Le gouvernement du Caillou, n’est plus ce qu’il était ; on le savait juste avant Noël et après l’élection d’Alcide Ponga. Mais les loyalistes ont accaparé tous les pouvoirs importants, dont l’économie et la fiscalité. C’est une évidence[1] ; celui qui a le plus écopé, c’est Gilbert Tyuienon, l’un des piliers de l’UC : « C’est le dixième gouvernement dont il fait partie, et son champ d’action s’est amenuisé » indique sobrement l’article. Évidemment, les indépendantistes (5 voix sur 11, comme prévu) se sont opposés à ces attributions et râlent[2] : « C’est inacceptable »… mais ils sont bien obligé de l’accepter.
Mais cette nouvelle n’est pas un scoop : on pouvait s’en douter.
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1 – Le premier congrès du Front international de décolonisation, vient de se tenir à Nouméa[3]
« Initialement esquissé par le controversé groupe d’initiative de Bakou, écrit l’article, le Front international de décolonisation organisait son premier congrès constitutif… […] Cette nouvelle organisation entend "débarrasser définitivement nos pays et la planète de toute présence coloniale". […] Les mouvements indépendantistes de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Polynésie ou encore de Corse ont ainsi dépêché sur place des représentants, marquant la première réunion d’envergure du FID. Un évènement coïncidant avec le 44e congrès du FLNKS, auquel ont d'ailleurs été conviés les principaux concernés ». Le Bakou Initiative group (BIG), (« L’ombre de Bakou ? » note l’article) est évidemment derrière cette initiative qui décoiffe les loyalistes (hurlements de Metzdorf) et même le ministre des Outre-mer, Manuel Valls[4] qui estime que Bakou « met en œuvre des opérations d’ingérence et de déstabilisation » sur les territoires ultramarins ; mais il n’appelle pas à l’envoi de troupes en Azerbaïdjan…
Les indépendantistes tempèrent : « Des accusations niées par Mickaël Forrest, continue encore l’article, en charge des relations extérieures du FLNKS, invité du journal radio de midi lundi 27 janvier. "L'Azerbaïdjan est absente de ce congrès", a-t-il affirmé, estimant que les messages de soutien en provenance de Bakou devaient être pris de la même manière que ceux venant "du Kenya, du Vanuatu et de Cuba". "Ce n’est pas la première fois qu’on tente cette initiative (d’un front international). On avait déjà essayé en 1985 en Guadeloupe puis au début des années 2000", a souligné Mickaël Forrest ».
Sans aimer le régime de Bakou (qui préfère Poutine à Macron, n’aime pas la France qui aime l’Arménie) on peut comprendre que des indépendantistes de tout poil, dont des Corses, s’accrochent aux branches qu’ils peuvent. On peut les comprendre sans les justifier : pourquoi ne se contentent-ils pas de l’ONU ? Et l’on entend moins de rodomontades des démocrates (heureusement, il y en a !) contre ceux qui proposent, comme Sonia Backès, une sort d’apartheid en Calédonie...
2 – La désunion des indépendantistes progresse…
Le dernier Congrès du FLNKS[5] (toujours sans l’UNI) s’est tenu les 25 et 26 janvier 2025 à la fameuse tribu de Saint-Louis, où habitait (jusqu’à sa déportation dans l’Hexagone), Christian Téin, le président du FLNKS. Message fort, comme on dit. Rock Wamytan, ex-président du Congrès et chef coutumier de Saint-Louis, a aussi envoyé un autre message fort : « Il faut fermer cette parenthèse de la colonisation cette année. Il faut fermer la porte. [...] On va encore souffrir, il y aura encore des morts, mais on va continuer, parce que l’on vit une sorte d’esclavage ». Ces mots n’ont pas plus à tout le monde…
Dominique Fochi, le secrétaire général de l’Union calédonienne, va reprendre, un peu différemment ces mots en clôture du congrès qui allia dureté et ouverture : « Les arrestations abusives, les morts, la justice partiale, nos militants n’ont plus confiance en l’État français. Mais ils ont choisi de repartir sur la voie du dialogue […] Mais pas n’importe comment ». Voie du dialogue, mais avec des conditions posées : un accord « au plus tard le 24 septembre 2025 » (toujours cette fameuse date de la prise de possession par la France en 1853) ; un calendrier fut acté à ce congrès « avec des phases à l’issue desquelles devra être signé l’accord de Kanaky. [… ou devra figurer] une date d’accession effective de Kanaky à la pleine souveraineté. […] La révolte du 13 mai n’est qu’une continuité des révoltes kanak depuis la prise de possession. C’est sur ces éléments que nos responsables partent à la discussion, pour clore le chapitre colonial du pays. C’est l’un des préalables formulés par le FLNKS. Il y en aura au moins un autre : “la question des prisonniers politiques”, dont certains sont “déportés”, et singulièrement le président du mouvement, Christian Téin, en détention provisoire à Mulhouse. Cette question devra être tranchée au cours de discussion bilatérales avec l’État.
Si ces conditions sont acceptées, des négociations pourront s’ouvrir, « obligatoirement ici », et non à Paris ; et « sous la supervision des Nations unies » : ce n’est ainsi qu’une porte entrouverte. Un détail de cette histoire : le FLNKS ne parle plus de l’indépendance-association…
L’UNI-Palika est toujours plus cool : Tutugoro, tout sourire sous son éternel chapeau, envoie un autre son de cloche[6].
L’article, qui plaira aux loyalistes, note : « "On a besoin d’apaisement et de calme pour le devenir politique du pays", affirme le président de l’UPM Victor Tutugoro. […] Une ligne à contre-courant des déclarations portées lors du 44e congrès du FLNKS ce week-end. […] Le FLNKS est engagé aujourd'hui dans la logique qui est la sienne. Nous ne partageons pas cette logique-là", a indiqué Victor Tutugoro, reconnaissant toutefois que les composantes du front "restent des partenaires pour le combat politique et le projet politique que l’on porte" ». Pour ceux qui douteraient d’une volonté effective de négociation, il précise : « "Ce qui s'est passé le 13 mai, les actions qui ont été faites, ne ne vont pas dans cette stratégie de négociation". L’objectif final d’indépendance "reste le même" des deux côtés mais "il y a ceux qui le portent de manière plus modérée, dont on fait partie avec le Palika, et il y a ceux qui sont beaucoup plus vindicatifs dans leurs propos et dans la manière d’amener les choses.[…] On ne peut pas continuer à aller dans la déstabilisation", a pointé Victor Tutugoro, dont le parti penche en faveur d’un "projet de souveraineté partagée avec la France, qui reste une grande nation, parce qu’on a besoin de se reposer sur des grandes nations notamment pour la défense et la justice" ».
Ce projet serait-il ainsi précisé : les deux pouvoirs régaliens, justice et défense, seraient-ils gardés par l’État et non partagées ? En outre, cette souveraineté partagée, ce ne serait pas pour tout de suite : « "Une stabilité s’instaurera de facto, les esprits seront apaisés".[…] a estimé Victor Tutugoro. Dans cette optique, l’UNI souhaite "négocier le temps et les modalités pour atteindre son objectif. En l’état, le groupe estime raisonnable un délai de deux mandatures du Congrès, soit dix ans, pour y aboutir" ».
Enfin, dans l’interview au JT, Tutugoro, utilise encore astucieusement l’expression « souveraineté partagée » ; il avance sur le dégel du corps électoral possible à 10 ans de résidence ; concernant la sortie de Wamytan au dernier Congrès du FLNKS, il commence par botter en touche, mais finit par regretter les mots employés par l’ex-président du Congrès de Nouvelle-Calédonie.
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Conclusion
Le burn out, c’est rien ! Le pire annoncé plus haut, c’est le burnes-out. Et quand ça de détache, c’est très désagréable. Ce détachement, après plus de 15 ans de recherches, et avec abnégation, sur la Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante me guettait, après le billet précédent. Et sortait encore renforcé par ce présent billet. J’avais beau écouter en boucle la chanson d’Anne Sylvestre[7], Tiens -toi droit, je n’avais plus le cœur au ventre.
Ce burn out-burnes-out vient heureusement de trouver un remède (provisoire ?) à cette déprime. Je viens d’apprendre, le 27 janvier, que la Chambre Territoriale des Comptes du Caillou, la CTC analysait la situation des finances publiques en 2023[8] ; ce qui confirmait la plupart de mes analyses, il est vrai bien aidées par les trois interventions de l’ISEE.nc de fin 2024 ! En outre, un bonheur n’arrivant jamais seul, je venais aussi d’apprendre, deux jours plus tard, que l’enquête sur les émeutes était dépaysée à Paris [9]! Belle victoire, tardive, des avocats de Christian Téin.
Le reste a peu d’importance : le dialogue avec les indépendantistes semble rouvert[10] par l’État français (dès le mardi 4 février, des délégations seront reçues par le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, et c’est le Premier ministre, François Bayrou, qui invite[11]) ; les loyalistes sont ravis et remettent le couvert sur la Fédéralisation du Caillou[12] (ce n’est donc pas un nouveau scoop) ; le Sénat coutumier se penche sur les quartiers populaires[13] du Grand Nouméa où, contrairement à la quasi-guerre civile des années 1980 qui a surtout eu lieu en Brousse, se sont déclenchées les émeutes de mai ; comme annonçant la fin de la période de l’insurrection, le verrou qui fermait, la nuit, la route de Nouméa au Mont-Dore et au grand Sud est levé : la route traversant Saint-Louis sera ainsi rouverte (pour combien de temps ?) le lundi 3 février ; le Betico (prononcer Betidjo), le bateau qui joint les îles, a encore des problèmes et une dépression tropicale est annoncée.
Et en avant pour un nouveau billet sur l’économie du Caillou !
Notes
[1] Voir l’article de 21 janvier :
[2] Voir :
[3] Voir :
À peine les portefeuilles attribués au gouvernement, ce premier congrès s’est tenu le 23 et le 24 janvier.
[4] Voir :
L’article cite le message vidéo du BIG : « Le choix de tenir la réunion en Kanaky revêt une profonde signification symbolique, a déclaré Abbas Abbasov. En 2024, le monde a été témoin des événements tragiques et injustes survenus en Nouvelle-Calédonie, où les autorités françaises ont violemment réprimé les manifestations pacifiques de la nation kanak. Cette répression brutale a entraîné la mort de 13 innocents et plus de 200 blessés ».
Voir aussi :
[5] Voir :
Voir aussi :
[6] Voir l’article du 27 janvier :
[7] Voir :
https://www.youtube.com/watch?v=GTazGfOuiOU
[8] Voir, CTC, La situation des finances publiques locales 2023 en Nouvelle-Calédonie :
[9] Voir :
https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/justice/l-enquete-sur-les-emeutes-depaysee-a-paris
[10] Voir (30 janvier) :
La délégation du FLNKS, présidée par Emmanuel Tjibaou, sera en outre composée de Omaïra Naïsseline, Mickaël Forrest, Roch Wamytan et Aloïsio Sako.
[11] Voir l’article du 1er février 2025 :
[12] Voir :
Mais Sonia Backès précise : « Il ne s’agit ni de partition, ni d’apartheid », juste, en substance, que chaque province aurait davantage de pouvoir et d’autonomie pour permettre à chacune d’instaurer son modèle de société voulu ; en oubliant de mentionner la fin des discriminations positives économiques et politiques... Et Backès de répéter à l’envi, comme tous les autres loyalistes radicaux : « Ce qu’on défend tous, c’est une forme de fédéralisme interne qui correspond à l’esprit des accords de Matignon [de 1988] ». Metzdorf dit les choses autrement : « L’accord de Nouméa [de 1998] n’a pas fonctionné. L’idée, c’est de repartir sur l’esprit des accords de Matignon [de 1988] qui avait réparé la Nouvelle-Calédonie ». On remarquera en outre que ces « non- indépendantistes » se réduisent aux loyalistes radicaux : pas de Calédonie ensemble, ni sur les photos, ni dans les commentaires…
[13] Voir (même date) :