, la paternité.

Rien de concret ne sortait de ces conciliabules entre gens qui se détestaient.

C’est alors, selon les médias, que passant par là sans y avoir été invitée, une ancienne candidate à la Présidence de la République, rappela à tout ce beau monde qu’après la déclaration de faillite des banques, il serait trop tard et que le seul moyen disponible restait celui de faire porter aux actionnaires la totale responsabilité de cette situation kafkaïenne et que la saisie des banques et établissements de crédit devenait une priorité immédiate pour sauver les encours des particuliers.

L’entourage UMPiste se rengorgea en rappelant opportunément que la Constitution faisait obligation d’une indemnisation juste et préalable avant toute nationalisation.

Ce à quoi, elle répondit que des indemnités préalables, ces banques en avaient déjà bénéficié et que les aides sous forme de crédits à bas prix dégagées par la BCE en faisaient partie, que tout cela se plaiderait sans doute, mais qu‘il y avait urgence..

C’est en cette fin de matinée alors que nous devions partir pour la Calabre que fut annoncé la saisie des établissements de crédit en France, se distinguant en cela des exemples donnés deux jours plus tôt en Espagne, au Portugal et en Italie qui eux avaient nationalisé.

Le Parlement fut convoqué en urgence, et au terme d’un débat houleux au cours duquel certains parlementaires UMP se jetèrent du haut du balcon réservé aux visiteurs, la saisie des avoirs bancaires fut décidée, et les banques nationalisées sans contrepartie, celle-ci leur ayant déjà été versée deux ans plus tôt.

Du coup, on resta en France pour fêter joyeusement Noël et la nouvelle année 2011.

Nantes PCC le 04.01.2011

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.