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Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 9 novembre 2023

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Cocos et anars jouent Éros plutôt que Thanatos : uchronie et Histoire (Saison 9)

Précisons : uchronie très ensoleillée ; fort sombre Histoire. Les Rouges et les Noirs : Charlot (Karl Marx), Freddy (Friedrich Engels), Pierrot-Joé (Pierre-Joseph Proudhon), Mickey (Michel Bakounine), Lou (Louise Michel) et les autres...

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Illustration 1

Le petit Freddy, fils naturel accepté à bras ouvert par Charlot, pas par Marx

Illustration 2

Charlot et Freddy : les inséparables, même au lit...

Charlot et Freddy étaient inséparables ; mais n’allez pas croire que leurs rapports dépassassent une très grande amitié virile.

Une nuit bien arrosée à Londres en 1850 (Charlot avait 32 ans, Freddy en avait 30) Jenny étant partie quérir de l’argent dans sa famille en Allemagne, Charlot et Freddy se retrouvèrent dans le même lit que la bonne, Lenchen qui faisait presque partie de la famille, et depuis longtemps… Ce qui devait arriver arriva, le petit Freddy (ce sera son sobriquet) vit le jour neuf mois plus tard ; c’était déjà le portrait craché de Charlot, un nouveau petit Maure. L’autre Freddy insista pour le reconnaître, pour éviter à son copain Charlot des tracas avec Jenny ; malgré la ressemblance physique évidente, il pouvait aussi en être le père (on ne connaissait pas d’amants à Lenchen). N’avaient-ils pas écrit à quatre mains le Manifeste communiste ! Peut-être que le petit Freddy était aussi une œuvre commune ?

Ce fut le grand tournant dans la vie amoureuse et politique de Charlot[1] qui reconnut immédiatement Freddy Mordechai et l’éleva dans la famille comme son fils ; pourquoi comme : c’était son fils. Et Lenchen qui ne faisait que presque partie de la famille, en fit vraiment partie. Il y eut bien quelques orages, mais Jenny Hirsch et Charlot continuèrent leur union ; cependant dans un sens nouveau : Jenny eut de très nombreuses aventures, quelquefois saphiques (la libération est la libération…) ; Charlot multiplia les rencontres amoureuses, et de façon frénétique, retrouvant sa jeunesse, alors, disait-on, qu’il ne connut depuis son mariage aucune femme autre que Jenny Hirsch. Quant aux éventuelles amours masculines de Charlot, on ne sait pas. Cette nouvelle vie modifia de fond en comble son parcours politique. Tout est là !

Charlot était libéré ; il venait enfin de découvrir son Moi profond (Moi qu’il refusait tant contre les anarchistes) : se remémorant ses violentes attaques contre Stirner et moins violentes contre Pierrot-Joé, il se mit à écrire une autocritique en assouplissant sa haine de la pensée libertaire. C’est autour de cette date qu’il se rabibocha définitivement avec Pierrot-Joé (il est vrai, si l’on peut dire, grâce au coup d’État de celui qui allait devenir Napoléon III) ; Charlot voulut rencontrer Stirner qui, déjà malade, allait bientôt s’éteindre (en 1856) mais ce dernier refusa, malgré des tas de lettres autocritiques envoyées par Charlot. Ses rapports avec Freddy commencèrent à se dégrader, car ce dernier devint de plus en plus un farouche partisan du communisme le plus autoritaire et le plus bureaucratique.

La plus grande crapulerie de Marx : le refus de reconnaître son fils qu’il passa à Engels, un peu comme ses théories

Dans Jenny Marx ou l’épouse du diable[2], Françoise Giroud évoque évidemment la vie de Karl Marx, et, pour ce qui est de Jenny, le caractère de Jenny von Westphalen. Elle notait : « Plus que pour les aventures avec les petites femmes, la baronne Jenny von Westphalen souffrait de la liaison de son mari avec l’autre père du communisme[3] ». Il serait curieux, pour tout dire impossible (surtout de la part de Marx, moins de celle d’Engels, probablement plus ouvert) que nos deux lascars eussent des rapports homosexuels consommés ; le plus probable est que les fantasmes courraient peut-être… Françoise Giroud l’évoque, certes fort discrètement (quoique…) dans son livre ; on en profite pour aussi insister avec quelques extraits où le caractère d’Engels est en outre précisé : « Et puis il y a eu l’autre, le clou dans la chaussure de Jenny, le dénommé Engels. Qui donc était ce personnage dont le nom est indissolublement lié à celui de Marx ? On imagine un petit homme gris, effacé, écrasé par une grande ombre, une sorte de ″nègre″ extasié. Pas du tout. Friedrich Engels est un beau Prussien blond, élégant, désinvolte, brillant, aigu, bégayant, quand il s’exalte, en vingt langues, amateur de bonne chère, de bons vins, de belles filles. Un bon vivant. [...] L’objet de sa passion, c’est Marx. Il l’aime, sans adjectif. Plusieurs volumes de correspondance échangée entre les deux hommes, qui ont à peine vingt-cinq ans, vingt-six ans lorsqu’ils se rencontrent, montrent quelle fut leur complicité intellectuelle, l’intimité de leur relation, le besoin où ils furent l’un de l’autre à travers les années. Heureusement, quand l’un se trouvait à Londres, l’autre travaillait à Manchester, trois cents kilomètres les séparaient. Sinon, Engels eût été là tous les matins pour le petit déjeuner. Et peut-être, qui sait, Jenny aurait fini par mettre de la mort-aux-rats dans son café. [...] Il l’horripile. Mais elle sait que Marx ne peut se passer de lui. Alors elle le tolère, tout en déplorant sa ″mauvaise influence″, c’est-à-dire les soirées où les deux hommes se saoulent ensemble. Vont-ils au bordel avant ou après ? Shocking ! Cette idée-là ne peut même pas effleurer l’esprit de Jenny Marx. Ou alors, elle la refoule aussitôt ».

Avec ou sans Engels, il engrossa Lenchen. Helena, née en 1820 comme Engels, fut d’abord domestique en Allemagne chez les parents de Jenny ; elle accompagnera à leur mariage le jeune couple Karl et Jenny comme gouvernante. En fait, elle fut une véritable bonne à tout faire, même camarade de leur lutte politique. En juin 1851, elle accouche d’un garçon, Frederick (qui mourra fort vieux, à 78 ans). À la mort de Marx en 1883, Lenchen deviendra la gouvernante d’Engels et l’aida à organiser la succession historique de Karl. Elle meurt d’un cancer en 1890 et fut, à la demande d’une fille de Marx, Eleanor, enterrée au cimetière de Highgate dans la tombe de la famille Marx à Londres

Dans l’Histoire, Karl Marx eut effectivement un fils dit naturel qu’il abandonna, lâchement, très lâchement… Engels reconnaîtra la paternité et le soutiendra financièrement, mais, semble-t-il, sans beaucoup d’affection[4] ; Frederick fut cependant souvent reçu dans la cuisine, par sa mère, chez Marx et Jenny quand cette dernière était absente[5] ; Marx ne lui disait sans doute pas un mot quand ils se croisaient. Les enfants de Marx ne considérèrent jamais Freddy comme un frère, sauf, sur le tard et du bout des lèvres, Eleanor. Le bâtard semble n’avoir jamais compris qui fut son père, il mourut, sans doute ouvrier exilé en Australie en 1929, dans l’indifférence générale. Pour le mouvement communiste, l’histoire fut peu connue et, évidemment, violemment refoulée en URSS.

Ce qu’il faut bien considérer comme la pire saloperie que Marx commit dans sa vie (car c’en est une : ses magouilles politiques contre Proudhon puis Bakounine, ne sont que pipis de chat en comparaison...) reste un mystère peu étudié.

En 2019, fut cependant publiée (mais donc sur le tard) chez Albin Michel, une fiction reprenant l’histoire du petit Freddy : Le cœur battant du monde, de Sébastien Spitzer. « Tout est vrai, ou presque » dans ce roman affirme son auteur : « la relation névrotique [de Marx] à l’argent, son mode de vie bourgeois et sa puissance de travail, son attrait pour le luxe et son incapacité à gagner le moindre sou ; sans oublier, et ce n’est pas la moindre de ses contradictions, ses investissements dans des actions ferroviaires ». Dans le roman de Spitzer, Eleanor-Tussy, une fille de Marx, va découvrir que Freddy est son demi-frère alors qu’une idylle était en train de naître : ce roman, cette fiction qui se ne veut pas une uchronie, est beaucoup plus palpitant que toute uchronie. Sauf lacune de ma petite culture, je reste sur ma faim avec cette fiction ; mon imagination présente des limites : aucune idée ne me vient à l’esprit. Sauf celle d’un connard qui, ayant tiré son coup (avec ou sans Engels : le scénario osé dans l’uchronie, rien ne permet de l’écarter définitivement dans l’Histoire) laissa un petit qui mourut, certes vieux, mais ouvrier dans la dèche ou comme un véritable héros révolutionnaire, on ne sait.

Sauf que Karl Marx et Jenny eurent de grands malheurs avec beaucoup de leurs enfants, morts prématurément, dont son premier fils, Edgar, né en 1847 qui mourut à l’âge de 8 ans (ce fut pour Karl un cataclysme) et le petit Freddy était encore un bambin au décès d’Edgar ; ce qui explique peut-être l’effroyable rapport que Karl eut avec le petit Freddy... : il le conçut en plus l’année de la mort d’un autre fils, Edouard. Ça fait beaucoup pour un seul homme et pour Jenny, avec en outre l’apparition du petit Freddy... Marx n’était évidemment pas féru de psychanalyse qui, évidemment, n’était pas née ; une bonne psy lui aurait sans doute fait du bien.

Notes de bas de page

[1] Pour les têtes en l’air, il ne s’agit que de l’uchronie.

[2] Éditions Rizzoli, 1993. Il faut mentionner l’exergue de ce livre : « La révolution viendra, mais il n’y a pas lieu de se refuser les joies de l’existence... », Stendhal.

[3] « L’autre père du communisme » comme il fut donc l’autre père du petit Freddy…

[4] En fait, on n’en sait rien ; sauf ce que semble suggérer le film Le Jeune Karl Marx (op. cit.).

[5] Idem.

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