Ce qui est sûr, c’est que la nouvelle négo aura bien lieu, « sans échéance prédéterminée » (donc un certain temps…) à Bougival en belle banlieue ouest de Paris, à l’hôtel quatre étoiles Hilton, un peu comme lors du conclave, il y aura deux mois, à l’hôtel Sheraton de Déva[1] ; mais de là à envisager un Accord de Bougival sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie… En parallèle, se tiendra un forum économique et social (dit « collège économique et sociétal » avec acteurs économiques et institutionnels) au ministère des Outre-mer, jusqu’au vendredi 4 à la mi-journée.
…
1 – Les réactions sur le Caillou
Le FLNKS y sera, après, comme d’habitude, avoir fait mine d’hésiter ; les loyalistes radicaux aussi, mais sans hésitation.
Le premier qui ne précisait pas qui composerait la délégation, dénonçait cependant[2] « "un manque de clarté" sur ce rendez-vous et ne négociera que sur les bases d’une "nation avec des liens d’État à État avec la France", le "socle" de ces discussions. Car le mouvement reste "ferme" : "la stabilité politique et économique s’obtiendront uniquement dans le processus d’accès à la pleine souveraineté" ». Le socle sera pour lui la proposition de Valls : « "L’État, par le biais du ministre des Outre-mer, a soumis un projet posant les bases d’une nation avec des liens d’État à État avec la France", rappelle le FLNKS qui "exhorte" la France "à respecter sa parole et reprendre les discussions au stade où elles ont été laissées à Déva". Le mouvement réaffirme que cette proposition constitue "le socle des nouvelles négociations à Paris et qu’aucun échange ne se fera en deçà" ». L’Objectif « ultime » reste (au moins dans le discours) au-delà de la proposition de Valls qui n’est au mieux qu’une indépendance-association : « l’accession à la pleine souveraineté ». À cet égard, le FLNKS déclare participer au forum économique et social « car la crise est grave » mais en « mettant en garde l’État contre toute tentative d’utiliser ces problématiques pour influer sur les discussions politiques »[3].
Les seconds sont encore convaincus (ou feignent de l’être) que Macron ne suivra pas Valls. Et il faut rappeler que l’absence d’accord les arrangeraient : ils l’affirment depuis des mois ; et tant que l’on procrastine, c’est du temps de gagner. Imaginons un accord proche de celui proposé par Valls autour du 14 juillet ; imaginons que le gouvernement Bayrou saute (voir le point 2) ; imaginons que Macron réédite la dissolution et que le RN gagne les législatives… Retour en force de la Calédonie française…
Troisième larron[4], le parti Calédonie ensemble a encore précisé[5] sa pensée le 20 juin 2025 lors d’une conférence de presse : OK pour le projet de Valls, mais après une « période de stabilisation » de dix à quinze ans... Ce petit détail n’est pas sans importance ; on va y revenir.
Philippe Gomès qui avait toujours clamé être contre tout ce qui ressemblerait à une indépendance-association (un « suicide politique » pour qui le proposerait chez les loyalistes ; les loyalistes radicaux le taxant néanmoins toujours, rappelons-le, de socialiste et d’indépendantiste) a aujourd’hui le culot d’affirmer que la solution de Valls est « la validation de ses idées [celles du parti Calédonie ensemble, PC] contenues dans le document pour un "grand accord" dévoilé en janvier 2024, fruit d’un travail concerté avec l’UNI et l’Union calédonienne – qui avait fini par s’en désolidariser après un désaccord sur le droit à l’autodétermination ». Et il en rajoute : « "Je ne suis pas sûr que le projet Valls ait bien été compris, et puis il y a eu une campagne de désinformation menée à son sujet", estime Philippe Gomès, qui a ainsi souhaité en préciser les contours et "rétablir" des vérités. D’abord sur la délégation des compétences régaliennes à la Nouvelle-Calédonie, qui seraient ensuite immédiatement retransférées à la France. "J’ai entendu dire qu’on pourrait sortir unilatéralement du dispositif, du jour au lendemain. C’est faux, pour dénouer ce partenariat régalien, il faut que le Congrès de Versailles et le Congrès calédonien le décide aux 3/5e de leurs membres." Ensuite sur le principe de double nationalité qu’offrirait ce nouveau statut : "il prévoit d’autoriser d’avoir deux nationalités, française de droit et calédonienne, il ne s’agit pas de renoncer à la nationalité française", rectifie l’ancien député. Enfin, sur la comparaison du projet Valls avec d’autres exemples d’État-associé ou d’indépendance-association (îles Cook, Palau, etc.) : la proposition de Manuel Valls, notamment à travers son principe de loi fondamentale et de partenariat régalien, ne possède "aucun équivalent dans le monde", affirme Calédonie ensemble ».
Et le parti Calédonie ensemble continue, selon l’article : « Un "projet singulier et innovant" donc, et conforme aux exigences de l’ONU, car bâti sur une des quatre voies de l’exercice du droit à l’autodétermination : "l’acquisition d’un statut politique librement décidé et approuvé par les populations intéressées". En dehors du projet de Manuel Valls, Calédonie ensemble mise, pour parvenir à un accord global dans les prochaines semaines, sur les points de convergence entre les partenaires politiques calédoniens identifiés lors des différentes phases de discussions, entamées en février : l’ouverture du corps électoral, le renforcement des compétences provinciales, l’évolution de la gouvernance du pays, la loi fondamentale… Autant de sujets consensuels qui pourraient être mis en œuvre au cours d’une "période de stabilisation de 10-15 ans". Un délai qui, outre des avancées sur le plan institutionnel, permettrait selon Calédonie ensemble de renouer avec une stabilité économique et sociale. "C’est la période de stabilisation qui va nous permettre à la fois de sécuriser, de tracer une perspective et de sauver le territoire", estime Philippe Dunoyer. Adossée à un "pacte financier" et un "pacte nickel", elle garantirait aussi la poursuite de l’accompagnement de l’État. Au terme de cette période, "l’accord global doit prévoir qu’un projet sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie puisse être coconstruit par l’ensemble des forces politiques calédoniennes avec l’État, avant d’être validé à la majorité des 3/5e des membres de l’assemblée, et ensuite d’être soumis aux populations intéressées par référendum", propose Calédonie ensemble. À défaut, une autre consultation, qui opposerait cette fois le projet de souveraineté partagée à celui de "fédéralisme asymétrique" défendu par les Loyalistes-Rassemblement, pourra être organisée par l’État, suggère la formation politique. Avec ces propositions, Calédonie ensemble espère concilier les aspirations de l’ensemble des délégations politiques, et aboutir à un consensus "au plus tard le 14 juillet", date de la fête nationale française. Quant à la signature d’un accord, le parti propose une autre échéance, non moins symbolique : le 24 septembre 2025 ».
Malgré les 10 à 15 ans de délai (toutefois, ce n'est pas qu’un petit détail...) Calédonie ensemble semble avoir, enfin, franchi le Rubicon[6].
Malheureusement, le parti de Gomès vient de prendre une tuile[7] (la condamnation à de la prison ferme, mais avec bracelets électroniques… et inéligibilité, en particulier de Philippe Gomès et Philippe Michel) dans l’affaire des emplois fictifs créés, selon le jugement, par le parti entre 2014 et 2018. « "Sa parole ne peut plus être entendue après cela" , a commenté depuis Paris la cheffe de file des Loyalistes, Sonia Backès, farouche adversaire du leader de Calédonie ensemble, contestant ainsi sa présence à la table des négociations. Reste que, pour l’instant, Philippe Gomès dispose toujours de ses mandats tant que le haut-commissariat n’a pas publié l’arrêté. Ce dernier pourrait attendre la fin des discussions avant de le produire, évitant ainsi de parasiter les discussions en cours ».
2 – La menace de Retailleau, Wauquier et divers
Les dirigeants de LR (les Républicains) en profitent pour menacer le gouvernement si jamais le projet de Valls était adoubé par Macron[8]. Bruno Retailleau vient de nommer conseiller spécial Alcide Ponga, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et du parti local Le Rassemblement, allié de LR ; et il a déclaré : « Si demain le gouvernement, dans son ensemble, devait être conduit à porter une ligne d’indépendance pour la Nouvelle-Calédonie, alors il est absolument évident que nous quitterions le gouvernement sans délai ». Laurent Wauquier est sur la même ligne : « L’avenir de la Nouvelle-Calédonie s’écrit dans la France. […] Le premier devoir, ce que je considère être ma première bataille, c’est d’être les vigies pour protéger une Nouvelle-Calédonie dont le destin s’inscrit dans la France. […] Nous n’accepterons jamais une solution qui ouvre la porte à une sortie de la Nouvelle-Calédonie de la France et de la République. La droite républicaine ne soutiendra pas un gouvernement qui proposerait ça, jamais ». François-Xavier Bellamy, de retour du Caillou, ne dit pas autre chose.
3 – Vent mauvais pour l’indépendance ?
C’est parti à Paris, le 2 juillet à 15 heures ; mais on n’en sait pas plus, ni le soir ni le lendemain matin… Deux prises de position importantes toutefois.
La première est celle des loyalistes radicaux qui ont réitéré la veille[9] qu’ils seront unis afin de « réaffirmer leur attachement à une Nouvelle-Calédonie française » et en reprenant leur proposition de Déva : « Nous plaiderons pour le transfert de compétences supplémentaires aux provinces, particulièrement celles leur permettant, comme la compétence fiscale ou le droit du travail, de développer un modèle de société adapté à leurs réalités ». C’est joliment dit, mais ça rappelle un peu la sortie de Sonia Backès selon laquelle l’eau et l’huile ne se mélangent pas : chacun chez soi, et avec ses propres ressources fiscales (fin de la discrimination économique positive). Il s’agit de la proposition dite de « souveraineté asymétrique » que ces loyalistes ont détaillé au milieu de juin[10] ; asymétrie car chaque Province se gère selon sa culture et avec la dominance écrasante de la Province Sud (en population où les Non-Kanak sont majoritaire, et en richesse économique) fédéré avec les deux autres Provinces Nord et des Îles, qui vont se développer de façon séparée (mais, bien sûr, pas d’apartheid…).
L’article indique cependant : « Une partition qui ne dit pas son nom ? Mais ce mécanisme à deux vitesses est vivement critiqué par plusieurs opposants politiques. Les indépendantistes et une partie des non-indépendantistes y voient une "partition" du territoire. Le ministre de l’Outre-mer, lui-même, a parlé d’une "partition de fait". C’est aussi la vision que partage le juriste Ferdinand Mélin-Soucramanien, qui a consacré sa thèse sur "le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel". "Juridiquement, c’est interdit. L’Accord de Nouméa le prévoit expressément. Mais l’Histoire rejette aussi complètement [cette idée]. En Calédonie, il y a un passé, avec des Kanak qui ont été parqués dans des réserves et qui interdit d’imaginer qu’on puisse revenir à cela. Ça me paraît inconcevable". L’Histoire mondiale l’a démontré aussi, selon le constitutionnaliste. "Chaque fois qu’on a essayé de le faire, au Soudan, à Chypre, cela a toujours conduit à des catastrophes. À fortiori, si la séparation, le découpage, reposent sur des considérations ethniques. Il existe une jurisprudence ancienne de la Cour européenne de justice, qui exige que l’intégrité territoriale des territoires anciennement colonisés soit maintenue après la décolonisation" ».
De l’autre côté, le FLNKS, selon Emmanuel Tjibaou, émet de plus en plus de réserves[11] : « Au pays, on se pose beaucoup de questions sur la pertinence de ce format-là ; la méthode ayant permis jusqu’ici de garder les gens à la table est remise en cause ». L’article met peut-être l’accent sur un rapide échec possible des discussions en rappelant que le Front affirme encore qu’aucun compromis ne pourra être envisagé « en deçà » du socle proposé par Valls à Déva ; mais surtout en relatant la petite remarque de Tjibaou : « Vous saurez tout de suite si ça fait long feu ou pas » et en notant « De son côté, le président de la République reste discret sur ses intentions réelles ».
Discrétion relative, car un autre article[12] note une sortie de l’Élysée dans un communiqué à la veille du sommet qui laisse présager l’arrivée possible d’un orage : « … la volonté du président de pousser les acteurs "à repenser le statut du territoire et à bâtir un avenir nouveau", tout en rappelant que "trois référendums (…) ont confirmé la place de la Nouvelle-Calédonie dans la République" ». Une manière de souffler un peu de froid pour les indépendantistes et un peu de chaud pour les loyalistes partisans de la Calédonie française.
Et ce n’est pas tout : un article du 3 juillet[13] va refroidir les indépendantistes. Premier détail, qui n’est pas anodin, indiqué par cet article : « La rencontre a débuté dans l’après-midi, à l’Élysée, par une coutume d’accueil. S’exprimant au nom du président de la République, son directeur de cabinet Patrice Faure (ancien haut-commissaire de la Nouvelle-Calédonie) a remis plusieurs présents à une délégation du sénat coutumier calédonien, dont "un stylo, celui avec lequel on espère que nous signerons au moins un compromis, si ce n’est un accord", dans les jours "ou les semaines qui viennent". "Ici, comme en Calédonie, les gens souffrent de vous voir souffrir", a-t-il ajouté, rappelant le contexte économique et social catastrophique du pays, ravagé par les émeutes ». Mais le principal suit : « La rencontre à l’Élysée a duré plus de deux heures. Selon une personne ayant participé à la rencontre, le chef de l’État n’a pas formulé d’annonce formelle mais a posé un cadre, insistant sur la nécessité d’une approche pragmatique et sur la "réalité géopolitique" dans le Pacifique. Il a évoqué la possibilité d’un "délai long" d’au moins 20 ans de maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France [je souligne, PC], afin de permettre au Caillou de "se remettre" de sa situation actuelle ».
Si ce n’est pas un message aux loyalistes radicaux, c’est quoi ? Rappelons que ces derniers (ils l’indiquent depuis le 9 mai 2025) se contentent d’une situation sans accord : et Virginie Ruffenach l’a répété[14] : « Alors comment sortir de l’impasse ? note l’article. L’élue du Rassemblement Virginie Ruffenach propose de travailler sur une solution transitoire, plutôt que définitive, chacun étant conscient que les plaies ouvertes par les émeutes de l’année dernière doivent être pansées avant d’envisager un accord global : "La solution définitive d’indépendance n’est absolument pas acceptable par les partisans de la France. Et on le voit bien, les indépendantistes refusent une solution définitive au sein de la République. Peut-être que la solution est de donner un peu de temps au temps, et déjà de reconstruire une Nouvelle-Calédonie effondrée" ».
Bref, la procrastination est à l'ordre du jour...
Le même article note, faisant souffler un peu de chaud pour les indépendantistes, que Macron cède cependant la barre à Manuel Valls (pour vaquer à d’autres occupations ; ce qui n’est pas indiqué). Recadré ou pas le ministre des Outre-mer ? Milakulo Tukumuli, de L’Éveil océanien, semble clore le débat : « C’est la dernière étape. Après Macron, il n’y a plus personne. Enfin, si, il y a Dieu » ; il n’y a plus qu’à attendre Godot !
Le reste de l’actualité du Caillou n’est que détails[15]. Les adeptes du dégel du corps électoral local viennent de remporter sur le Caillou une victoire[16] ; le gouvernement s’attaque encore aux fonctionnaires[17] ; Christian Téin, libéré, s’est exprimé le 18 juin lors d’ une conférence de presse avec ses avocats[18] : « "J’ai toujours contesté l’ensemble des charges qui me sont reprochées", lance d’emblée le président du FLNKS. [...] "C’est un beau gâchis", "je suis terriblement triste pour mon pays", a insisté le dirigeant, élu à la tête du FLNKS durant sa détention : "J’étais, comme tout le monde, déconcerté", a-t-il raconté, évoquant ce matin où il s’est réveillé "avec l’insurrection dans les quartiers de Nouméa". Mais "il n’a jamais été question de sacrifier des vies", a-t-il assuré, mettant en cause les "charges" des forces de l’ordre "contre les jeunes": "Et puis malheureusement après ça, c’est un peu comme ce qui s’est passé dans vos quartiers, ça s’est enchaîné" ». La justice dira si elle le croit.
…
Ajout du soir (du 3 juillet), espoir…
En fin de soirée, sur France Info, le Portail des Outre-mer[19], sont rapportés quelques fuites du quotidien Le Monde[20] sur le projet de Macron ; son titre dit tout : Nouvelle-Calédonie : Emmanuel Macron prône un accord transitoire vers un État-associé. Autrement dit, vers (radotons, voir nos précédents billets et les thèses bien à propos de Léa Havard) un protectorat, bien en-deçà de l’indépendance-association et dont les avatars dans le Pacifique sont très divers (avec ou sans siège à l’ONU ; avec ou sans nationalité propre ; avec quelques ou sans compétences régaliennes ; etc. ; voir nos différents billets précédents). Léa Havard aura donc réussi son coup ; j’allais dire sa mission…
On apprend dans le premier article que c’est bien Manuel Valls qui va animer les discussions : « Le fil du dialogue est toujours bien présent. J’ai bon espoir que nous aboutissions, comme l’a dit le président de la République hier, à un accord. Ce sera mon rôle aujourd’hui, demain et le temps nécessaire ». Petit scoop relaté, la conférence de presse surprise du FLNKS tôt le matin, avec Emmanuel Tjibaou et… Christian Téin : y est confirmé la nouvelle publiée par Le Monde : « Emmanuel Tjibaou assure que le président a évoqué l’idée [entre autres solutions, PC : ce n’est semble-t-il pas sa seule proposition ! ] de faire du Caillou un "État-associé", avec, d’ici là, une période de transition étalée sur quinze à vingt ans pour permettre de reconstruire le territoire. Une nouvelle qui a positivement attisé la curiosité des indépendantistes, eux qui voyaient la reprise en main présidentielle d’un œil dubitatif », commente l’article qui continue : « L’Élysée n’a pas confirmé l’information. En revanche, plusieurs acteurs rencontrés jeudi ont une lecture différente de la supposée annonce présidentielle. Tout reste encore à définir. Emmanuel Tjibaou voudrait par exemple que la période de transition soit plus courte. De l’autre côté, chez les non-indépendantistes [il s’agit seulement des loyalistes radicaux, PC], on estime que l’idée d’"État-associé" n’est pas du tout celle qu’a détaillée le chef de l'État. En colère, Sonia Backès a démenti ce qui s’apparente selon elle à des "mensonges" de la journaliste du Monde. "Le président de la République n’a pas du tout proposé un accord transitoire vers un État-associé", a-t-elle posté sur Facebook[21]. Même son de cloche chez Virginie Ruffenach, contactée en fin de journée. De toute manière, les vraies négociations politiques ne commencent que ce jeudi soir, en format bilatéral. Le FLNKS et le Rassemblement ont demandé à ce que le projet d’Emmanuel Macron soit présenté noir sur blanc dans un document, qui servirait alors de base pour les discussions. Histoire d’éviter les confusions et les mauvaises interprétations ». Bonne idée…
En outre, on parle aussi d’économie[22]…
Ajout du matin (du 4 juillet, là-bas) chagrin ; matin là-bas, mais tard le soir ici…
On pouvait s’y attendre, Le FLNKS joue encore un jeu plus serré que Macron[23] : « Les indépendantistes ne signeront pas d’accord lors du sommet organisé par l’Élysée sur la Nouvelle-Calédonie, mais se sont dits "intéressés" par l’idée d’un "État associé" avec la France, qui pourrait voir le jour après une période transitoire pour relever le territoire meurtri par les émeutes de mai 2024. […] "Il n’y aura pas de signature durant cette séquence-là, même si on reste une semaine, deux semaines, un mois", a déclaré Mickaël Forrest, membre de la délégation du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), lors d’une conférence de presse jeudi, au lendemain de l’ouverture du sommet par Emmanuel Macron. Le député Emmanuel Tjibaou (GDR), qui conduit la délégation du FLNKS, a précisé que les rencontres en cours ne constituent qu’une étape : "On fait des discussions et puis on repart vers nos structures pour valider le processus engagé", a-t-il indiqué, rappelant la nécessité d’un "document" écrit et d’"éléments concrets" de la part du gouvernement. "Le discours qui a été fait par le président (Emmanuel) Macron hier était un discours qui nous engage sur une trajectoire. Le mot ‘État associé’ a été prononcé. Ça nous intéresse", a-t-il poursuivi, tout en réaffirmant que "le peuple kanak n’a jamais abdiqué sa souveraineté et n’y renoncera jamais" ».
L’économie est en outre toujours au cœur des discussions calédoniennes, animées par Valls à son ministère[24], discussions qui dureront jusqu’à vendredi, les soirées étant réservées aux négociations politiques. Grand raout le 4 juillet, avec force photos des leaders des force vives dont les syndicats de salariés et du patronat[25], avec accolades avec le chef de l’État et banalités revendicatives… « Après deux jours d’échanges avec les élus calédoniens, ils appellent unanimement à trouver une solution politique pour régler la crise économique ». La lutte de classes aura pris quelques vacances à Paris.
…
Le quotidien Le Monde titrait sur la Toile, dès le 2 juillet : Nouvelle-Calédonie : le sommet convoqué par Emmanuel Macron loin du compromis espéré. On a connu des titres plus optimistes… On peut rajouter notre étonnement : pas un mot le 2 juillet (sauf erreur) dans la presse audio et télévisée (par exemple Franc Info et le JT de la 2) sur la réunion de l’Élysée concernant la Nouvelle-Calédonie ! Mais le sujet était évoqué sur les JT des 2 et 3 juillet sur NC 1ère, en grève, avant les Jeux du Pacifique dont ses parties de ping-pong ; quant au JT de 19 h 30 du 4 juillet, quelques minutes seulement, et sans indiquer la dernière sortie de Tjibaou pourtant annoncée (voir plus haut) par LNC le matin même…. Le JT de la télé Caledonia du 4 juillet n’évoque que discrètement la sortie du jour de Tjibaou, avec un extrait de son discours peu compréhensible. Même notre média préféré, Mediapart, ne dit mot du sujet (recherche du 4 juillet au matin ; dernière allusion à la Calédonie au milieu de juin) ; seul apparaît un passionnant billet de blog[26]. Les LR de France semblent, après leurs menaces, d’une discrétion de violette sur le sujet.
Et Macron est le Jupiter du suspense à la Hitchcock et de la procrastination ; ça arrange les loyalistes radicaux de la Calédonie française mais aussi, apparemment, les centristes de Calédonie ensemble et de l’Éveil océanien, et même les indépendantistes de l’UNI-Palika. Il me semble que tout soit plié : même pas de pseudo-indépendance sous la forme d’État associé-protectorat avant 20, 15 ou 10 ans ; c’est pire que les précédentes procrastinations de 1988 (10 ans) et 1998 (15 ans) ; et fini le référendum pour la pleine souveraineté : maintenant c’est Calédonie française avec une touche de plus d’autonomie versus protectorat ! Ça semble un peu gêner les indépendantistes du FLNKS de Tjibaou-Téin, mais sans plus pour le moment ; qu’en pensera leur base et singulièrement la jeunesse révoltée ? C’est vrai que ce qui s’apparente, de la part de l’État, à une sorte de chantage à l’aide à la reconstruction pendant près d’une génération peut freiner les ardeurs d’insurrection ; mais il n’y a pas que la rationalité économique dans la tête des jeunes désœuvrés et moins jeunes plus intégrés mais indépendantistes.
Jupiter aussi, Macron, du grand jeu de com’… Grand jeu qui doit coûter un pognon de dingue ; mais, comme dit la chanson locale ; « C’est la France qui paie ! ».
Je crains que Macron dira un jour « Je ne vous ai pas compris ! ».
Notes
[1] Voir l’article du 25 juin 2025, AFP-« LNC :
« Les discussions "dureront le temps nécessaire à ce que les sujets lourds que nous aurons à aborder puissent l’être avec tout le sérieux qu’ils méritent", écrit le président de la République dans ce courrier. "Au-delà des sujets institutionnels, qui sont majeurs, je souhaite que nos échanges puissent également porter sur les enjeux économiques et sociétaux", précise le chef de l’État. […] ». Ce sommet « se fera sous la présidence d’Emmanuel Macron mais aussi sous la houlette du ministre des Outre-mer, Manuel Valls, et associera les élus calédoniens, les responsables des partis locaux et les représentants des forces économiques et sociales de l’archipel, a-t-on précisé de source proche du dossier ».
Voir aussi l’article du 30 juin :
Et celui du 1er juillet :
Ainsi que celui du 1er juillet sur LNC :
[2] Voir sur LNC du 27 juin2025 le communiqué d’Emmanuel Tjibaou :
Et, toujours sur LNC, l’article du 29 juin :
En outre, les élus du groupe UC-FLNKS ont déposé le mardi 1er juillet, sur le bureau du Congrès, une résolution pour déclarer l’urgence sociale, jugeant l’État en partie responsable de la crise insurrectionnelle de mai 2024 : voir l’article à la même date sur LNC :
Le but est évidemment de faire payer l’État : « Demander davantage d’aides de la France alors que ce mouvement qui lutte pour l’accession à la souveraineté pleine et entière de Kanaky peut sembler paradoxal, écrit l’article. Mais le groupe assume et défend, une nouvelle fois, cette position, jugeant que l’État a sa part de responsabilité dans le déclenchement des émeutes : "On a eu de cesse de marteler que ce qui s’est produit le 13-Mai est avant tout lié à cette fameuse méthode Darmanin-Lecornu et consorts de vouloir passer en force. L’État a fauté, donc l’État doit réparer" ».
[3] Le FLNKS n’en dit pas plus ; on peut penser que Macron, même en suivant la ligne de Valls, repousse le plus possible l’accès à l’indépendance-association en faisant miroiter des aides au redressement économique.
[4] On laisse de côté L’Éveil océanien qui ne semble rien ajouter de nouveau depuis nos billets précédents.
[5] Voir sur LNC du 21 juin :
[6] Voir toutes nos analyses et billets depuis de lustres sur cette expression; voir égaleent ce que l'on entendait par "La tentation du Guépard"...
[7] Voir l’article de LNC du 1er juillet :
Par ricochet, c’est l’avenir même du parti qui est en jeu ; voir :
Le procureur de la République, Yves Dupas (bien connu de nos lecteurs assidus) a ainsi été suivi dans ses réquisitions. Les articles n’osent pas écrire que les conclusions de ce procès arrivent pile-poil avant la reprise des discussions avec Macron ; ce n’est sans doute qu’un pur hasard. Le parti fera appel, arguant que pour les mêmes faits, il y a plus de dix ans, les magistrats avaient abouti à un non-lieu. Quant à la fin des mandats d’élus, le haut-commissaire local devrait prendre un arrêté.
[8] Voir l’article du 30 juin sur LNCE :
Et celui du 1er juillet :
[9] Voir sur LNC du 2 juillet :
[10] Voir l’article de NC 1ère du 13 juin 2025 :
L’article précise « "La fédération territoriale, c’est tout simplement revenir au fait que chaque légitimité en Nouvelle-Calédonie doit pouvoir gouverner et mener les politiques publiques qui conviennent à sa société et à ses gens", avaient déclaré les Loyalistes lors d'une conférence de presse en novembre 2024 ».
Détail sans importance : les Provinces deviendraient des Régions.
[11] Voir sur LNC à la même date :
[12] Voir, sur NC 1ère du 2 juillet :
[13] Voir l’article A.F.P / LNC du 3 juillet où, en gros, tout est dit :
[14] Voir l’article du 2 juillet de France Info NC 1ère :
[15] Voir :
Et :
[16] Voir :
[17] Voir :
[18] Voir le 19 juin :
[19] Voir :
Ces fuites sont confirmées et précisées le 4 juillet sur LNC :
« Lors de l’ouverture du sommet pour l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, mercredi 2 juillet, à l’Élysée, Emmanuel Macron aurait évoqué une transition sur 15 à 20 ans suivie d’une consultation sur un ou plusieurs modèles » ; puis, plus loin, « Parmi les projets : une très large autonomie avec un lien fort avec la France, un État associé, option prononcée par le chef de l’État, comme l’ont rapporté plusieurs sources et le chef de la délégation du FLNKS Emmanuel Tjibaou, ou encore un État fédéré. Le droit international reconnaît aussi le statu quo, ou encore un nouveau modèle institutionnel construit par les premiers concernés. Quoi qu’il en soit, c’est d’abord la période de transition et de stabilisation qui importe, et la nécessité, à l’issue, de sortir d’une logique binaire, qui a cristallisé les oppositions, pour aller vers un projet commun accepté par l’ensemble des Calédoniens ».
[20] Voir (publié le matin et modifié en fin d’après-midi du 3 juillet) :
[21] « Emmanuel Macron a évoqué "le statu quo, la large autonomie, l’État associé" comme options possibles à condition d’éviter "une consultation binaire" pour ou contre l’indépendance, a rapporté à l’AFP la cheffe de file loyaliste Sonia Backès. Elle s’est dite favorable à une période de stabilité longue, tout en réaffirmant sa "totale opposition" à l’État associé ».
[22] Voir l’article du 3 juillet :
[23] Voir sur LNC du 4 juillet au matin (horaire du Caillou) :
On pouvait s’y attendre quand Tjibaou notait (voir plus haut) : « Vous saurez tout de suite si ça fait long feu ou pas ».
[24] Voir l’article du 3 juillet :
[25] Voir l’article du 4 juillet :
[26] C’est celui, très intéressant et avec de nombreux commentaires, du 2 juillet 2025, par Enzo Lesourt :
https://blogs.mediapart.fr/enzo-lesourt/blog/020725/independance-de-la-nouvelle-caledonie-une-opportunite-historique-pour-la-france/commentaires
L’auteur, docteur en philosophie politique, a été conseiller spécial pendant dix ans du cabinet d’Éric Piolle, le maire écolo de Grenoble ; puis il s’est fâché avec lui en 2022. En 2022, il a séjourné plusieurs mois sur le Caillou ; il est l’auteur d’un premier roman de politique-fiction, Le Soulèvement du Pacifique (éditions Wildproject) publié en mars 2025.