Dans le film «Notre Monde», Luc Boltanski nous clame : « à bas l’excellence ». Oui, mais pas n’importe laquelle. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain !
- L’eau sale, c’est l’excellence réclamée par les organisations. Mais au nom de cette excellence on fait n’importe quoi avec les gens. Ceux-ci ne sont que des moyens au service de la "corporate excellence" !
- Le bébé, c’est l’excellence personnelle, de chacun, de vous, de moi, de tous. C'est celle qui ne demande qu'à s'exprimer, parce que, quand elle s'exprime c'est soi qui s'exprime, dans sa profondeur d'être. Ça n'est pas l'organisation qui s'exprime à travers nous. C’est cette excellence-là, portée en germe par le bébé, qui fait l’objet de ce billet.
Commençons par dire qu’à voir le film, on peut comprendre que chacun ne trouve pas les conditions pour s'exprimer comme il aimerait le faire. En creux, le film nous dit d'exprimer notre plein potentiel, il nous demande de le libérer de sa gangue. C’est l’émancipation personnelle. Or celle-ci n'est pas permise, ou si rarement, par notre monde tel qu'il est. Mais, qu’est-ce qu’« exprimer notre plein potentiel » ? Eh-bien, c’est justement sortir de nous notre excellence personnelle ! C’est ça que nous avons à faire dans notre vie.
Ce travail-là sur soi -qui est se produire soi-même, ou plutôt qui est de produire qui on est- ne dépend pas que du monde extérieur. C’est aussi une affaire de monde intérieur.
Il faut bien voir qu'il n’y a pas le monde extérieur d’un côté, le monde intérieur de l’autre. Ces deux mondes sont reliés. Quand nous agissons, nous agissons sur les deux mondes. Chacun de nous a donc aussi à produire, dans cet autre monde-là, intérieur, les conditions favorables ! Ce monde-là est à elle ou à lui. Ce monde lui appartient. C'est à elle ou à lui d'y oeuvrer, en plus d'oeuvrer dans le monde autour de soi.
Alors l’excellence ? Pourquoi utiliser ce mot ? Alors que ce mot est dévoyé par l’économisme dominant du monde. Au nom de l’excellence, exigée à fin de rentabilité financière, on nous déracine de qui on est. Oui ! À bas cette excellence-là ! Et consolons-nous, la mettre à bas rehausse d’autant l’exigence d’excellence personnelle !
L'excellence personnelle s’impose à nous, sans nous être imposée de l’extérieur. Elle s’impose naturellement, du fait de notre condition humaine. Il s'agit de sortir de soi ce dont on est porteur, chacune, chacun. C'est-à-dire qu'il s'agit d'actualiser notre potentiel à être. Et à être qui nous sommes, uniques, chacun original, relié.
C'est dire le chemin ! Va vers qui tu es dit le philosophe. Pour cela, comme ça a été dit dans le billet précédent de ce blog, allons dans notre grotte, dans notre intériorité, à chacune, à chacun. Èclairons-y nos ombres. Et ressortons-en, conscients, pour mieux nous en sortir dans la vie ! Apparaissons alors au grand jour, dans la lumière, dans notre vérité d’être.
C'est à un bel avenir qu'est promise l'excellence personnelle.
Exceller ! Le mot dit ce qu’il en est. Il s’enracine dans la nuit des temps. Il vient du latin ex-cello = hors de la cellule. L’idée est celle de sortie de la cellule, avec une notion d’élévation. http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=excellere. Ainsi, comme pour chacun dans le film, le défi est de sortir de soi, la profondeur de sa vérité. Cela élève, en même temps que ça élève le débat autour de soi.
En final, il s'agit d'exceller à être soi. Et non pas devenir celui que les autres veulent que l’on soit ! Même si bien sûr, c’est aussi au contact des autres que l’on devient soi !
C’est bien dans le monde, au contact des autres, et c'est aussi par son monde intérieur, au contact de soi, que l’on devient qui l'on est. Et par chacun, c’est le sort de l’humain qui est en jeu.
Patrick Banuls. Paris, le 22 mars 2013